Mon burn-out chez Worldline [8] : l’entretien complet

In Paroles de salariés

Nous publions l’intégralité de cette interview où Julien (le nom a été changé) nous raconte sa très difficile expérience. Il raconte très bien le contexte qui l’a conduit à un long burnout, la manière il a été durement impacté, ainsi que tout son entourage.

Le but, comme pour les autres articles de cette série, est de comprendre en détail les mécanismes, les organisations, les contextes qui peuvent amener les salariés Worldline à l’épuisement.

Un grand merci à Julien pour son témoignage. Tous les noms, acronymes, pays ont été modifiés.

CFTC : [Intro]

Julien : Je suis arrivé au sein de la société à la fin de l’année 2017, début de l’année 2018 en tant qu’ingénieur de production. J’avais eu un parcours d’une dizaine d’années qui m’avait déjà permis de changer plusieurs fois de casquette. J’arrivais en tant que Admin sur le périmètre RUN production, directement chez PS. Je suivais mon ancien manager, qui avait rejoint Worldline l’année précédente. C’était pour le coup un changement de métier, c’était la première fois que je basculais sur la partie base de données. L’invariant par rapport à mon parcours restait la production.

CFTC :  Tu as un petit peu de bouteille à ce moment-là ?

Julien : Je devais déjà avoir une dizaine d’années d’expérience quand j’avais présenté à l’époque mon CV. Donc j’avais eu l’occasion déjà de m’essayer à différents postes, j’avais travaillé du côté des études, et j’étais arrivé après coup sur les équipes de production. Donc j’avais l’occasion de travailler sur du testing et ensuite de basculer sur de la production, globalement middleware, cœur de métier qui n’avait rien à voir avec Worldline.

Et je suis passé ensuite sur de la production et j’ai eu un petit peu l’occasion de travailler sur des choses plus pointues : sur des sujets liés à l’industrialisation, la configuration des plates-formes, également sur les outils de mesure de performance, de monitoring, et toute la vague autour de Docker et de l’industrialisation qui s’ensuivait. J’ai eu l’occasion de rouler un petit peu ma bosse et de me faire une expérience autour du fait d’avoir changé de métier et d’entreprise.

CFTC : d’accord

Julien : j’ai travaillé dans des sociétés de services, j’ai été internalisé par la suite, donc voilà je faisais un saut d’un poste en interne vers un autre poste en interne. Finalement en suivant un manager avec qui on travaillait de concert depuis quelques années et qui me proposait tout simplement de le rejoindre sur un métier que je ne connaissais pas, mais avec des « bases » qui m’ont permis de faire la bascule assez facilement.

CFTC : très bien.

Julien : donc je suis arrivé sous de bons auspices dans une équipe super intéressante et dynamique. Dans le sens où le scope de Worldline où vraiment je travaillais sur une technologie en particulier, en tant que Admin, mais sur la totalité des périmètres métier et technique qui impliquait l’utilisation de cette solution sur le scope de ma GBL, assez large. Une assistance aux projets, donc évidemment de la production en tant que telle sur le suivi opérationnel des systèmes, les incidents, et également ce qui est auditing, et aussi un peu plus sécurité

Voilà il y avait différents aspects dans ce poste-là, qui était super intéressant et varié.

L’équipe était bien, on avait des gens jeunes, avec des gens avec plus de bouteilles, des vieux routards, donc voilà c’était vraiment vivant. Donc un petit écosystème, parce que aussi grosse que soit la boîte, on est quand même une somme d’équipes on va dire plus petite que la somme des gens qui en font partie. La mayonnaise avait bien pris et voilà, je pouvais vraiment dire que je prenais mon pied dans ce que je faisais et donc j’étais très heureux de mon intégration dans la société.

CFTC : cela partait très bien.

Julien : Oui. Ensuite ce qui s’est passé c’est que mon manager a eu l’occasion de faire une mutation en interne, donc il était en fait responsable de l’équipe Admin RUN sur le scope Oracle et MySQL en particulier. Il a eu une proposition et il a basculé chez AUTHENT sur le delivery Suisse, sur la partie TQD, et assez naturellement il m’a proposé de le rejoindre.

Cela ne s’est pas fait tout de suite quand il a bougé, mais après je lui ai dit pourquoi pas ; nous avions l’habitude de travailler comme ça. C’était toujours intéressant, c’était parfois un peu rude quand il y avait les périodes de changement, forcément, que ce soit de poste ou d’entreprise, comme pour tout un chacun il y a toujours une phase d’adaptation et de montée en compétence, enfin voilà, on part un peu de la page blanche et il faut relancer la machine.

Mais il y avait toujours quelque chose de différent et à la fin une opportunité de réaliser quelque chose de nouveau et du coup, d’accroître un peu son scope de compétences. Et puis de « s’enrichir professionnellement » sans avoir l’occasion de stagner. En général j’avais l’habitude de bouger, tous les deux ou trois ans maximums.

CFTC : d’accord.

Fin : Ce qui était à peu près le cas ici, Admin j’y suis resté à peine deux ans en définitive. Cela s’est fait comme ça. J’aurais pu rester, vraiment cela se passait bien, mais c’était l’occasion qui se présentait, il fallait faire un choix. Et donc j’ai fait le choix d’accepter. Donc je vais le rejoindre, il y a eu quelques rebondissements, je devais initialement postuler pour un poste pour faire du build to run, je devais intégrer l’équipe qui s’occupait ni plus ni moins des déploiements, la montée de version sur la solution TQD hub pour le compte du scope Suisse.

Et cette partie-là été intégrée dans une autre équipe qui s’appelle aujourd’hui Platform Delivery, et donc il y a eu une mutualisation des ressources des différentes équipes, pour les différentes instances TQD, (la Suisse, mais également la France, la Suède). Plusieurs « silos » qui se trouvent à présenter la même solution mais pour des marchés géographiques différents. Et donc il y avait une mouvance au sein de Worldline qui était de rationaliser et de mutualiser les façons de faire en termes de delivery en regroupant les ressources, qui avait globalement cette mission commune et de constituer une seule équipe.

Et donc il se trouvait que j’étais normalement amené, par la nature de mon poste, à rejoindre cette équipe-là, et donc du coup Lionel m’a proposé [Hésitation] Alors Lionel est mon manager jusqu’à mon retour, il me proposait finalement un autre poste qui serait en fait chef de projet.

Donc cette fois-ci spécifiquement en prenant en main un sous-ensemble Multi-pays. Donc l’instance TQD Suisse c’est un abus de langage pour désigner toute cette zone-là. Le poste qu’il me proposait était en réalité le chef de projet technique qui avait en responsabilité à court-moyen terme de réaliser la migration TQD pour le compte des clients autrichiens de la solution TQD 1 vers TQD 3. Ce mouvement avait été fait précédemment par les autres équipes, et donc nous devions faire partie des derniers clients à encore utiliser l’ancienne plate-forme de TQD.

J’avais été formé à la gestion de projet, et j’avais eu par le passé l’occasion déjà d’avoir une équipe. C’était une corde qu’il m’intéressait aussi de travailler, donc finalement ce n’était pas l’objectif initial mais je me suis dit « cela peut coller ». Et donc du coup le challenge était limite un peu plus important, et je me suis dit on travaille en bonne intelligence avec Lionel, c’est une relation de confiance que l’on a tous les deux, et donc au final cela s’est toujours bien passé donc je me dis OK, banco ! On y va !

Et donc je me retrouve à modifier l’offre à laquelle j’ai postulé ! La première était plus technique et liée à la livraison, donc techniquement c’était des JR différentes : j’ai fait les entretiens pour la première et je me suis retrouvé à avoir le job de la seconde.

Et c’est là que les choses sont devenues un peu plus compliquées pour moi. En fait il s’est trouvé que ce poste-là, je n’étais pas le premier à le prendre en main, différents chefs de projet étaient passés avant moi. Le projet avait pris énormément de retard, nous étions arrivés visiblement à un point où on était à quelques semaines de la mise en production alors que le projet n’était absolument pas prêt.

Donc un autre chef de projet a pris le relais en mode un peu catastrophe. C’était vraiment : « il faut que l’on gère au plus près pour présenter une date de mise en production « réaliste » ». Je me suis retrouvé à faire la bascule avec ce chef de projet-là, qui était quelqu’un d’expérimenté dans l’équipe, avec un peu de bouteille, qui connaissait bien le contexte et qui été amené pour sa part à sortir de cette équipe-là. C’est-à-dire que dès que je suis arrivé on m’a dit tu vas travailler avec tel chef de projet, et donc j’avais deux ou trois mois de recouvrement pour m’aider à monter en compétence sur cette partie-là.

CFTC : OK

Julien : sachant que lui partait pour des raisons, de lassitude ou de fatigue, plus ou moins, il était un peu « usé » des années passées dans l’équipe et il est arrivé à un stade où il avait émis le souhait de faire autre chose. Il m’avait expliqué un peu en off que c’était aussi compliqué, et voilà il y a un moment il avait aussi besoin de lever le pied parce que l’activité de l’équipe était assez intense. Il m’expliquait, si je ne dis pas de bêtises, qu’il y avait une hausse de l’activité de 20 ou 30 % de progression à l’année.

CFTC : d’accord.

Julien : C’est pour dire que c’était quand même sur la pente montante si tu veux. Et donc toute l’équipe travaillait, on avait une équipe en France sur la partie TQD, partagée entre plusieurs sites, et pour la masse d’effort de développement c’était de l’offshore.

[Interruption] je reprends, j’essaye de densifier un peu. Donc je bascule en tant que chef de projet, certes avec de l’accompagnement mais comme je te le disais, je ne vais pas dire des sièges éjectables, mais pas mal de gens qui sont renouvelés pour le même projet sur le même poste. Voilà. Et puis le fait de prendre les choses en main, le contexte offshore et puis le fait que sur le projet on avançait complètement à vue. A partir du moment où je suis arrivé c’était un peu l’état d’urgence et donc les livraisons avançaient à vue en fonction des priorités de l’instant. On avait malgré tout une feuille de route mais … La pression et la cadence de livraison étaient telles qu’on avançait à mesure de ce que l’on était réellement capable de faire. Donc en fait chaque semaine on avait un planning qui était revu. En définitive les plans du début, le fait d’avoir écrit la suite jusqu’aux livraisons, était réécrit puisque comme on avançait à vue la suite de l’histoire elle ne se réalisait jamais réellement.

CFTC : le plan n’était jamais respecté

Fin : Quelque part oui c’était ça. Après ma difficulté était que je n’avais pas de recul en tant que chef de projet sur cette partie-là, donc j’étais incapable de confronter ma situation à une autre que j’aurais pu rencontrer ailleurs, si tu veux. Donc finalement aussi chaud que soit l’incendie, cela correspondait à la seule situation que j’avais connue. Donc dire « ça va », « ça ne va pas », c’était un peu difficile. Moi je commençais à vivre relativement mal la situation mais j’étais incapable d’avoir le recul nécessaire pour dire si c’était lié « uniquement » à ma gestion de la situation, si c’était le contexte, si c’était les impacts liés également aux autres, au reste du scope.

Une des difficultés que nous avions, c’est un peu technique, c’est que pour la partie TQD Multi-pays c’est une instance pour la totalité des clients couverts sur le scope géographique que je te présentais, et je m’occupais particulier de la partie Autriche mais j’avais tous les autres clients Suisses et autres qui étaient sur la même instance. Donc tu pouvais avoir clairement au cours d’une livraison des effets de bord sur d’autres clients que les tiens, ce n’était pas impossible. Donc tu te retrouvais, je ne sais pas, à intégrer une régression sur ton scope mais qui a été induite par un développement d’un client qui n’était absolument pas dans la partie fonctionnelle autrichienne. Et réciproquement d’ailleurs. Et donc il y avait toutes les problématiques de la mutualisation de plate-forme globalement.

CFTC : d’accord, en plus des pratiques clients, projet et timing serré, tu avais des pratiques techniques dues à la complexité de la plate-forme et du projet.

