GEPP : l’analyse chiffrée – « avancée des droits de chaque collaborateur »* ou recul social massif ?

In GEPP

* (dixit notre DRH France)

Chers collègues,

La direction et trois syndicats, viennent de signer un accord sur la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP).Ceux-ci nous le présentent comme une avancée majeure, une boîte à outils remplie de “droits nouveaux” pour les salariés.

Cependant, une lecture attentive et sans complaisance de cet accord et du contexte dans lequel il s’inscrit nous oblige à tirer la sonnette d’alarme. Loin d’être une simple formalité, cet accord prévoit des budgets bien plus élevés pour les départs externes que pour l’évolution professionnelle en interne. Il pourrait bien être le cheval de Troie d’une restructuration à venir, un Power26 qui se ferait au cas par cas, sans les garanties sociales d’un plan collectif, et avec une exposition médiatique plus discrète.

Partie 1 – Mesures pour les salariés « qui partiront » : comparatif avec la RCC Power 24

La plupart de ces mesures ont été copiées-collées-ajustées de l’accord RCC vers l’accord GEPP. Les natures des mesures sont donc similaires, mais les montants sont souvent différents.

Ces mesures sont à regarder de très près, au moment où les marchés financiers réclament de nombreuses suppressions de postes. Citons Oddo BHF récemment : « De nouvelles restructurations sont à prévoir (…) car il y a trop d’effectifs et de “plateformes inefficaces” […] Le concurrent Nexi compte deux fois moins de salariés pour un niveau de revenus nets à peine inférieur ».

Quelques exemples concrets

Ce petit tableau vaut mieux qu’un long discours : comparons ce qu’auraient obtenu des salariés avec diverses anciennetés et divers projets professionnels, via la RCC 2024 d’un côté, via un départ externe en 2026 tel que défini par cette GEPP (Job Roles « sensibles ») de l’autre.

Profil de salariéAccord RCC 2024, mesures pour salariés éligiblesAccord GEPP, mesures pour salariés éligibles (=en Job Roles “sensibles”)
5 AA (Années d’Ancienneté)
part pour une reconversion
Indemnité : 6.25 MS (Mois de Salaire)
Durée (max) congé mobilité : 12 mois
Financement formation : jusqu’à 15 000€ HT
Indemnité : 1.66 MS
Durée (max) congé mobilité : 3 mois
Financement formation : jusqu’à 10 000€ HT sur le compte CPF
10 AA
part via formation courte puis recherche d’emploi
Indemnité : 12.5 MS
Durée congé mobilité : 6 mois
Financement formation : 4000€ HT
Indemnité : 4.13 MS
Durée congé mobilité : 3 mois
Financement formation : 4000€ HT versés sur le compte CPF
25 AA (âge 55 ans)
part créer une entreprise
(se met à son compte)
Indemnité : 34 mois (plafond 300k€)
Durée congé mobilité : 12 mois
Aide création entreprise : 10 000€
Financement formation : 4 000 € HT
Indemnité : 16.3 mois
Durée congé mobilité : 7 mois
Aide création entreprise : 4 000€ bruts Financement formation : 5 000 € HT

Commentaire CFTC :

La RCC 2024 était en-dessous des standards du marché pour les candidats au départ (hormis pour quelques populations comme les seniors), cf notre analyse chiffrée de l’époque. Cette GEPP prévoit des montants encore bien moins protecteurs pour les salariés qui prendraient le risque de quitter l’entreprise.

Pour justifier ces montants faiblards, la direction a prétendu en négociation ne pas vouloir que les mesures soient trop attractives. Etrange : pourquoi prévoir des mesures si c’est pour qu’elles ne soient pas utilisées par les salariés ?