Julien : exactement. Nous étions tout simplement sur une plate-forme mutualisée, et malgré tout (il faut le dire) on travaille sur des environnements très pauvres, en termes de variété. C’est-à-dire qu’on avait un environnement de recette qui servait à réaliser les tests techniques de déploiement, comme on le ferait sur une véritable préproduction, c’était l’environnement de recette me permettait de faire ça, de réaliser tous les tests de recette. C’était le même environnement qui était ouvert au client. Donc voilà il y avait la recette côté Worldline et côté client. Et puis après c’était directement la production.

Alors tu avais peut-être des environnements plus techniques, pur développement et recette interne, mais en définitive sur la livraison tu avais la recette externe (qui servait de recette et de préproduction) et la production. Donc, il y avait toujours des problématiques de disponibilité d’environnement et de contraintes des clients et des autres pour pouvoir organiser les livraisons et les tests.

J’avançais comme ça jusqu’à un moment, je ne sais pas comment dire, cela a été assez ténu et c’est arrivé progressivement, dans le sens où moi je l’ai vraiment vécu comme une forme d’isolement par rapport à ce que j’avais pu connaître par le passé. À savoir j’étais le seul responsable de mon scope et même si j’ai été amené à coordonner un certain nombre de personnes, et bien du coup la responsabilité de mon périmètre m’incombait à moi et entre guillemets moi seul.

Donc vraiment pour la première fois j’ai vraiment ressenti, c’est ça, un sentiment d’isolement complet, à la différence de ce que j’avais pu connaître dans d’autres équipes où on se retrouvait à différentes personnes à faire le même travail, à pouvoir vraiment compter les uns sur les autres, et à avoir de véritables backups qui pouvaient prendre le relais en cas d’indisponibilité ou de difficultés. C’était beaucoup moins le cas dans cette équipe-là par la nature du poste et de l’organisation de l’équipe.

CFTC : Quand tu parles cette sensation d’isolement, ce qui paraît étrange c’est que tu arrives dans un contexte très compliqué, où finalement toute la hiérarchie du pôle était au courant. Car ce n’était pas nouveau, vous aviez beaucoup de retard sur les livraisons, le contexte est très compliqué. Comment cela se passe avec le manager et avec aussi le directeur de projet ? Ils ne sont pas là à t’accompagner, surtout au départ quand tu m’entends compétence ?

Julien : comme je te le disais j’avais une vraie relation de confiance avec son manager direct, mon N+1, qui se retrouvait avec les « mêmes » contraintes, sinon plus. À ce moment-là j’étais vraiment sur la partie la plus « chaude », donc on a été amené à faire des séances de travail où on était vraiment en tête-à-tête pour pouvoir, typiquement, réidentifier tous les topics chauds du moment en TODO list, les prioriser, faire les estimations de charges, et pouvoir le cas échéant présenter une task force.

On a ça dans la bannette qui est ultra chaud et que l’on doit gérer en priorité zéro, en lien avec des choses qui ont pu arriver dans la semaine ou dans les dernières semaines, et donc par rapport à ce que nous avions prévu nous sommes hors course, on ne peut pas tenir les délais par rapport à ce que nous avions déjà dans le pipe en considérant tout ce qui s’est rajouté lors des derniers jours passés. Donc on était tout le temps en train de devoir gérer ce genre de choses, en multipliant typiquement, pour l’organisation des livraisons, les escales. C’est-à-dire on pouvait se retrouver avec un certain nombre de bugs ou de nouvelles fonctionnalités à livrer.

La difficulté était d’une part de réussir à réorganiser les équipes de développements pour ni plus ni moins réaliser le développement dans un délai qui convenait au client ou qui pouvait répondre aux engagements qu’on avait déjà pris. Et d’autre part de réussir à les caler : trouver une date de déploiement/un créneau, trouver les ressources avec PS/les intégrateurs qu’il fallait, valider le process de déploiement, avoir tous les changes, avoir suivi le process de validation des changes.

Et à plusieurs reprises, pour illustrer l’un des problèmes que nous avions, tellement les plannings étaient tendus, entre le moment où on commençait à organiser telle livraison et le moment où on la réalisait il pouvait y avoir trois ou quatre jours !!

Dans les différentes équipes de validations, il y avait le Comité de Validation français, celui pour la partie Suisse, avec un délai de prévenance minimum de cinq jours. Et il fallait que ça soit obligatoirement livré pour un client, on se trouvait systématiquement à devoir être à l’initiative d’escalade pour pouvoir soit « shunter » le process classique. Dans le sens où l’on était au-delà du délai minimum requis alors même que l’on organisait des livraisons avec un contenu où l’on savait qu’il allait bouger jusqu’à la dernière minute. C’est-à-dire que tu pouvais avoir des écarts entre la répétition de recette et le contenu réel livré en production. Des écarts parce que tu pouvais avoir détecté durant ta face de recette des choses qui étaient KO et à corriger, et n’avoir le développement correspondant aux dernières corrections attendues qu’au moment de la mise en production. On était vraiment du matin pour l’après-midi, des fois.

CFTC : le contexte était très compliqué en effet.

Julien : J’ai réussi à tenir on va dire jusqu’à la mise en production, 6 mois après avoir rejoint l’équipe, si je ne dis pas de bêtises. Et à ce moment-là moi j’ai une phase, véritablement, j’ai « craqué », je me suis retrouvé devant mon ordinateur à être incapable de me logger. J’étais en pleurs devant la machine et je n’arrivais plus à retrouver mon password pour me logger.

CFTC : Avant de continuer, j’aimerais un tout petit peu mieux comprendre l’équipe. Tu m’as parlé de ton manager, vous étiez tous les deux dans la même situation, lui aussi a dû souffrir de tout ça. J’aimerais juste que tu me dises deux mots de ton N+2, et aussi des techniciens, des ingénieurs qui travaillaient avec toi, comment cela fonctionnait avec eux ?

Julien : Alors moi je coordonnais véritablement du coup les développements, l’organisation des livraisons, la mise à dispo des ressources, la réalisation, la validation des différentes étapes du processus de déploiement, jusqu’au déploiement. Et j’assurais également la partie « event manager », je pilotais l’opération de déploiement à proprement parler. J’avais une relation efficace avec mon N+1. Quand je suis arrivé il y avait effectivement une ligne managériale qui était établie mais qui du coup a changé dans cette période-là.

On avait une partie managériale qui était séparée entre la France et la Suisse, forcément. Et donc tous les managers Suisses, je vais me planter, mais j’avais mon N+2 responsables au-dessus de Lionel qui était du côté de la Suisse, qui a changé. Et j’avais un ou deux niveaux au-dessus par rapport à cette personne, pour moi cela paraît un peu derrière les nuages, même si c’était bien dans l’organigramme, mais grosso modo le management côté Suisse a complètement changé et donc on a eu une petite phase de changement, de latence à ce moment-là avec des nouvelles personnes qui ont pris leur fonction.

Il y avait globalement une bonne solidarité entre les opérationnels, pour le dire de manière un peu crue, les « petites mains » qui font réellement le boulot, les développeurs, les responsables d’application, les responsables projets etc. ceux qui ont les mains dans le cambouis. Et tu avais de mon point de vue une deuxième couche de management qui, elle, s’est appuyée sur la première. Pour le dire comme ça. Et là, il n’y a jamais eu vraiment de [hésitation] gens pris à partie personnellement (il n’y avait pas quelqu’un qui était en train de te gueuler dessus, du genre « non mais là il faudrait que tu avances »). Mais c’est beaucoup plus diffus, il y avait une pression globale sur le projet, il fallait que ça cela avance, point.

CFTC : Vos difficultés devenaient pratiquement structurelles, ce n’était pas juste passager, on avait l’impression qu’il y avait un tel problème que de toute façon vous n’alliez pas réussir à vous en sortir comme ça dans un temps court. Comment tu expliques que la direction n’ait pas recadré complètement le projet avec le client en mode « de toute façon on va pas s’en sortir autrement » ?

Julien : Je pense qu’il y avait vraiment des habitudes de travail qui était prises, c’est-à-dire, en définitive les gens finissaient toujours par trouver une solution. Et puis on avançait, et puis on passait finalement d’un incendie à un autre si tu veux. J’avais vraiment l’impression que l’on avançait de proche en proche. Et que l’on n’arrivait jamais vraiment apprendre un petit peu de recul puisque de toute façon l’étape d’après arrivait de suite, étaient globalement déjà connue, et bien voilà il fallait faire avec.

Un des problèmes que nous avions c’est que comme nous étions obligés de multiplier les livraisons, cela arrivait régulièrement. On avait des points sur la qualité de ce que l’on livrait, et donc une livraison était amenée à être corrigée par une autre livraison. C’était des jalons qui, du coup, n’étaient pas identifiés, et qui faisaient que globalement on accumulait du retard sur la suite. On était toujours en train finalement de courir après la montre pour tenir déjà les engagements initiaux qui étaient… [silence] c’était déjà difficile.

Et puis le scope c’était des choses qui étaient mal cadrées ; et il n’y a qu’au moment où tu mettais le nez dedans que tu comprenais vraiment la réalité de ce que tu avais à faire, et que tu t’apercevais que de toute façon cela ne tenait pas. Par-dessus, tu prends du retard avec les livraisons qui sont en train de foirer. Comme en plus on avait des problèmes de production, tu es obligé de laisser tomber tout ce que tu es en train de préparer pour gérer l’incendie et faire en sorte que la plate-forme fonctionne. À côté de ça tu as tous les clients impactés. Et donc finalement c’était un cycle perpétuel qui se répétait.

CFTC : je comprends.

Est-ce que le client lui était plutôt cool ou pénible ? Est-ce qu’il a ajouté des difficultés, de la pression aux tensions que l’équipe connaissait ?

J’aimerais aussi que tu me parles un petit peu de ton temps de travail, est-ce que tu bossais 50 heures ou 60 heures par semaine et peut-être le week-end ? Ou bien est-ce que tu réussissais à protéger ton temps personnel ?

Julien : Sur la relation client, je n’avais pas vraiment de relation avec le client, j’étais chef de projet technique, et j’avais un chef de projet fonctionnel qui lui faisait réellement l’interface avec les clients. Donc on mutualisait la pression sur cette personne-là. Quelqu’un qui était du côté de l’Autriche, qui était extrêmement compétent et qui connaissait lui-même très bien son périmètre. Par contre c’était quelqu’un qui bossait non-stop. C’est-à-dire le soir, les derniers courriels partaient systématiquement vers 23 heures ou minuit. Il travaillait le samedi, le dimanche. Et donc toi tu étais derrière et tu devais essayer de suivre.

Ça c’était un échange que j’avais eu avec cette personne-là, physiquement en présentiel, je lui ai dit « je ne pourrais jamais prétendre à tenir le rythme de ce que tu avais. Indépendamment de mon efficacité, je ne peux pas, et je ne prétends pas le faire ». Mais voilà c’était au point où j’avais dû à un moment un peu mettre les pieds dans le plat, et lui dire « je suis désolé, tu as peut-être ton rythme, tu es peut-être aussi passionné par ce que tu fais, cela te plaît, ou tu as une pression avec les clients qui est telle que c’est difficile de faire autrement ». C’est peut-être aussi quelqu’un qui a été choisi parce qu’il était capable d’assurer ce genre de choses, mais voilà. Tu avais cette pression-là.

Et puis on a été amené à « gérer les besoins urgents du côté client », à réaliser des calls dans lesquels l’équipe technique (nous) a été amenée à échanger en direct avec les clients. On a pu se rendre compte que finalement leur monde n’avait finalement absolument rien à voir avec le nôtre ; puisqu’eux, ils avaient « leurs » engagements, par exemple des évolutions réglementaires (où on a une date pour mettre en œuvre telle et telle chose et de toute façon ce n’est pas possible de parler d’autre chose). Et donc « nous » il fallait simplement que l’on galope derrière.  