Départs externes : mesures de protection de l’emploi et de transparence

Lexique (cliquer pour déplier)

JR = Job Role

AA = année d’ancienneté

MS = mois de salaire

GEPP = Gestion de l’Emploi et des Parcours Professionnels, accord d’entreprise visant à anticiper les évolutions de l’emploi

RQTH = Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé

 Accord RCC 2024Accord GEPP, mesures pour Job Roles “sensibles”
RéférentielJob Roles
Affectation  des job roles de chaque salarié globalement à la main de la direction (elle les a même modifiés pendant la RCC)
Job Roles
Affectation  des job roles de chaque salarié globalement à la main de la direction  
Nombre de départs Proposé par la direction.
Plafonné par l’accord à 330 postes soit 8% de l’effectif (décrémenté des départs « naturels » : démissions…)
Fixé par la direction au fil de l’eau selon les besoins de l’entreprise, pour chaque JR
Pas de plafond : en négociation, la direction a refusé de définir des limitations.
Désignation des salariés éligiblesLa direction définit les job roles « sensibles ». L’information du CSE permet théoriquement d’obtenir des explications.
La négociation RCC peut permettre aux syndicats de les remettre en cause.
L’inspection du Travail vérifie la validité juridique de l’accord RCC.
La direction définit unilatéralement les Job Roles « sensibles ».
L’information du CSE permet théoriquement d’obtenir des explications.
Pas de réelle remise en cause possible.
Transparence de l’exécution  Une Commission de Validation (ouverte uniquement aux syndicats ayant signé l’accord RCC, pas aux élus CSE) offre une transparence relative.
Les élus et syndicats non signataires (CGT et CFTC) sont tenus à l’écart, ainsi que le CSE qui ne dispose que de stats.
Une Commission de Suivi (ouverte uniquement aux syndicats ayant signé l’accord RCC, pas aux élus CSE) offre une transparence relative.
Les élus et syndicats non signataires (CFTC) sont tenus à l’écart, ainsi que le CSE qui ne dispose que de stats.

Départs externes : indemnités et protection financière des salariés

 Accord RCC 2024Accord GEPP, mesures pour Job Roles “sensibles”
Indemnité de départ
-75% (Moyenne)
1.25 mois /AA (jusqu’à 14 ans )
Puis 1.5 mois/AA  
Plafond : 40 mois    

(départs à la retraite inclus)
0.33 mois/AA (jusqu’à 7ans)
Puis 0.6 mois/AA (cf accord d’entreprise de 2014)
Plafond : 20 mois  

50-55 ans : majoration de +20%
55+ ans : majoration de 30%

(départs à la retraite exclus)
Congé Mobilité
-75% (Moyenne)        
(NB : concernait 2/3 des départs RCC)
Durée max, selon le motif de départ :
18 mois (« pré-retraite »)
12 mois (reconversion pro, création d’entreprise)
6 mois (formation d’adaptation)  

Rémunérés 70% du salaire Brut de référence Mutuelle et prévoyance
Cotisation retraite : assimilé période de travail
 
+3 mois pour  salariés RQTH (sauf « pré-retraite »)
Durée max : 3 mois (tous motifs de départ)
Rémunéré 70% du salaire Brut Mutuelle et prévoyance
Cotisation retraite  

+3 mois pour salariés RQTH et +50 ans
Rachat trimestres retraite
-20% minimum
12500€ max pas de limite au nb de trimestres, sauf celles de la loi (jusqu’à 12 trimestres)
Le salarié doit avancer l’argent
10 000€ ou 2 trimestres max
Le salarié doit avancer l’argent
Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
Alors que le marché de l’emploi est tendu pour les salariés, que les observateurs financiers réclament que Worldline réduise son nombre d’employés, signer pour cet effondrement des indemnités de départ et des durées de congés mobilité nous paraît totalement inadapté.

De plus, pour assurer un minimum d’égalité de traitement entre salariés, les plans de départs volontaires devraient offrir des conditions comparables au fil des années. On ne comprend pas bien cette diminution de 75% de la protection financière des salariés qui partiraient « volontairement » entre Power24 et le potentiel Power26.