Et après dans certains cas on a pris des « lots » de projets, à dire « eh bien voilà nous sommes pieds au mur, on ne tiendra pas, alors qu’est-ce que l’on enlève ? » On s’est vu à prendre le mannequin, à dire j’enlève la manche droite, le pantalon on enlève, et tu vois on n’y va en gardant vraiment le noyau incompressible pour pouvoir réussir à livrer quelque chose dans le délai dans lequel on s’était engagé à le faire et avoir le minimum requis pour pouvoir tenir. Et si tu veux on était toujours à devoir gérer au maximum soit du côté fonctionnel, en disant « on enlève ça », et de l’autre côté technique à dire « est-ce que l’on va avoir les gens, les ressources », « est-ce que l’on peut travailler de nuit », « vous avez calé cette semaine-là cinq déploiements, est-ce que c’est possible d’en caler un sixième ? » On en était toujours vraiment à la rupture, c’était vraiment ça, la rupture, c’est vraiment comme ça que je l’ai vécu sur cette période-là.

CFTC : pour bien comprendre, la pression que les clients pouvaient mettre sur cette personne qui était en Autriche, il arrivait tout de même bien à vous protéger de cette pression-là ?

Julien : alors oui, il en a quand même absorbé une grosse partie, au point où je n’arrivais pas à comprendre comment lui faisait. Mais malgré tout, il poussait fort derrière. Donc il fallait que cela avance, on se retrouvait des fois on était à la limite de l’engueulade sur certaines réunions. Mais bon, cela restait malgré tout dans la limite de la bienveillance qui était possible.

Et par contre derrière il n’y en avait absolument aucune, on parlait à des financiers points. C’était le prix, la date et c’est tout. Et puis après moi comme je l’ai ressenti du côté du management au-dessus de nous, il y avait un double discours : cela allait toujours dans le sens du client, si tu veux. Et j’avais l’impression que, au-dessus du niveau de Lionel, je me suis retrouvé à participer à des réunions où clairement ils prenaient position en faveur du client. Et je ne vais pas dire que l’on se faisait taper sur les doigts mais c’était un peu ça quand même.

Je n’ai pas toujours eu l’impression que du côté Worldline il y avait la volonté de protéger les gens qui faisaient vraiment avancer la charrue. Le point c’était de dire il faut que l’on livre, il faut que l’on s’organise et puis c’est tout. Les sujets autour du bien-être, et a fortiori du non bien-être des équipes, car c’est de ça qu’il s’agissait, elles n’intéressaient que les gens qui étaient prêts à en parler si tu veux…

CFTC : d’accord.

Julien : et puis pour les horaires, forcément cela s’allongeait. Donc du coup tu avais la partie Covid qui s’est ajoutée, avec le télétravail. Moi j’ai trouvé que cela a eu un effet très pervers dans le sens où je me retrouvais derrière mon écran à ne plus avoir de déconnexion. C’est-à-dire j’ai eu des cas, alors c’était « aucune pause » ; mais véritablement, j’ai fait des mois sans faire de pause, alors quand je pouvais je m’arrêtais le midi et puis cela m’emmenait jusqu’au soir. Mais il y avait aucune autre interruption. Les fins de journées vers 19,20 ou 21 heures voir même plus si besoin.

Donc ce n’était pas systématique mais malgré tout c’était constant. Et moi j’ai eu ma femme qui a dû m’apporter une assiette entre midi et 14 heures parce qu’il n’y avait pas moyen de sortir des calls.

[Note CFTC : Par manque de temps, nous faisons le choix de ne pas « arranger » la suite du texte, nous vous mettons simplement la retranscription brute faite par un logiciel, après anonymisation. Ne faites pas trop attention à la grammaire, ni à l’orthographe…]

CFTC : pas facile. Cela a commencé dès ton arrivée dans le projet ?

Julien : oui ! Je le décrirai un peu comme un train parce qu’on me disait qu’il y avait moyen de lever le pied ou autre, moi je disais non, je le voyais vraiment comme un train c’est-à-dire le train passe sur le quai mais à un moment soit tué dans le train soit tué sur le quai mais tu n’es pas entre les deux, qui suit la cadence ou tu ne la suis pas, point. Quand tu arrives et que tu fais un call et tu te retrouves en Comité de Validation Management, tu as le Comité de Validation Suisse qui se déclare incompétent, non pas incompétent, mais qui lève l’alerte par rapport à ce que vous demandez nous on ne peut pas vous donner le GO parce que vous ne respectez pas les règles de sécurité, et que du coup on demande un arbitrage au-dessus. Et bien tu te retrouves le top, enfin des gens qui sont derrière les nuages à devoir argumenter ton truc, et le truc c’est que tu pouvais être le matin sur une livraison qui a foiré, à devoir demander une livraison exceptionnelle et la préparer entre midi et 14 heures et à 15 heures à passer en Comité de Validation Management pour pouvoir argumenter une livraison en urgence que tu as préparée pendant l’heure qui a précédé pour pouvoir la réaliser dès le lendemain matin. Alors que tu étais déjà le matin même en livraison. On était sur ce genre de choses-là et en fait tu avais des semaines où on était, on pouvait faire deux ou trois livraisons dans la semaine. Vraiment au pire des cas. Moi je me suis retrouvé à voir, je ne sais plus, c’était mon N+5 ou 6 à qui j’étais en train de donner les arguments, les éléments de risque par rapport au scénario, enfin par rapport au plan de déploiement que nous avions imaginé une heure avant, pour avoir les arguments, et pour valider la livraison le lendemain parce que on se retrouvait ni plus ni moins à foutre en vrac une partie de la production. Par exemple on se retrouve avec un client qui n’avait plus de flux qui passait, voilà on parle de ce genre d’impact.

CFTC : très compliqué.

Julien : du coup en termes de temps [hésitation] des fins de journée arrivaient loin, tu avais les phénomènes de livraison qui se multipliait avec des choses qui se faisaient vraiment beaucoup en début de matinée, c’est-à-dire que tu avais une livraison c’était peut-être sept ou huit heures, mais de mon point de vue avait un effet néfaste qui était [hésitation] moi pour mon cas personnel de ne pas me permettre de gérer entre guillemets ma vie de famille. Un exemple simple : j’ai deux enfants qui sont en maternelle et en primaire mon cycle d’organisation c’est de pouvoir moi les amener à l’école le matin et ma femme née récupère le soir. Classique. Et sur mes expériences précédentes dans la société, j’étais sur le RUN et donc je faisais les opérations de déploiement, les opérations planifiées, et j’ai toujours eu possibilité de gérer mes enfants dans le sens où je positionnai mes heures, c’est-à-dire je m’étais mes interventions entre 22 heures et minuit, j’avais toujours la possibilité grosso modo d’être sûr que à six heures j’avais déconnecté pour avoir une heure ou 1h30 de disponibilité pour amener mes enfants à l’école et pour pouvoir reprendre juste après. Je Jongler comme ça. Là on avait des créneaux qui étaient plus ou moins posés, tout simplement parce que le Comité de Validation nous imposait le fait de terminer livraison pour 10 heures avant la montée en charge sur la plate-forme. Mais on n’avait pas forcément les disponibilités pour tout simplement faire le HNO parce que nous étions également sur des livraisons dont le contenu fonctionnel ne nécessitait pas nécessairement de l’HNO, car c’était des livraisons qui pouvaient normalement se faire à chaud, sur le papier il n’y avait pas d’indisponibilité de service. Donc du coup impossible de demander un déploiement en HNO puisque les ressources côté PS elles sont aussi à l’affût de ce que tu leur demandes et de pourquoi tu leur demande. D’un côté comme de l’autre on te disait oui il faut parce que, de l’autre on te disait non il vaudrait mieux éviter parce que. Il fallait toujours que tu jongles entre les contraintes des différentes équipes en justifiant ce qui était à faire et à ne pas faire. Donc tu avais toujours ces mêmes créneaux qui étaient pris qui entrent guillemets moi me posais un peu plus de problème pour pouvoir gérer ma vie de famille et qui a fait que pendant en fait un certain nombre de mois, toute la période qui a précédé mon arrêt, j’ai dû complètement m’appuyer sur mon épouse pour pouvoir gérer les enfants, que ce soit aussi bien le matin que le soir.

CFTC : d’accord.

Julien : j’ai vraiment vécu ça comme une dégradation alors même que sur le papier c’était entre guillemets un pur poste de journée. Mais je me suis retrouvé beaucoup plus contraint que à l’époque où je devais travailler de nuit. Quand je dis de nuit c’était vraiment des nuits complètes avec la journée suivante qui s’enchaînait mais qui au final était beaucoup plus vivable parce que tu avais à ce moment-là plus la possibilité de déconnecter dans le sens où quand tu avais traité ton sujet il était fini, alors que la gestion de projet faisant que tu étais sur un éternel marathon puisque tu as un fils qui court, qui court, qui court. Et qui ne s’arrête jamais en définitive.

CFTC : je comprends.

Julien : et d’où le phénomène d’épuisement qui arrive progressivement si tu veux. Donc c’est le sprint qui se transforme en marathon.

CFTC : Cette période n’a pas dû être facile.

Julien : j’en parle vite parce que du coup c’est prégnant, c’est quelque chose qui revient et je l’ai vraiment vécu dans mes tripes si tu veux en faisant toujours attention pour ma part de déjà bien faire mon travail, c’était la première chose, et puis sur un aspect un peu plus humain où j’ai toujours attaché de l’importance à, aux gens avec qui je travaillais. Parce que finalement je n’étais pas manager mais je me retrouvais dans une situation où j’ai coordonné le travail de pas mal de gens et je faisais toujours attention à essayer de ne pas leur communiquer mon stress ou ma pression pour faire en sorte que au moins les gens que je sollicitai je ne leur polluai pas la vie inutilement. Et donc voilà c’était quelque chose, je ne sais pas si c’était un poids autre en définitive pour moi, mais en tout cas c’est quelque chose auquel moi j’ai toujours attaché de l’importance, voilà de connaître les gens avec qui je travaillais, connaître un peu aussi leur contexte personnel, OK toi tu es en couple, OK toi tu es tout seul, toi tu es en maison, etc. c’était pas un questionnaire mais c’était à force de discuter avec les gens et de connaître leur contexte pour aussi savoir de quelle façon pouvoir premier les solliciter, tu ne vas pas demander la même chose, je ne vais pas pouvoir demander la même chose à tout le monde en même temps et puis simplement pour avoir on va dire de bons échanges de travail avec des gens tout simplement avec lequel le courant passé. Ou simplement une question de respect, je savais, j’essayais entre guillemets de savoir à qui je m’adressais ni plus ni moins.

CFTC : on arrive à l’accident et au moment ou ça casse

Julien : au moment où ça casse je me suis senti complètement dépasser par le rythme et comme je te le disais je me suis retrouvé un matin à ne plus, à me retrouver à ne plus être capable de gérer, vraiment. C’était un blackout, j’étais devant ma machine, j’étais incapable, une espèce de crises de larmes, j’avais mon Daily meeting avec mon équipe en Inde à gérer et j’étais incapable de le faire. J’ai appelé mon manager, je vais également le chef de projet qui m’accompagnait encore jusqu’à son départ, on était sur les derniers jours avant qu’il parte, et puis voyant le rythme et l’échéance qui se rapprochait et que j’allais être tout seul, je me suis retrouvé complètement perdu, et à ce moment-là j’ai craqué. [Hésitation] je suis retrouvé à prendre deux ou trois jours d’arrêt à ce moment-là pour reprendre mon souffle, reprendre mon souffle, et puis voilà à mon manager quoiqu’il se passe je n’irai pas au-delà de la mise en production et je ne sais pas ce qui va se passer après mais je te dis juste que je ne suis pas capable de continuer comme ça ensuite. Et en fait ce qui s’est passé c’est que lui, en fait, rapidement il s’est débrouillé pour trouver une alternative, une solution, et en définitive il a réorienté des ressources qu’il avait pour d’autres projets sur le mien, et donc je me suis finalement retrouvé accompagner d’une autre chef de projet mais cette fois-ci du côté de l’Inde, et on s’est retrouvé en fait à travailler à deux, et quand je te dis deux c’est que l’on s’est vraiment partagé le boulot, nous étions à fond mais à deux et non plus à un cette fois. Et même comme ça c’était tendu.