De plus, comme pour la RCC, certaines catégories de salariés sont particulièrement défavorisées par le calcul des indemnités de départs : les anciennetés faibles et moyennes, et les salaires modestes. Seul point qui fait sens par rapport à la RCC : pas de chèque disproportionné versé aux départs en retraite ou pré-retraite.

Départs externes : accompagnement vers un nouvel emploi

NB : les départs de type pré-retraite et retraite, qui existaient dans l’accord RCC (avec de fortes primes de départ), ne sont pas renouvelés dans l’accord GEPP.

Type de départAccord RCC 2024Accord GEPP, mesures pour JR “sensibles”
Formations courtes (“d’adaptation”)
+0%  
Financement 4000€ HTFinancement 4000€HT via CPF
A clarifier : quid si le compte CPF est déjà plein ?
Formations de reconversion
-33%  
Financement jusqu’à 15 000€ HTFinancement jusqu’à 10 000€ HT via CPF
A clarifier, car le compte CPF est plafonné à 5000€
Création d’entreprise
-36%    
Financement 10 000€ bruts  (50% à la création, 50% à 6 mois) Aide à formation : 4000€ HT Soutien d’un consultant spécialisé de l’EICFinancement 4000€ bruts (50% à la création, 50% à 6 mois)
Aide à formation : 5000€ HT
Accompagnement élaboration projet pro    Cellule externe (“EIC”)Cellule externe (équivalente à l’EIC)
Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
encore des régressions. Pourtant, les formations ne sont pas moins chères qu’en 2024, et les créations d’entreprises restent une prise de risque conséquente. La suppression des primes exorbitantes de retraite (qui avaient choqué nombre de salariés pendant la RCC) pour un retour à des primes de retraites standard fait sens.

Départs externes : MVES (Mobilité Volontaire Externe Sécurisée)

Ce dispositif n’existait pas dans la RCC Power 24. Définition : « La période de MVES permet au salarié bénéficiaire d’exercer une activité dans une autre société, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ou d’un contrat à durée déterminée (CDD), sans qu’il ne soit tenu de rompre son contrat de travail pendant la durée de suspension de celui-ci. ».

La CFTC a demandé la mise en place de la MVES comme mesure d’évolution professionnelle. L’idée du dispositif est qu’un salarié puisse ainsi acquérir de l’expérience en externe (sur un autre métier, une autre technologie par exemple) avant de revenir travailler chez Worldline fort de nouvelles compétences.

 GEPP (JR non “sensibles”)GEPP (JR “sensibles”)
IndemnitéPas d’indemnitéPas d’indemnité
Durée8 mois max
NB : la loi ne pose pas de durée limite
12 mois max
Recherche d’un emploi externe pour la MVES100% à la charge du salariéIdem
Possibilité d’interrompre sa MVES avec retour anticipé chez WorldlineNon (sauf circonstances personnelles ou familiales exceptionnelles, ou rupture période d’essai par employeur MVES)Idem
Possibilité de démissionner de Worldline et de rester dans l’entreprise externeOuiidem
Garantie de retrouver un emploi sur son site d’origineOui, mais potentiellement sur un autre site… (l’accord stipule « en priorité sur son site d’origine ») malgré notre demande de retirer cette mentionIdem
Priorité dans l’ordre des départsN/ABasse (inférieure à tout sauf aux départs pour CDD)
Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
Les clauses définies dans l’accord GEPP déforment notre intention, à notre sens, orientant plutôt l’usage de la MVES pour un départ externe avec filet de sécurité (relatif), ce qui peut donner un indice sur les intentions de la Direction avec cette GEPP.

Partie 2 – Mesures pour les salariés « qui resteront »

Contrairement à la RCC, cette GEPP prévoit des mesures pour les salariés souhaitant évoluer en interne, même si le budget consacré y est nettement moins ambitieux que pour les départs externes.

Mobilité interne : changement de postes

 RCC P24GEPP, JR non “sensibles”GEPP, JR “sensibles”
Conditions d’accès Être éligible RCC2 ans d’ancienneté dans le postePas de condition d’ancienneté, il faut juste avoir un JR sensible
Prime de mobilité  2 mois de salaire brut (plafond 10 000€)(aucune)2 mois de salaire brut (plafond 10 000€)
Priorité de recrutement sur un poste ouvertNi plus prioritaire ni moins prioritaire qu’un candidat non éligible.Les candidatures internes seront « Traitées en priorité » vs les externes.Prioritaire, “à compétences égales”, vs les “non sensibles”
FormationsA l’initiative de la direction : Formations possibles, Mentorat/tutorat/coaching possibles(aucune)« Des formations d’adaptation pourraient être proposées »

Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
des mesures très similaires à la RCC. Les primes restent nettement moins intéressantes que pour un départ externe, ce qui peut donner un indice sur l’orientation de la GEPP.

Mobilité interne : changement de site « pour besoins opérationnels »

Les aides à la mobilité géographique font leur retour. Les expérimentés se souviennent de la charte mobilité héritée d’Atos, qui était en vigueur jusqu’à il y a une dizaine d’années, jusqu’à ce que la précédente direction RH la supprime discrètement.

 RCC P24 – mobilité vers un autre posteGEPP (JR “sensibles” ou non) – mobilité vers un autre poste
Maintien de rémunérationGarantie de non-diminution de rémunérationGarantie de non-diminution de rémunération

Si mobilité induit hausse de rémunération, application sous 6 mois suivant l’entrée en fonction.
Augmentation non systématique, dépend d’une analyse comparative du marché  faite par l’employeur.
Aucune garantie de transparence sur l’analyse comparative.
Les primes doivent résulter d’une évaluation conjointe par l’ancien et le nouveau manager.
Voyage de reconnaissance  Prise en charge des frais de voyage et de 5 nuits d’hôtel, pour la familleidem
Frais d’hébergement temporaire  Jusqu’à 6 mois Au barème Urssaf (82.50€ / jour en 2024) Sur justificatifsIdem
Recherche de logementPrise en charge par une entreprise de relocalisation Jusqu’à 5000€ HT Sur justificatifsidem
Frais de déménagement  Jusqu’à 5000€ HT Sur justificatifsidem
Indemnité de réinstallation (électricité, eau, gaz, téléphone, réexpédition du courrier, remise en état du logement)  Jusqu’à 1654€ (barème Urssaf 2024) + 134.50€ / enfant à charge Sur justificatifsIdem (mais barème Urssaf 2025)
Aide au reclassement du conjoint  Accompagnement de 9 mois par Cellule SpécialiséeIdem (mais avec plafond de 4000€)
Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
Le retour bienvenu de ces clauses aidant à la mobilité géographique est mitigé par le fait que ces aides concernent uniquement les salariés souhaitant faire une mobilité vers un nouveau poste (job roles « sensibles » ou non) situé sur un autre site, et non ceux qui souhaiteraient conserver leur poste et déménager sur un autre site.

Accompagnement des salariés expérimentés (ex-« seniors »)

 GEPP
MentoratRelance du dispositif, qui permet de valoriser l’expérience des seniors  

Commentaire CFTC : Notre syndicat avait formulé de nombreuses propositions pour accompagner les 50+ ans, valoriser l’expérience, et favoriser l’employabilité des seniors en interne. Presque rien n’a été retenu.  A noter que d’autres dispositifs sont déjà existants dans d’autres accords, mais uniquement sur la question du temps de travail (Temps partiel de fin de carrière – TPFC, Temps Partiel pour Retraite Progressive – TPRP, Congé de Fin de Carrière – CFC).

Pour les départs externes des 50+ en revanche, quelques mesures/bonifications sont prévues (voir plus haut), ainsi que la poursuite des réunions d’information sur l’accès à la retraite.