CFTC : là en gros tu t’arrêtes trois jours suite à ton blackout, pour reprendre ton souple, et là au bout des trois jours tu reviens c’est bien ça ?

Fin : oui c’est ça. Je reviens mais par contre voilà je reviens avec l’idée de dire je ne vais pas pouvoir tenir, je vais lâcher. Mais par contre je fais en sorte de ne pas lâcher les gens à ce moment-là si tu veux. Je me dis OK je tiens, je fournis mon effort jusqu’au bout, histoire d’aller jusqu’à la mise en production et après il faut que l’on change, quoiqu’il se passe il faudra qu’on change.

CFTC : il restait connaître avant la mise en production ?

Julien : je crois que nous étions peut-être, je ne sais plus, nous étions peut-être en mars ou avril, et la mise en production s’est faite en mai ou en juin. Il devait me rester un gros mois à peu près. On a la chef de projet qui arrive, on se met avec Lionel pour essayer de trouver comment est bien allé jusqu’à l’étape de mise en production. Et puis on arrive grosso modo jusqu’en juin et la période des vacances, qui avaient un petit peu commencé, moi à ce moment-là je fais une grosse coupure, je prends quatre semaines de congés, et en fait au moment où je reviens, j’étais toujours en contact avec mon responsable projet, on a refait un point sur tout ce qui s’était passé, et l’un des problèmes que nous avions identifiés était liés en fait à l’organisation des livraisons. Et on se disait on n’a personne chez nous qui coordonne vraiment les livraisons, et leur contenu. Parce que c’était entre guillemets répartis entre les différents chefs de projet, les différents clients. Et on s’appuyait sur une autre équipe, je te disais la plate-forme délivrée transverse, qui travaillait avant avec nous pour organiser les livraisons, mais le truc c’est qu’eux leur mission étend en train de changer, elle ne s’intéressait qu’aux versions majeures de TQD et non plus aux livraisons intermédiaires que nous nous réalisions. Et donc peu à peu il devait se désengager des livraisons et nous prendre la main dessus. Et donc du coup ce qui m’a été proposé ces deux justement prendre la main sur le fait d’organiser ses livraisons là, et finalement me retrouver sur une activité qui correspondait plus à la première proposition de poste qui m’avait été fait. Je t’avais dit il y avait quelque chose qui était de l’ordre du build to run pour organiser les livraisons, et le deuxième poste qui était vraiment chef de projet technique sur un sous périmètre fonctionnel. Et du coup cela m’a permis entre guillemets de faire un peu le pivot tout en restant dans le prolongement de ce qui avait été fait auparavant, parce que c’était toujours la même équipe, c’était les mêmes plates-formes, simplement je n’avais plus la gestion de la relation technique cliente pour la partie autrichienne, mais l’organisation de l’intégralité du contenu des versions, cette fois-ci en relation avec les différents chef de projet dont je faisais partie jusqu’à présent, eux-mêmes en relation avec les différents clients, les différents projets adjacents.

CFTC : ok.

Julien : du coup cela m’a permis de reprendre un peu mon souffle, en me retrouvant sur une activité qui me semblait plus naturelle par rapport à mon cursus mais je me suis finalement aussi fait rattraper un peu par la patrouille dans le sens où le rythme n’a pas changé et en plus de gérer le contenu du scope autrichien, je me retrouvais avec l’organisation complète de la livraison mais cette fois-ci avec l’intégralité du scope Multi-pays. Et donc et bien j’ai continué à tirer la langue et puis cela a été comme ça très longtemps, un peu crescendo, moi j’ai fait entre guillemets ma montée de compétences avec l’équipe de la plate-forme délivrée qui était en train de sortir de cette partie-là, de se dégager, et de me donner les billes pour que moi je continue à leur place de faire les livraisons spécifiques à la partie Multi-pays. Mais avec, cette fois-ci, les contraintes des projets de l’ensemble des livraisons. J’ai une régression bloquante sur un client Suisse qui m’a obligé à organiser une livraison qui va avoir des impacts sur l’Autriche, voilà je devais organiser techniquement les livraisons cette fois-ci sur la totalité du scope. Et donc avec le fait que cela continu toujours à se répéter, et comme du coup j’organisais les livraisons, c’était moi qui étais le représentant pour le Multi-pays au Comité de Validation Suisse dans les différentes instances de validation. Et donc comme on pouvait même se retrouver à devoir être dans deux instances au même moment, en même temps, à demander de l’aide à mon manager pour pouvoir absorber la charge et prioriser les actions, et donc finalement le même contexte et rester, et ce qui s’est passé c’est que j’ai tenu, j’ai lâché au début du mois de novembre, en septembre il y a eu une alerte qui a été mise, alors c’était l’équipe plate-forme délivrée avec laquelle je travaillais, et le manager de cette équipe là à lever une alerte, c’est un courriel que l’on m’avait transmis, qui disait que aussi bien dans son équipe à lui que chez nous ils avaient identifié des éléments clés qui étaient en train de craquer du fait du rythme des livraisons, et que lui demander explicitement à reporter les livraisons pour laisser le temps aux gens de gérer et d’organiser les livraisons qui devaient être faites.

CFTC : quelles réponses ont été données à ce courriel ?

Julien : j’étais hors du scope des échanges, c’était bien au-dessus de moi. Mais c’était un gars de l’équipe qui m’avait transmis le courriel, des équipes plate-forme délivrées, qui m’avait dit pour le coup nous avons levé une alerte et on t’a nommé explicitement, et on demandait simplement de faire entendre au management, on parle de Arnaud X., de D aussi, de Martine et, ce genre de personnes, et que voilà les gens ne pouvaient pas tenir et qu’il y avait besoin de laisser un petit peu d’air pour pouvoir ne serait-ce réussir à livrer. Et donc du coup c’était un truc qui m’a un peu marqué, les alertes elles n’ont pas forcément été levées par notre équipe, c’est les gens qui étaient autour de nous qui disaient attention ça ne va pas bien chez vous.

CFTC : oui en effet, je pense que d’autres personnes ont été arrêtées dans le pôle XYZ. Je ne pense pas que tu sois le seul Julien.

Julien : oui je sais que à un moment il y avait plusieurs personnes arrêtées. Évidemment tout est caché, c’est un des problèmes de ce qui se passe dans l’organisation. Cela n’a pas forcément donné grand-chose mais par contre moi cela m’a permis de me rendre compte qu’il y avait des gens au-dessus qui considéraient que la situation n’était pas normale. Et que cela ne tenait pas qu’aux capacités des gens qui réalisaient le travail. Il y avait un vrai problème si tu veux, du point de vue de la prise en compte des managers de ce qui était demandé, du rythme, de la faisabilité, ce n’était juste pas possible, pas tenable. En fait ce qui s’est passé c’est que, entre guillemets cela n’a rien à voir avec mon cas personnel professionnel, mais ma femme à ce moment-là est partie en dépression. Moi je ne l’ai pas vu venir car j’étais la tête dans le guidon, mais c’est elle qui a dû gérer le pur aspect familial. Donc elle s’est retrouvée en arrêt à partir de septembre, deux mois avant moi, elle n’a pas encore repris, à l’heure qu’il est, à ce moment-là elle est tombée, et en tombant c’est elle qui entre guillemets m’a fait réagir. C’est-à-dire moi je n’ai pas vu le truc, y compris pour moi, c’est elle qui m’a envoyé chez le médecin, elle a parlé au médecin de mon cas, et quand j’y suis allé, j’y allais à la base pour une crève, je n’arrivais pas à me soigner, et le médecin m’a fait parler et c’est lui qui m’a dit Monsieur vous êtes, enfin tout ce que vous venez d’exprimer correspond à un épuisement professionnel, un burnout. Et il m’a dit écouter, je vous arrête et on commence par un mois, on va se revoir dans un mois, par compte mettez-vous en tête que cela va être long, et on commence comme ça.

CFTC : d’accord

Julien : on commence comme ça. Et moi sur le coup, sur le coup et bien je n’ai pas vraiment compris ce qui s’était passé. Si tu veux quand j’y allais, j’étais dans la voiture en train d’organiser mes réunions pour l’après-midi. Je n’étais pas dans l’optique que j’allais être arrêtée. J’étais dans l’optique de bon, cela n’allait pas bien, alors peut-être il allait me dire prenez la semaine ou les deux semaines parce que là il faut souffler, il faut se soigner un peu, et puis cela allait repartir, et puis en fait j’ai mis deux ou trois mois de comprendre vraiment ce qui m’arrivait.

CFTC : sur les symptômes, finalement quand il te dit vous haver tous les symptômes d’une personne qui est épuisée professionnellement, c’était quoi en fait ces symptômes ? Comment se l’épuisement se manifeste dans ta manière d’être ?

Julien : j’avais [] une première chose tu avais l’anxiété, qui est présente. Tout le temps. Cela se manifestait simplement par des, je l’ai gardé nuit blanche, ce n’est pas le bon terme, le fait de ne pas arriver à dormir, tout simplement. Donc cela veut dire, grosso modo je devais arriver à dormir entre deux heures et quatre heures du matin. Je voyais systématiquement les quatre heures du matin, une fatigue physique qui s’accumulait. Pour ma part j’avais également des problèmes d’hypertension, j’ai été suivi et traité pour sa et sur cette période-là cela ne s’est pas améliorée, on a dû suivre sa d’une manière un peu plus précise avec le médecin. Une perte [hésitation] de confiance en soi, c’est-à-dire au moment où je me suis retrouvé arrêter, typiquement la par rapport à ce que je te disais, j’ai été amené à devoir faire une prise de sang que le médecin m’avait demandée de faire, et j’étais incapable de faire cette prise de sang avant 15 jours. J’ai mis 15 jours pour trouver le courage pour réussir me déplacer jusqu’au laboratoire, parce que le fait d’y aller était insurmontable. Et en fait je me suis retrouvé à prendre conscience de ces trucs-là à ce moment-là, c’était déjà installé, c’était présent mais c’était complètement invisible. Je n’en avais pas conscience. Je devais, je me souviens pour m’endormir, je me mettais systématiquement du son dans les oreilles, des exercices je ne sais pas, un son ambiant, tu sais, une cascade d’eau, de la pluie, exercices de relaxation, méditation etc. voir même des exercices d’hypnose, et j’en étais arrivé au point à force d’écouter sa que j’avais des acouphènes à ce moment-là tellement c’était présent, et je me trouvais si tu veux, j’arrivais à m’endormir, je me couchais le soir, je me mettais ça dans les oreilles, et quand je me levais le lendemain cela avait tourné en continu. Un stress qui faisait que j’ai été amené, c’était ma femme qui m’avait demandé ça, dans le bureau chez moi j’ai une petite pièce, un petit bureau, j’étais enfermé seul, je devais me changer à cause de la sudation, c’est-à-dire j’étais en sueur de par le fait de gérer les situations, quand tu es sur un incident et tu te retrouves aux manettes face au management à gérer tous les aspects durant le Comité de Validation Management et le Comité de Validation Suisse, et bien voilà simplement tu es en stress, tu as chaud, et je me retrouvais à devoir me changer en cours de journée tellement c’était intense. Ça c’était des trucs que j’avais, j’avais eu des situations stressantes par le passé, tu vois, en tant que Admin, j’avais les infrastructures entre les mains, je faisais les astreintes nationales donc quand tu avais un gros pépin, je prenais le truc et je gérais. On avait parfois des gros incidents, sur certains je me suis retrouvé à gérer en continu pendant 24 heures, j’avais commencé à une heure du matin et j’avais fini le lendemain à une heure du matin. Voilà des choses assez dures et assez intenses. Et jamais je me suis retrouvé dans la situation d’être débordé comme je l’ai vécu là. Mais non pas parce que c’était un pic d’intensité très fort mais qui finalement était relativement court, mais parce que en réalité il était continu, il était continu. Voilà. C’est ce genre de manifestations physiques et puis voilà au bout d’un moment le fait de ne pas pouvoir aligner trois mots sans te retrouver à bredouiller, à devoir couper le micro parce que à un moment tu as une crise de larmes face aux collègues, et puis là sur le coup c’est trop intense et tu n’arrives pas à gérer, tu débranches, tu reviens 15 minutes plus tard pour pouvoir continuer ton appel. Et tu dis désoler j’ai un problème technique, la connexion Internet tout ça, tout ça mais en réalité ce n’était pas ça du tout.