Recrutement, évaluation et développement des compétences

 GEPP
Recrutement interne Pour tout recrutement, les candidatures internes seront prioritaires sur les candidatures externes  
Recrutements externes : cooptation  Prime de prime de Cooptation de 2000€ (+ 500€ si le poste est qualifié de « en développement » dans la cartographie des emplois)  
Recrutements externes : intégration Mise en place d’un parcours d’intégration (avec Parrain ou Marraine) Recueil d’un rapport d’étonnement anonymisé pour les nouveaux arrivants
Evaluation et développement des compétences  Coachs certifiés internes et externes Relance du programme de Mentorat
Commentaire CFTC (cliquer pour déplier)
Des mesures bienvenues, en tout cas sur le papier. Pour celles déjà en vigueur comme la cooptation, l’accord vient les pérenniser. Pour les autres, leur mise en œuvre est à la main de la direction, dommage que très peu de moyens de vérification soient prévus pour les élus (statistiques, etc).

Partie 3 – l’analyse CFTC

1. Déconstruisons le mythe du “volontariat”

L’argument principal des signataires est que cet accord encadre des départs individuels et volontaires. C’est là que réside la première ambiguïté. Qu’est-ce qu’un départ “volontaire” quand la direction a préalablement désigné votre poste comme “sensible” et “amené à disparaître” ?

La pression est immense, les salariés de notre R&D partis via la RCC ont pu en témoigner. Le message envoyé au salarié est clair : “Ton poste n’a pas d’avenir ici. Voici une petite porte de sortie. Prends-la maintenant, car nous ne garantissons rien pour demain.” Il ne s’agit plus d’un choix, mais d’une incitation puissante à quitter l’entreprise avant d’y être potentiellement contraint dans de moins bonnes conditions, par exemple dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle. C’est une manière de rendre le salarié acteur de sa propre éviction, une sorte d’inversion de responsabilité.

Ces pratiques brutales de la direction Worldline sont avérées. Les notes moyennes aux évaluations semestrielles ont fortement baissé depuis 2 ans, créant des low-performers et réduisant fortement le nombre de high-performers. Nous avons encore été contactés ces derniers mois par des salariés soit mis au placard, soit à qui l’on attribue des objectifs inatteignables ou des évaluations biaisées. La récente vague de licenciements – parfois douteux – du printemps 2025 en est un autre témoignage.

2. Un “sous-PSE” qui ne dit pas son nom

Une newsletter syndicale récente insiste : “Comparer les outils de cet accord avec les modalités de la RCC, c’est […] un biais”. Nous pensons au contraire que c’est une nécessité.

Un plan de départs collectifs (PSE, RCC) est très encadré par la loi et observé de près par l’inspection du travail. Il oblige la direction à une transparence accrue, à des négociations globales et à des indemnités souvent bien plus significatives que celles prévues dans cet accord GEPP.

Avec cet accord, la direction dispose désormais d’un outil redoutable : la possibilité de supprimer des postes au fil de l’eau, à sa guise, sans avoir à justifier d’un plan d’ensemble, en évitant les contraintes légales et financières d’un PSE. Exit la phase de négociation qui a abouti à la RCC Power24 : chaque départ est une négociation individuelle, isolant le salarié face à l’entreprise. C’est la stratégie du “diviser pour mieux régner” appliquée aux Ressources Humaines. Les “droits nouveaux” ne sont en réalité que les miettes d’un plan social déguisé.

3. Le timing n’est pas un hasard

Pourquoi un accord GEPP, dormant depuis 8 ans, est-il signé maintenant, juste avant l’annonce d’une nouvelle stratégie par une nouvelle équipe dirigeante ? Les auteurs de la newsletter l’admettent eux-mêmes : “Nul doute que cette nouvelle stratégie impactera l’emploi”. Pas besoin d’être devin : le chiffre d’affaires baisse chaque année chez FS, et chez MS la rationalisation des produits ne semble pas terminée.

Les syndicats signataires ont donc donné à la direction les outils pour gérer cet impact avant même de connaître l’ampleur et la nature de la stratégie. C’est signer un chèque en blanc. Au lieu d’attendre de voir le plan de la direction pour négocier des garanties collectives fortes en contrepartie, ils ont fourni les instruments qui permettront de limiter la casse… pour la direction.

A noter que cet accord s’appliquera aussi chez Magellan Partners pendant les 18 mois suivant la cession. Espérons que l’entreprise, qui va s’endetter très fortement, ne sera pas tentée de se débarrasser d’activités peu rentables via cet accord…

4. Des droits conditionnés au bon vouloir de l’employeur

C’est la phrase la plus révélatrice du tract qu’ils ont poussé dans votre boite mail : “nul ne doit oublier que les outils dont nous parlons ne sont mobilisables que si la Direction le décide“.

Tout est dit. Ces fameux “droits” ne sont en réalité que des options à la discrétion de l’entreprise. Un salarié sur un poste “sensible” pourra-t-il réellement activer une “Mobilité Volontaire Externe Sécurisée” si la direction estime avoir encore besoin de lui pour quelques mois ? Rien n’est moins sûr. Les mesures de cet accord GEPP ne confèrent au salarié aucun pouvoir d’initiative ; il ne pourra que répondre positivement à une éventuelle proposition de la direction.

5. Les leçons de la RCC n’ont pas été tirées

Pour Power 24 (logique de licenciements boursiers), la direction n’avait pas su justifier devant le CSE les nombres de départs, en particulier les -15% sur l’effectif FS. Les syndicats signataires de la RCC n’ont pas mis l’accent sur la protection de « ceux qui restent ».

On connaît la suite : des pertes de compétences massives qui ont fragilisé des dizaines d’équipes, des périodes difficiles à la fois sur le plan opérationnel et au niveau de l’ambiance de travail. L’accord GEPP ne donne aux syndicats aucun contre-pouvoir qui leur permettrait de redresser de nouvelles décisions incohérentes de la direction Worldline. Alors que le référentiel des Job Roles n’est toujours pas cohérent, selon un bon nombre de managers, c’est inquiétant.

On sait aussi que la direction a modifié massivement des Job Roles pendant la RCC, en toute opacité pour les salariés et leurs représentants. Elle a refusé des corrections de JR aux uns (motif : ne pas fausser la RCC), en a accepté aux autres (dont beaucoup ont pu prendre la RCC). Plusieurs négociateurs de premier rang ont pu bénéficier d’un généreux chèque de sortie, posant des questions du conflit d’intérêt. Là aussi, l’accord manque de clauses sécurisante pour éviter de nouvelles manœuvres douteuses.

Enfin, les indemnités seront toujours exagérément moins protectrices pour  les salaires modestes et les anciennetés faibles et moyennes (en particulier en-dessous de 7 ans d’ancienneté), que pour les salariés expérimentés.

Conclusion : Non, cet accord n’est pas préférable à un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) ou une RCC (Rupture Conventionnelle Collective)

En signant cet accord, les organisations syndicales signataires ont peut-être cru “inscrire dans le marbre” des protections. En réalité, nous considérons qu’elles ont surtout légitimé et facilité une future gestion des sureffectifs “à bas bruit”. Ce sont vos droits qui sont sabrés.

Elles ont échangé des garanties collectives et légales (celles d’un PSE) contre des mesures individuelles, moins-disantes et soumises au bon vouloir de la direction. L’argument du « c’est mieux que rien » ne tient pas. Les clauses négociées sont minimales (indemnité de licenciement déjà en vigueur de l’accord d’entreprise). Et, les syndicats seront potentiellement privés de toute possibilité de renégocier à la hausse ces clauses, dans une nouvelle négociation RCC Power 26, alors que le rapport de force aurait été très favorable aux syndicats (comme en 2024).