CFTC : mon pauvre, cela a dû être très dur.

Julien : j’ai donné tout ce que j’ai pu pour pouvoir tenir, et l’arrêt en définitive je ne l’ai même pas demandé, il s’est imposé à moi parce que j’ai eu la chance d’être bien entouré dans mon cadre familial à ce moment-là.

CFTC : Dommage qu’au moment du black-out tu n’aies pas réalisé qu’il y avait un problème beaucoup plus profond.

Julien : j’étais cramé à ce moment-là parce que je n’ai pas eu vraiment l’impression d’aller mieux après, c’est juste que j’ai eu, il y a eu la période de congé qui sont passés par là et après la remontée en pression derrière. Donc quelque part cela m’a fait économiser, économiser, cela m’a fait perdre un peu de temps, cela juste décalé la rupture définitive. Et le médecin était clair avec moi sur le fait que par rapport à ce type de pathologie, il y avait, alors moi j’ai été amené, même je continue à faire un travail psychologique sur moi, pour pouvoir extérioriser tout ça, arriver à comprendre, à me l’expliquer, comprendre les erreurs, les mécanismes et arriver à trouver les schémas à ne pas reproduire par la suite si tu veux, mais le médecin me disait que sur ce genre de choses il y avait rien d’autre à faire que de prendre les gens, les sortir du contexte toxique dans lequel ils sont, et simplement les laisser reprendre des forces. C’est du repos et du temps. Il peut y avoir un traitement médicamenteux qui accompagne mais il ne traitera pas la pathologie sur la personne. Tu peux traiter des symptômes, ce que je te disais, le point de sommeil, d’hypertension, ou autre, mais par rapport à la pure problématique d’épuisement au travail et bien c’est du repos. Ni plus ni moins. D’autant plus que tu as un aspect psychologique qui rentre en ligne de compte, en tout cas me concernant, c’est-à-dire que quand je suis parti je suis parti avec un énorme sentiment de culpabilité. Parce que j’abandonnais mes collègues, je me suis retrouvé du jour au lendemain, Merle je laisse tout le monde derrière, les mecs démerdez-vous ! Et le médecin il m’a dit, je vous donne l’arrêt, c’est simple vous sortait du boulot, vous coupez toutes les communications, l’ordinateur, les courriels, vous coupez tout. Si vous avez une ligne, vous la faites sauter. Ce zéro contact, c’est le protocole. Il faut absolument que vous soyez isolés à 100 % de votre travail et que les problématiques propres à ce qui vous occupait pendant votre activité professionnelle ne revienne pas pendant ce temps de repos. Le but était vraiment de le vivre comme une parenthèse d’isolement. Et il m’expliquait que c’était vraiment à ce titre là qu’il y avait moyen de s’en remettre, et que si de mon point de vue je ne jouais pas le jeu et que je gardais malgré tout à contact avec la boîte, et que je continuais à essayer d’aider les autres à gérer, je ne m’en sortirai pas. Clairement. Son propos était là. C’était une vraie claque dans un sens comme dans l’autre. Aussi bien par rapport au fait de devoir s’arrêter, le pourquoi de l’arrêt, et le comment on va s’en sortir.

CFTC : il y a beaucoup de choses qui m’intéressent dans ce que tu viens de dire, sur ce sentiment de culpabilité, il est toujours là ce sentiment ? Est-ce que tu as réussi à le déconstruire ?

Julien : cela fait partie des choses sur laquelle j’ai été amené à travailler en séance de psychologie ni plus ni moins, simplement le fait de parler et d’exorciser les choses et d’essayer de comprendre. Parce que voilà je n’avais pas forcément une idée qu’il y avait une faute avérée, enfin il faut avérer, ce n’est pas le bon terme, qu’il y avait une problématique liée au management en tant que telle. Il n’était pas [hésitation] j’avais conscience qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, mais pas forcément au point où je l’ai compris après. Et moi ma culpabilité était liée au fait que je tenais toujours la responsabilité de la charge de travail qui m’incombait à ce moment-là, et je ne comprenais pas qu’il faille que je m’arrête urgemment et que en le faisant la charge qui m’avait amené à cette situation-là, eh bien je me contentais de la laisser aux autres.

CFTC : [petite parenthèse]

Julien : j’ai pris conscience de ce qui s’était réellement passé, parce qu’il y a le fait d’être dans le guidon et même par rapport à l’analyse de la situation que tu fais, parce que tu restes malgré tout conscient de ce qui se passe, même quand tu es le nez dedans, tu réfléchis, tu te poses des questions, mais comment dire ? La vue que tu as sur les choses et tellement restreintes que tu n’as pas de possibilité de prendre le recul nécessaire avec les éléments qu’il y a autour pour justement comprendre réellement la situation, et ce qui a amené à cette situation, a quasiment ce point de non-retour puisque tu n’as plus de possibilités d’avancer. C’est-à-dire que en fait [] comment dire ? C’est comme si à un moment tu ne t’étais pas rendu compte, tu marches, tu peux courir, tu marches, et petit à petit, la situation se dégrade, et tu ne te rends pas compte finalement que à la fin tu arrives à marcher finalement grâce as un déambulateur, tu arrives là, ou tu as une béquille, et tu ne te rends pas compte que tu as ça, mais tu arrives tout de même à continuer à avancer, et quand cela craque et bien tu tombes, tu es réellement parterre. Et tu te retrouves à ne plus pouvoir avancer, tu t’es littéralement cassé la figure et tu ne peux plus, ce que je te disais, en appel tu ne peux pas, te connecter, tu ne peux plus, un échange avec quelqu’un, impossible sans partir en crise, en pleurs ou en larmes, tu te fais lit littéralement submerger aussi bien psychologiquement que physiquement.

CFTC : d’accord.

Julien : et c’est ça. Tu arrives à un point de non-retour, et la question c’est d’arriver à le prendre suffisamment tôt ou pas trop tard en fait.

CFTC : combien de temps cela prend pour relever la tête ?

Julien : il y a un premier mois qui passe. Pendant ce premier mois [hésitation / silence] je ne me suis pas vraiment déconnecté. J’avais toujours ma machine, mais accès [On le coupe]

CFTC : tu n’as pas respecté les consignes du médecin [rires]

Julien : si je l’ai fait, alors plus précisément pour être honnête j’ai commencé à le faire. Il n’y a pas la coupure nette et franche comme un fils que tu coupes, mais voilà j’ai dégagé la machine, mais j’avais toujours [hésitation] j’ai coupé l’ordinateur et les mails dessus, mais j’avais toujours deux ou trois trucs sur mon téléphone, j’avais laissé ma puce dedans, je m’efforçais de ne pas regarder mais malgré tout je l’ai quand même fait. Pour un truc tout bête, c’est-à-dire il y a un moment où tu sors, tu as ton arrêt, mais comment tu fais ? Comment tu fais pour commencer ton arrêt ? Alors oui effectivement le communique à ton manager et aux RH, voilà officiellement à partir d’aujourd’hui je suis en arrêt. Mais à un moment il faut quand même que tu te connexions ta machine, tu dois mettre un message d’absence, j’avais recontacté mon manager pour essayer un peu de lui expliquer et d’accompagner cette situation, que ce ne soit pas juste merci et au revoir. Même si tu veux, tu essayes quand même d’accompagner la déconnexion quelque part. Elle ne se fait pas de façon complètement brutale, et tu essayes tiens je te passe deux ou trois infos importantes que j’avais en tête et que je n’ai pas encore eu le temps de te communiquer parce que j’avais prévu d’en parler lors des réunions de l’après-midi etc. tu as tout l’encours encore dont tu dois te débarrasser. Et tu restes un peu dedans. Et puis moi ce que j’avais fait à ce moment-là si tu veux je me suis dit bon je viens de prendre ma claque, et puis j’avais rédigé en fait un courriel, je vais faire un mail d’alerte, ni plus ni moins, donc j’écris à toute ma chaîne managériale et puis j’explique tout simplement ce qui se passe. Voilà je suis en arrêt, voilà, j’ai un diagnostic d’épuisement professionnel qui vient d’être fait par le médecin, je vous rappelle quand même que j’avais fait quelques alertes auparavant, j’en profite pour dire qu’il me semble que je ne suis pas forcément tout seul, on voit des gens qui ne sont pas bien autour de moi, on a tout le management bizarrement qui a changé dans l’année qui a passé, c’est bizarre toute la ligne Suisse à bouger. Voilà je donne des éléments et puis déjà à ce moment-là je me suis dit bon, je n’y arriverai pas. Je ne pourrais pas revenir. Et j’avais appelé en catastrophe mon ancienne équipe, pour leur dire mon équipe de Admin, j’avais un collègue qui avait pris la place de Lionel, des personnes avec qui j’avais gardé de bons contacts, je leur ai dit voilà cela fait une année que je vous ai quittée, là ce n’est vraiment pas bon pour moi, et je ne vois pas d’autres solutions si vous êtes d’accord que je revienne au dernier endroit où il m’a semblé avoir un cadre sain. En tout cas vivable on va dire. Et leur répond direct cela a été aucun problème, si on peut tout reprendre, on te reprend, il m’avait fait plusieurs appels du pied l’année passée, allez si vraiment tu veux il y a toujours moyen etc. et donc j’étais parti là-dessus en me disant je coupe mais j’ai une bouée pour mon retour avec des gens qui sont prêts à me laisser revenir. Et donc voilà je pars là-dessus. Le travail sur la déconstruction comme tu dis de la culpabilité, petit à petit. Et puis tu pars, c’est comme un sprint, sur l’instant tu es toujours essoufflé, et tu apprennes besoin de reprendre ton souffle, de retrouver ton calme. Et c’est quelque chose qui vient petit à petit et après tu prends simplement un peu de recul sur ce qui s’est passé, et toi tu comprends de toi-même ça je l’ai fait mais je n’aurais pas dû, ça j’ai accepté mais je n’aurais pas dû, là j’ai considéré que c’était de ma responsabilité, mais attention mais j’avais quand même levé telle et telle alerte au management, pourquoi je n’ai pas eu d’aide ? Pourquoi il ne s’est rien passé ? Toi tu prends petit à petit un peu conscience des choses par toi-même et tu en viens même après [hésitation] les retours des différentes personnes avec qui tu as bossé, malgré tout dans le tas tu as des amis, il y a des gens avec qui tu gardes malgré tout contact, et tu comprends que finalement tout n’est pas de ta faute. Tout n’est pas de ta faute. Et c’est comme ça que voilà, petit à petit, tu prends un peu conscience es-tu te dit voilà j’endosse ma part parce que malgré tout j’avais ma part de responsabilité, le monde n’est pas blanc ou noir, et dans cette part de responsabilité il y a le fait de dire j’aurais peut-être pu dire stop plutôt.

CFTC : oui.

Julien : ta responsabilité elle est éventuellement quelque part là-dedans. Ensuite il y a le problème, tu sais, de la grenouille dans l’eau chaude, et à aucun moment elle est capable de détecter que c’est toujours un petit peu plus. C’est le paradoxe de la situation. Mais voilà il y a ça oui peut-être j’aurais pu, peut-être qu’effectivement tel jour quand je me suis déconnecté, je n’ai même pas pu coucher mes enfants, je n’aurais pas dû accepter ça ! Peut-être que tel matin où je ne les ai pas amenés, je n’aurais pas dû accepter ça ! Mais comme je te disais et bien c’est le train, tu es dedans ou tu es à côté, tu es présent tu n’es pas présent. Et donc situé dans cette réflexion-là, tu arrives peu à peu à prendre un peu de recul, à réfléchir à ça, et puis les choses peu à peu redeviennent un peu plus vivables. C’est-à-dire que cette boule que tu as dans le ventre, ce stress, s’estompe. Peu à peu. Et tu arrives à nouveau à reprendre la vie du quotidien, si tu as un rendez-vous et bien tu arrives à l’organiser et à y aller. Comme je te disais, je te parlais simplement d’aller au laboratoire, pas plus que ça mais petit à petit tu y arrives à nouveau.

CFTC : un peu de confiance en soi qui revient petit à petit

Julien : exactement. Ce travail que tu fais avec le psychologue, le fait d’échanger avec le médecin donc voilà, tu progresses petit à petit.

CFTC : en termes de timing, on en est où à peu près un ?

Julien : jusqu’à mars ou avril c’était la pente descendante, c’est vraiment le fait [silence] de déconstruire, vraiment de déconstruire tu vois ? D’accepter la situation. Vraiment cela va être ça au final. Au final il m’aura fallu au moins mars et avril pour vraiment commencer à remonter. C’est-à-dire tu me demandais au bout d’un mois qu’est-ce qui s’est passé ? Au bout d’un mois je suis retourné chez mon médecin et j’ai dit Docteur quand est-ce que je reprends ? Est-ce que je peux reprendre la semaine prochaine ? Est-ce que je peux reprendre deux semaines ? J’ai eu ce discours-là tous les mois, de novembre jusqu’à à peu près mars jusqu’à ce que à ce moment-là j’arrête de poser cette question à mon médecin et je lui dise d’accord Docteur, j’ai compris, je ne peux pas, je ne peux pas reprendre. Et jusqu’en février j’étais à demander à y retourner. Et voilà le médecin vraiment me disait je vous mets l’arrêt, je sais que vous ne voulais pas, mais je vous fais la promesse que si vous y retournez dans une semaine on recommence tout. Il était capable de m’argumenter que par rapport à d’autres patients qu’il avait que voilà, il connaissait bien le cas, ce n’était pas un marabout qui faisait des incantations sans savoir trop ce qui allait se passer, il comprenait très bien la situation et savait que je n’ai pas accepté les premiers mois. C’est comme ça. Et simplement il ne m’emmenait pas trop fort non plus, il me tapait assez fort sur les doigts pour que j’accepte que je prenne mon arrêt mais sans me dire forcément ce qui allait se passer, je savais que ce que j’étais en train de lui dire, il s’attendait à ce que je le dise, mais une fois que je lui ai dit que j’acceptais ma situation, la seulement il a commencé à me parler de la phase d’après.

CFTC : l’acceptation du fait que tu es malade ça doit faire partie de la guérison.

Julien : tu ne peux pas passer à l’étape suivante tant que tu n’as pas accepté, c’est une forme de déni quelque part. C’est une forme de déni. Et au moment où tu commences à reprendre le rythme, après voilà, il t’amène sur le fait d’arriver à reprendre de l’activité. Quelle qu’elle soit, que ce soit du sport, des projets personnels, enfin voilà, je me suis retrouvé à faire un certain nombre de choses en termes de bricolage chez moi, que je m’étais de côté depuis un certain temps, et je me suis retrouvé à un moment donné à avoir envie de les faire, et ses ce genres d’étapes par lesquelles tu es amené à passer qui te permettes pas encore, tu ne peux pas prétendre à supporter une activité professionnelle, mais c’est le fait de retrouver l’envie, tu recommences petit à petit, comme si tu réapprenez à marcher, je prenais l’image de quelqu’un tombé, tu acceptes que tu es tombé, ensuite tu t’assois, tu te mets ensuite à ramper, tu dis tiens je pourrais peut-être mettre un pied debout, à tiens je me remets debout, et puis tu remarches un peu, et puis tu recours. Tu t’aurais entraînés progressivement quelque part. Ces étapes-là, je les ai connus d’avril jusqu’à septembre mais avec par contre à partir d’avril moi le fait d’avoir tenté de reprendre contact avec la boîte hélas d’avoir quelque part vécu la deuxième peine avec toute la difficulté de contact avec les RH et tout ce qui a découlé derrière.

CFTC : Ok.

Julien :  j’ai tout mis par écrit depuis le début ce qui m’est arrivé, le premier jour où j’étais arrêté j’ai crié à tout le monde, voilà je suis arrêté, je décris cette situation. Je décris c’est élément. Et à chaque fois j’ai essayé de tracer. Alors c’est peut-être une déformation parce que dans mon cadre privé je suis amené depuis quelques années à vivre une procédure judiciaire, qui n’a rien à voir avec ce qui se passe au travail, mais voilà j’ai une épreuve personnelle qui est liée à des problèmes de construction sur la maison, et avoir initié une procédure judiciaire. Et donc c’est quelque chose de prégnant et j’ai peut-être acquis certains réflexes mais qui sont liées à ça, auquel je ne réfléchis pas forcément mais voilà aujourd’hui c’est ma manière de faire.

CFTC : OK je comprends.

Julien : et donc du coup j’arrive au mois d’avril je dis voilà, je commence à réfléchir au fait de revenir [Je le coupe]

CFTC : juste avant de revenir sur ça, j’aimerais préciser un point, à ce moment-là, les symptômes physiques dont tu parlais tout à l’heure, que ce soit l’anxiété, la fatigue, les difficultés pour t’endormir etc. est-ce que tout ça a disparu à ce moment-là ? En gros cinq mois après le début ton arrêt ?

Julien : je dirais que à ce moment-là cela va beaucoup mieux. Tous les symptômes durent à ce moment-là ont disparu. À ce moment-là je suis vraiment dans une phase reconstruction et consolidation. C’est-à-dire je vais mieux, je sais que je vais mieux, mais la question qui se passe, qui se pose maintenant, c’est est-ce que c’est suffisamment mieux, est-ce que c’est suffisamment solide pour considérer une reprise ?

CFTC : d’accord.

Julien : et c’est là-dessus que je travaille. Et donc, dans le cas d’un arrêt travail long, je suis convoqué par l’assurance-maladie autour des six mois après un arrêt. Et donc je fais mon rendez-vous, j’explique peu ou prou tout ce que l’on vient de dire ensemble au médecin qui m’a convoqué. Qui m’explique qu’il y a aucun problème du coup, il valide l’arrêt, il considère que c’est complètement justifié mais il me fait quand même la réflexion, car ces gens-là leur but c’est quand même de te ramener dans le monde de l’entreprise et non pas de te laisser accrocher à la dépendance de la collectivité. Il me dit c’est quand même bien d’avoir un projet dans le sens essayé de reprendre contact avec votre entreprise pour quand même malgré tout essayer de définir un projet de reprise. Et c’est vrai que sur le moment je me demande pourquoi je ne l’ai pas fait. Et tout simplement à ce moment, je n’avais toujours pas considéré être en capacité de le faire, et puis je ne me voyais pas en fait encore reprendre contact avec l’entreprise. Il lui il me dit papa ce que vous me dîtes, c’est quand même important d’essayer de prendre contact avec les gens, tout ce qui est CSS CT notamment, tout simplement, pas forcément pour alerter sur votre cas, mais leur dire je suis employé, je suis arrêté pour cette raison, merci de simplement le prendre en compte, de mettre un peu en lumière le cas, afin qu’il puisse le comptabiliser quelque part. Tant que vous ne faites pas vous-même cette démarche là il y a aucune raison que vous soyez identifiés. Et moi j’avoue que je tombais un peu des nues quand il m’a dit ça, parce que j’imaginais que du côté RH et bien c’était clairement identifié, l’arrêté communiqué à l’entreprise, et que tout ce travail était fait. Et je me disais bon après les différents organes de l’entreprise doive communiquer entre eux, donc cela doit être pris en compte et au moins identifié. Il m’envoie de suite faire un rendez-vous de pré reprise auprès de la médecine du travail, pour grosso modo refaire le même échange et le médecin du travail me fait aussi la même réflexion. Il me dit essayer de reprendre contact avec votre employeur et puis de faire en sorte que votre cas soit clairement identifié et connu. Bon. Et puis cela m’interpelle un peu, je n’étais pas du tout parti pour ça, et du coup je me dis je vais quand même essayer de remettre un pied dedans, enfin de lancer une bouteille, et donc j’écris ni plus ni moins je fais un message, je ne sais plus comment j’ai fait ça, non c’est à ce moment-là que j’ai pris contact avec Amandine, par Lionel qui avait été lui-même amené à échanger avec elle, pour un besoin de management dans son équipe. Il me disait écoute, je te donne son nom et son courriel, contacte là, on a eu un échange tout à fait constructif tous les deux, il me dit par rapport à ce que tu me dis, elle pourra peut-être t’aider. À ce moment-là je l’appelle, je lui explique rapidement mon cas, et je lui dis mon propos c’est de voir dans quelle mesure j’aurais possibilité de revenir en demandant une mobilité auprès de mon ancienne équipe. Je n’avais pas de date de reprise à ce moment-là mais je voulais déjà prendre contact auprès des RH et travailler la question de la mobilité en me disant que par rapport à mon cas j’avais certainement moyen d’arriver à justifier le fait de pouvoir revenir dans mon ancienne équipe. Et en fait, et bien à ce moment-là je ne m’y suis pas attendu je me suis pris un mur. Alors moi je l’interprète comme ça, si tu veux, parce ce qui s’est passé, j’ai dû écrire par mail ou RH, et finalement il ne se passait rien, il ne se passait rien et je ne comprenais pas. Et j’en suis arrivé à devoir envoyer un courrier en recommandé avec accusé de réception à Tour, en adressant explicitement aux RH, aux personnes en charge de la question de la mobilité sur la région, contact que m’avait donné Amandine, c’est ces personnes qui sont compétentes, il faut les adresser parce qu’elles n’ont pas forcément connaissance du cas émis de la demande de mobilité. C’est bien le faire pour que au moins l’information circule. À ce moment-là j’ai fini par avoir un retour, c’était une responsable RH [hésitation] qui finit par revenir vers moi, et qui me proposait ni plus ni moins qu’un échange téléphonique pour pouvoir échanger et de traiter la question. On finit par avoir cet échange-là, ni émoi j’étais parti très confiant, en me disant voilà je vais avoir une oreille attentive, on va m’aider pour trouver une solution afin que je rejoigne mon ancienne équipe, mais il n’y avait pas eu de changement, ils avaient ouvert un poste pour me remplacer, l’un des opérationnels de l’équipe avait pris lui-même le poste de manager, donc cela faisait autant de ressources en moins de l’activité opérationnelle de l’équipe, donc ils avaient identifié, du coup depuis que j’étais parti, un besoin, ils avaient ouvert des postes, j’apprends par cette responsable RH que les postes avaient été fermées et qu’il ne serait pas réouvert, et qu’il n’y avait pas du tout de projet de les rouvrir. Il fallait que je trouve une autre solution.

CFTC : d’accord.

Julien : et ce qui m’avait marqué, c’est-à-dire que par rapport, la première chose qu’elle me demande de lui expliquer mon cas, qu’est-ce qui s’est passé ? Je lui raconte rapidement mon histoire, de la même façon que je pouvais échanger avec toi ou avec Amandine en considérant que j’avais quelqu’un de bienveillant face de moi. Et un truc qui m’a arrêté net, une de ces premiers retours qu’elle m’a faits, elle m’a dit Julien il faut que tu considères ta responsabilité dans cette histoire. Et en fait le seul propos que nous avons eu, c’était par rapport à ma propre responsabilité avant même de considérer qu’il puisse ne serait-ce qu’éventuellement avoir une responsabilité du côté de l’entreprise. Cette partie-là, la responsabilité de l’entreprise, inexistante, on n’en a même pas parlé, grosso modo c’était oui mais Julien tu es responsable de la situation dans laquelle tu es. Et moi bêtement sur le coût, j’étais en train de faire ce travail-là, oui j’ai une responsabilité, comme je disais le monde n’est pas noir ou blanc, j’ai une responsabilité, j’aurais peut-être pu dire non à un certain nombre de choses, de signaler plus tôt, mais il n’empêche que c’est également la résultante de tout le contexte que j’ai pu te développer et qui lui a attrait à la question du management et de ce qui se passe dans l’équipe, on est en ayant en tête les alertes qu’avait levés les managers des autres équipes, mon cas ayant tendance à se répéter.  Si elle m’explique la situation s’est améliorée, que les choses ont été faites, mais que l’on ne peut rien faire pour toi. Il te faudra retrouver une autre solution de mobilité. En définitive c’était la préconisation du médecin du travail, que j’avais rencontré, qui était de dire il ne peut pas repartir dans le même bain entre guillemets, il faut trouver autre chose.