Nous ne partageons pas leur optimisme de façade. Nous resterons extrêmement vigilants sur la mise en œuvre de cet accord et nous serons aux côtés de chaque salarié qui se sentira mis sous pression. La véritable défense des emplois ne passe pas par l’organisation des départs, mais par la contestation des stratégies qui les menacent.

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5 commentsOn GEPP : l’analyse chiffrée – « avancée des droits de chaque collaborateur »* ou recul social massif ?

  • Le mieux est de faire grève (comme déjà proposé) et de faire couler la boîte — pas à genoux, mais vraiment la couler. Il y a ceux qui n’ont toujours pas compris qu’elle est en difficulté : l’expert mandaté par le CSE disait il y a quelques mois que tout allait bien et que la société gagnait de l’argent, mais aujourd’hui, le résultat montre une situation critique (FCF négatif…). Un passage par le tribunal de Nanterre et hop, tout le monde sera traité de la même manière (France Travail).

    • Hello Hello,

      merci à nouveau pour cette profondeur d’analyse à laquelle tu nous as décidemment habitué. Tes procédés rhétoriques ne sont pas sans rappeler ceux de certains membres de la direction. Alors selon toi, remettre en cause certaines clauses d’un accord, équivaut à vouloir couler notre entreprise déjà en difficultés ? Venant de la même personne qui avait prophétisé nos regrets éternels en conséquences du départ de Gilles Grapinet – à qui nous devons notre situation actuelle-, nous trouvons cela absolument exquis.
      Au passage, tu utilises ici un procédé rhétorique vieux comme le monde : la rhétorique de l’homme de paille (tu ne serais pas avocat de formation ? ça commence à se voir). https://www.outils-pour-reflechir.fr/homme-de-paille/
      D’ailleurs, comme c’est vendredi et que nous sommes d’humeur joviale, retournons un peu tes artifices contre toi, juste pour le fun. Tout le monde sait que tu étais contre le départ de Gilles Grapinet, l’homme qui a amené l’entreprise là où elle se trouve aujourd’hui. Devons-nous en déduire que tu désires l’échec de la nouvelle direction et la continuation du désastre. Humm, inquiétant….. Le vers serait-il encore dans la pomme ?

    • Il y a peu tu avais un autre discours, et tu fustigeais ceux qui n’étaient pas très optimistes :

      https://cftc-atosworldline.fr/wp/blog/2025/09/25/breaking-news-elections-face-aux-attaques-conjuguees-de-la-direction-et-dautres-syndicats-la-cftc-avait-vu-juste/#comment-3888

      Relire ce message après la publication des résultats est assez savoureux tout de même. Non seulement tu as changé d”avis à 180 degrés mais en plus tu fais le mariolle.

      Bref, aucun intérêt à échanger plus avec toi. Et quant à ta propre représentativité, c’est quand même rigolo. Et pourtant, je ne suis pas élu, ni encarté à la CFTC, ni ailleurs d’ailleurs.

  • Hello hello,

    Pour les premiers de la classe — dont je fais humblement partie 😇 — l’homme de paille avait vendu ses stock-options (et quelques gaveries) dès 2021. Depuis, il profite du soleil (tu peux vérifier l’adresse IP si tu veux 😎).

    L’homme de paille avait simplement compris, à temps (normal, c’est un premier de la classe), que tout ça allait mal se terminer. Et je dois reconnaître que, sur ce point, vous faites très fort.

    Quant aux élections qui arrivent, le jour où vous réaliserez que votre syndicat n’est ni représentatif en pourcentage ni en diversité… on pourra enfin parler sérieusement de représentativité.

    Bonne fin de semaine au passage 🌴

    • Merveilleux 😀

      profite de tes stock-options alors.
      Apparemment, les palmiers ne semblent pas te suffire puisque tu viens perdre ton temps sur le site d’un obscur syndicat non-représentatif. Là c’est ta crédibilité qui en prend un coup.

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