CFTC : Mon pauvre.

Julien : Elle me dit je te renvoie toutes les offres que nous avons. Et je me suis retrouvé quelque temps plus tard avoir un courriel avec un excellent de tous les postes ouverts en région centre. Eh bien voilà. Et débrouille-toi pour choisir. [silence] moi en parallèle de ne pas lâcher l’affaire, et avec l’appui d’Amandine qui du coup faisait vraiment l’interface avec moi, d’essayer de monter mon cas, auprès de la CSS était également sollicité le CC pour que cela remonte en visibilité auprès de la direction et voilà, c’était un tout, moi essayais également de présenter les éléments factuels par rapport à ma situation, les mails que j’ai envoyés, des courriers, j’ai fait faire un certificat par le médecin pour pouvoir justifier de mon diagnostic, cela représente un certain nombre de choses, et elle de m’expliquait que il n’y a pas de problème, mais c’est un arrêt comme un autre, rien ne dit que ce qu’il prétend est vrai, quelque part une forme de déni complet de l’équipe de RH, j’allais dire de RH je ne peux pas forcément de dire ça complètement, ils m’ont quand même fait un retour, mais si tu veux je ne peux pas dire que j’ai senti un retour bienveillant avec un véritable accompagnement. En fait il n’y a pas eu d’accompagnement. Un échange téléphonique et depuis tous les autres échanges se sont faits par mail, j’avais l’impression honnêtement d’argumenter comme je l’aurais fait avec mon avocat dans le cadre de mon procès. C’était exactement la même démarche.

CFTC : [Petite parenthèse sur la responsabilité de Julien] le travail de déconstruction que tu étais en train de faire, finalement là, la RH elle te renvoie en arrière non ?

Julien : tu fais un pas en arrière oui. Ma responsabilité ou la responsabilité de l’organisation n’est pas à 100 %, si on essaye vraiment de restituer les propos, j’étais responsable en partie de ma situation. Elle ne m’a pas dit que j’étais complètement responsable. Mais le fait de n’aborder que de ma responsabilité, laissait penser qu’il n’y avait pas de responsabilité du côté de l’entreprise. Et finalement quelque part cela revient quasiment au même, quand tu parles que d’une chose, et bien c’est la seule qui existe. Même si son propos n’était pas de dire qu’il y a que la responsabilité de l’entreprise, mais comme tu ne parles que de la mienne, il y a que ça qui subsiste, et moi finalement c’est vraiment la sensation, et ce qui m’est resté derrière. C’est-à-dire je n’étais pas dans un mode, et dès le début, je n’ai pas cherché à dire voilà bon je vais partir dans une vendetta, c’est l’entreprise qui a une part de responsabilité, je veux la faire reconnaître, l’entreprise doit se débrouiller, je veux quelque part qu’il y ait une forme de responsabilité qui soit reconnue par l’entreprise. Mon propos cela a toujours été de dire là dans ce contexte, là pour moi ce n’est plus vivable, je veux trouver une solution qui me permette tout en restant à Worldline d’arriver à continuer à maintenir mon activité professionnelle comme j’ai pu l’avoir par le passé Je sais puisque je sais qu’il y a d’autres écosystèmes qui sont vivables dans l’entreprise et donc je ne peux pas faire de mon cas une généralité pour toute la boîte. Je ne peux pas dire Worldline c’est un endroit où il ne fait pas bon vivre, je conseille à personne d’y aller.

CFTC : je suis d’accord avec toi.

Julien : il y a des endroits, il a des très bonnes équipes, il y a des gens qui arrivent à vraiment bien bosser ensemble, et effectivement il en a d’autres où je ne cherche pas à trouver une explication à tout, le contexte, les habitudes, le management déjà en place, je ne sais pas, mais tout mis bout à bout fait que tu peux arriver à certains endroits et à certains moments, je ne dis pas que c’est valable tout le temps, mais à être dans des situations potentiellement cela est toxique dans ces endroits et à ces moments-là. Et c’est ça qui est difficile. Un des exemples qui permet d’illustrer ça, c’est que je me suis retrouvé en fête deux semaines après le début de mon arrêt, avoir une collègue qui m’a appelé sur ma ligne professionnelle, n’avait pas encore débranché, et qui me dit, c’était une intégratrice, qui me dit écoute Julien, on me propose un poste de chef de projet dans ton équipe, qui correspond exactement au poste que je faisais, et elle me dit écoute qu’est-ce que tu en penses ? C’est quelqu’un que je connaissais l’intégration, son contexte personnel était un peu compliqué, jeune maman, contexte personnel qui n’était pas forcément évident, avec une situation personnelle qui est en priorité par rapport à tout le reste à ce moment-là, des jeunes enfants de toute façon c’est un moment particulier de ta vie. Et donc il faut que tu trouves une solution pour réussir à concilier la partie professionnelle et ta situation de nouveaux parents, ce qui n’est pas toujours évident. Et ce qui peut faire aussi que tu peux être un peu plus fragile à ces moments-là. Moi je lui demande si elle sait pourquoi je suis en arrêt ? Elle me répond, oui, et je lui dis écoute sans te donner la vérité absolue je veux bien te faire l’amitié de partager mon expérience avec toi et mon parcours propre. Mais en précisant bien que c’est mon expérience à moi et qu’en aucun cas il faut considérer que c’est quelque chose qui sera vrai pour toi aussi. La seule chose que je peux faire c’est de t’encourager à croiser mon expérience avec celles d’autres personnes qui sont toujours dans l’équipe ou qui sont déjà sortis afin de te forger ta propre opinion. Elle m’appelait car elle se doutait qu’il y avait un loup quelque part et elle cherchait à comprendre où étaient les informations qui n’étaient pas forcément données par rapport à ce qui se passe dans l’équipe. Au final, j’ai eu de ses nouvelles quelque temps après, elle a refusé le poste.

CFTC : ok. Pour continuer sur ce que tu disais. Je reviens sur ton fichier Excel, que tu reçois de la RH, en mode débrouille-toi et trouves-toi un job qui te convie pour ton retour. Qu’est-ce que cela donne ? À ce moment-là ? Comment tu te sens ? Comment tu reçois ça ?

Julien :  ma première réaction s’était complètement découragée, car je tombe sous l’impact des mots de la RH et je me dis en définitive je n’aurais pas mon pote Admin, et puis j’accuse un peu le coût. Je rediscute un peu avec Amandine qui me dit attend, écoute, ne lâche pas le truc de suite, il y avait un certain nombre d’échanges qui étaient en cours, il y avait des réunions qui devaient se faire, il y avait des retours et des choses qui ont été demandées par le CSE (comité social et économique) auprès de la direction, ne serait-ce que pour [hésitation] enfin pour faire la même chose que ma demande, afin d’argumenter en faveur de la  mobilité que je demandais, et que même si ce n’était pas dans les plans des RH et de la direction et bien il y avait quand même des éléments qui pouvaient justifier que cela se fasse au moins pour répondre à ma demande. Voilà. Les échanges étaient en cours et qu’il ne fallait pas considérer que c’était terminé, ce n’était pas gagné, mais il y avait toujours une chance, il fallait rester optimiste, le couperet n’était pas complètement tombé, cela pouvait aboutir sur quelque chose de positif. Je me suis vraiment raccroché à sa jusqu’au bout, j’ai eu à nouveau des échanges avec le responsable de l’autre équipe, qui me disait qu’il poussait à fond pour pouvoir me faire revenir, mais qu’il n’avait pas de retour. Au moment, typiquement, au moment où j’ai eu mon échange oral avec la RH, j’ai eu le responsable de l’équipe Admin qui me disait qu’il lui avait écrit, et par n’avait eu aucune réponse de sa part. C’est un peu téléphoné comme réponse, d’être capable de me dire qu’il y a aucune possibilité de répondre favorablement à ma demande, alors même qu’elle n’a pas pris le temps de répondre aux sollicitations de l’équipe qui faisait la même demande que moi. Ce n’est pas possible ? Il faut au moins qu’elle échange avec lui avant de dire que ce n’est pas possible. Mais en fait les jeux étaient joués dès le début. Ensuite, je ne dis pas que ce sont eux qui ont décidé que c’était non. La vérité c’est que je n’en sais rien, c’était une décision qui était déjà prise avant, et au final ils n’ont pas bougé d’un iota par rapport à ça, et c’était mort. Dès le début elle m’a dit qu’il n’y avait pas d’autres postes et en définitive il n’en a pas eu dans cette équipe.

CFTC : d’accord

Julien : partir sur le fichier Excel je t’avoue que je l’ai mis de côté d’un certain temps parce que, parce que en fait ce document-là, il matérialisait un peu toute l’angoisse de la question du retour dans l’entreprise, en allant sur quelque chose qui est inconnu. Avec finalement aucun moyen de dépoussiérer un peu le truc. C’est-à-dire tu as liste de poste, tu as des codes, tu as un nom pour le responsable à l’origine de la demande, mais la réalité derrière un intitulé deux postes, qu’est-ce qu’elle est ? Tu vas avoir deux équipes différentes qui vont te proposer le même poste, mais en définitive cela peut absolument ne rien avoir en commun, même si sur le papier c’est la même chose. En plus avec des équipes que tu ne connais pas.  La question du positionnement géographique qui compte aussi. En fait quelque part, c’est dur aussi, c’est bien de te dire, on te fait une proposition qui est de dire est bien choisie, on t’appuiera quel que soit ta demande, mais que tu es aucun accompagnement par rapport au fait d’avoir les éléments qui te permettent concrètement de choisir. Tu as l’impression que c’est juste un prétexte, on te donne sa et comme ça on a fait quelque chose. Est-ce que c’est ça ? Je ne sais pas. Mais le fait est que c’est comme ça que moi je l’ai vécu parce que finalement derrière il n’y avait rien. Quand j’ai été amené à échanger avec Amandine, j’avais quelqu’un avec une oreille, comme je te disais bienveillante, elle était présente par mail, si j’ai besoin passer un coup de fil elle répondait, alors du côté RH, il te disait si tu as besoin tu appelles, oui d’accord, mais il n’y a pas réellement eu, ils n’ont pas été moteurs sur le fait d’essayer de trouver une solution. Donc en fait il ne s’est rien passé par rapport à ça, on a joué au ping-pong par rapport à réussir à obtenir la mobilité du côté Admin jusqu’à ce que le couperet définitif tombe et que je comprenne vraiment que cette solution tombe à l’eau. Et à ce moment-là, j’étais un peu dans l’expectative, j’ai [hélistation] quelque part j’étais un peu hébété par rapport à cette situation. Et je me disais eh bien finalement je n’aurais pas d’autres solutions que de revenir dans l’équipe où j’étais. Revenir dans une équipe que tu connais plutôt que de sauter dans le vide, choisir quelque chose que tu ne connais pas, un poste qui ne correspond pas à tes compétences ? Aucun sens.

CFTC : cela te faisait presque plus peur de partir dans l’inconnu que de retourner dans une équipe qui avait fait mal ?

Julien : oui car cela ne correspondait à rien, choisir pour choisir autant que je file ma démission. Cela ne faisait aucun sens, autant que je reparte sur quelque chose de nouveau, que je tire un trait dessus et que je pars sur autre chose. Et je me dis au pire quitte à revenir, je reviens là où j’étais, je vois ce qui se passe, je dis bon OK l’environnement je le considère moi comme toxique et au moins je sais où sont les pièges maintenant. Donc j’ai peut-être moyen au moins dans un premier temps de vivre avec et cela me laissera peut-être le temps de rebondir en réactivant des contacts dans l’entreprise. Et en attendant de trouver autre chose.

CFTC : là tu te sentais assez solide pour affronter cette situation ? La situation dans laquelle tu étais avant l’accident ?

Julien : je me dis au pire banzai, et je me dis l’investissement personnel ne pourra plus être ce qu’il était, donc je reviendrai vraiment entre guillemets dans un but alimentaire, simplement pour pouvoir survivre mais en faisant ce qu’il faut pour me préserver. C’est vraiment dans une optique de survie si tu veux. En me disant attention, je ferai attention de ne pas trop mettre le doigt dedans pour ne pas repartir sur le même rythme et puis être capable de juste dire non, là je ne resauterais pas.

CFTC : d’accord. Pendant tout ce temps tu continues ton travail avec ton psychologue ? Es-tu essayé de consolider ta guérison ?

Julien : exactement. Quelque part j’ai aussi consolidé par rapport à l’ensemble de ses en changes qui ont lieu à ce moment-là, je les ai un peu vécus comme un combat, et donc à partir du mois d’avril j’ai eu vraiment l’impression de repartir au charbon. Tu vois ? Je me dis bon maintenant il faut que je gère intelligemment le retour. Il faut que j’arrive à gérer intelligemment le retour. Et donc je finis par accepter que la porte que j’espérais et finalement définitivement fermée, et puis j’en prends mon parti et puis je me dis bon, je repasserai par mon poste parce que de toute façon cela est possible, même la RH m’avait dit qu’il n’y avait pas d’autre possibilité pour moi de revenir là où j’étais. Je n’ai pas de poste de Admin, si la mobilité que tu demandes c’est celle-ci, je n’en ai pas, donc la seule solution c’est que tu reviennes là où tu étais qui as revoir après coup tes autres possibilités de mobilité.

CFTC : d’accord

Julien : mais c’était vraiment à défaut. Donc petit à petit je me résigne à ça, en me disant j’attendrai d’être sûr d’être suffisamment solide pour remettre un pied dedans mais cela devient ma perspective à ce moment-là. Et puis comme je te dis, tu reprends un peu d’air, un peu confiance en toi, et puis ce qui s’est passé c’est que à un moment donné je dis bon, j’ai eu du soutien, j’ai des échanges avec Amandine, avec la boîte RP (Représentants de Proximité), mon ancienne équipe, mon ancien N+2 et N+1, j’ai eu des gens qui m’ont toujours répondu et appuyé. Et je me dis c’est important à ce moment-là que je donne des signes de vie, même si je n’ai rien de ce que j’espérais, je voulais redonner signe de vie à ces gens-là pour au moins les remercier d’avoir été là, de m’avoir répondu et puis simplement pour la confiance qu’il m’avait accordée quant au fait de me dire oui nous on est d’accord, on va faire ce qu’il faut pour que tu puisses revenir chez nous, comme un témoignage, comme un remerciement. Ni plus ni moins. Et donc j’écris à ces différentes personnes, et puis également à ceux avec qui j’avais travaillé dans mon équipe actuelle, et de suite j’ai une réponse des collègues de plate-forme délivrée, notamment par le N+2 de l’entité, qui m’explique que [hésitation] qui me demande de mes nouvelles et qui me dit et bien écoute oui Julien, par rapport aux fêtes que je ne trouvais pas de solution de mobilité, je pense que en fait il m’avait mal compris, et il me dit les RH ne doive pas vouloir que tu revienne dans le poste où tu étais afin de te protéger, et donc cela semble normal que tu trouves autre chose, et il me dit par rapport à ça nous dans l’équipe on est amené à devoir consolider, il y a peut-être moyen de faire quelque chose, en tout cas si cela t’intéresse, on a moyen de te proposer un poste chez nous. Et là j’en reste complètement quoi car je ne m’attendais pas à ça, et donc je la laisse passer un peu de temps, je finis par répondre en réfléchissant, et on fait quelques rebonds d’échanges, et en fait il se trouve que c’est ce responsable la qui avait écrit, tu sais, je t’avais dit, en septembre avant mon arrêt, pour un peu secouer le cocotier en disant qu’il y avait des gens qui étaient en train de craquer chez lui et chez nous. Et que c’était quelque chose qui s’était déjà produit à plusieurs reprises dans l’équipe, et qu’il fallait arrêter sa. Et en fait en échangeant avec lui, lui m’avait expliqué de son expérience personnelle à lui, il avait été amené quelques années auparavant à vivre le même genre de choses que moi, et qu’il n’était jamais allé jusqu’à l’arrêt mais qu’il avait vécu. Et aujourd’hui qu’il était toujours marqué par ça. Mais que voilà, j’avais été amené à travailler avec les personnes de son équipe, il y avait eu un bon retour, il me disait bien écoute ça peut le faire si cela t’intéresse. Nous on te fait la proposition, et puis tu nous dis, pas d’obligation évidemment. Et puis en fait en réfléchissant j’ai refait une matrice avec les pours et les contres, avec vraiment en essayant d’extraire les éléments qui étaient pour moi important quant au fait de revenir dans l’équipe Admin, au final derrière le fait de revenir en arrière, qu’est-ce qui était vraiment important ? Qu’est-ce qu’étaient les éléments que je recherchais ? Et au final j’arrivais à cocher la totalité des points qui étaient vraiment importants pour moi que je retrouvais au final d’une autre façon mais dans cette équipe là je me dis merdre ! Cela peut coller ! Et cerise sur le gâteau cela me permettrait malgré tout de faire en sorte que le temps que j’ai passé durant l’année précédente de ne pas le perdre.

CFTC : oui je vois.

Julien : de rebondir sur l’expérience passée, si difficile fut-elle, mais finalement que cela sert de tremplin pour autre chose. Et en définitive cette équipe-là se trouve être une équipe support de tous les délivrés TQD. Moi je faisais partie des délivrées Multi-pays, mais les délivrées Multi-pays s’appuient sur tous les autres délivrés France, Suède et autres. Sur cette équipe transverse. Et je me dis cela pourrais le faire. Et il me dit, on peut en discuter, je finis par lui répondre en lui expliquant ce que je viens de te dire, c’est peut-être prématuré mais je me permets de t’envoyer mon CV, tu connais mon histoire dans l’équipe, tu sais ce qui a été vécu avant, ce que moi j’ai vécu, pourquoi je suis parti et où j’en suis maintenant, parce que à ce moment-là j’étais toujours en arrêt, et malgré ça il me fait ce retour là et cette proposition, et je lui dis bon eh bien voilà je te donne mon CV afin que tu es un peu de contexte sur mon parcours avant que l’on soit amené à se rencontrer. Et puis si cela t’intéresse tu me dis. Ça peut le faire, moi je vois une forme de cohérence malgré tout par rapport à mon projet et mon parcours. Donc pourquoi pas ? Et dès le lendemain il a redescendu son responsable d’équipe qui se trouvera être mon futur N+1 afin que l’on passe un entretien téléphonique, qui était tout à fait positif. Et qui au final m’a permis d’avoir une proposition pour obtenir une mobilité interne qui correspond au final à ce que je souhaite. Enfin qui répond en tout cas à mes critères, avec des gens qui m’ont fait vraiment l’amitié, eux directement de me proposer, on a travaillé ensemble quelques mois, on a eu des moments plus ou moins compliqués, on a travaillé sur des gros incidents donc bon on voit comment tu travailles et comment cela réagit, cela correspond avec l’équipe, les gens qui la composent, allons-y ! Sauf qu’à ce moment-là, ça c’est en juillet, le poste n’était pas créé, ça c’était ma grosse inquiétude. Donc j’ai eu peur que cela fasse comme avec la partie Admin, en me disant eh bien non on ne pourra pas créer le poste, je leur ai dit pour moi je reste en stand-by pour le moment, il ne se passe rien, si vous pouvez créer le poste tant mieux, et une fois qu’il sera créé et bien voulu me communiquer les coordonnées et moi je postule officiellement. Mais par contre je tenais à ce moment-là que cela se fasse, enfin que leur demande soit complètement décorée les deux mon projet. Je voulais qu’il fasse la démarche de création de poste sans citer mon nom, pour que d’une façon ou d’une autre pour ne pas biaiser les échanges aussi bien avec les RH qu’avec la direction.

CFTC : d’accord

Julien : et donc, trois semaines plus tard le poste a été créé. Fin juillet j’ai pu postuler, postuler c’était juste un courriel auprès des RH en disant je postule à cette JR, je vous donne le numéro, ils ont de suite envoyée la fiche de poste auprès du médecin du travail pour demander une pré validation, est-ce que ce job correspond à vos préconisations par rapport à Julien ? Ce que vous acceptez le poste oui ou non ? Ils ont répondu OK. Et donc sur ce j’ai décidé en accord avec mon médecin, par rapport à l’opportunité que j’avais de reprendre le travail et l’avancement, globalement de mon cheminement, il était temps de tenter la reprise, et donc de mettre fin à mon arrêt pour ce vendredi et faire la reprise dans cette nouvelle équipe.

CFTC : d’accord. Tout ça est plutôt positif.

Julien : c’est positif, c’est une porte qui s’est ouverte quasiment au dernier moment, sans forcément volonté de chercher à ce qu’elle se présente, elle s’est littéralement offerte à moi et c’était le bon moment. Mais parce que cela correspondait à mon projet, voilà, c’est ça le truc, c’est que en fait je ne suis jamais sorti du fait de dire je ne me vois pas partir de la société, voilà, je sais qu’il y a suffisamment de bonnes choses, et malgré tout pour pouvoir continuer, je ne suis pas arrivé au point de rupture en me disant je ne me reconnais plus dans cette entreprise et je ne veux plus travailler avec elle. Cela n’a jamais été mon propos, j’ai toujours espéré une solution, depuis le premier jour de mon arrêt, pour pouvoir réussir à continuer et à rebondir de cette manière-là. Tout simplement.

CFTC : je creuse un tout petit peu, est-ce que déjà, à quel moment tu as su avec ton médecin, j’imagine que c’est quelque chose que vous discutiez ensemble, à quel moment que tu as su que tu étais prêt à revenir ?

Julien : je continue de travailler sur la partie psychothérapie, parce que en fait tu as le côté pelotes de laine et que en tirant une chose qui en a d’autres qui viennent, qui ne sont pas forcément liés à 100 % avec le travail mais malgré tout cela permet de faire un travail de fond par rapport à cette problématique de remise en route après un épuisement professionnel. Donc je continue ce travail-là. Et avec le médecin, avec le médecin cela s’est fait progressivement, c’est-à-dire que, je te disais, il y avait le fait de dire, d’accepter l’arrêt, de ne pas demander de revenir alors que cela n’est pas nécessaire, d’être capable de lui prouver que tu es capable de réaliser à nouveau des projets personnels. Retrouvez la maniaque, que les résultats médicaux soient bons, évidemment. Et puis que tu puisses à nouveau justifier du fait d’un petit peu te battre. C’est-à-dire que lui a changé les échanges avec la médecine du travail, la CPA aime, et autres, et j’étais capable de lui justifier de quelle façon je commençais à me projeter et au fait d’être capable de se battre, parce que finalement il n’y a pas que la pure évaluation médicale, on va dire dans le sens quasiment empirique et médicamenteux du terme, il prend compte aussi la santé mentale et de ce que lui en perçoit aussi. Et donc à partir du moment où tu as un projet qui lui semble plus solide, que tu arrives à te battre, que tu lui dis pas A+ B que tu as fait, que tu as initié telle démarche et que tu as telle ou telle proposition qui arrive, car il y a ça aussi c’est-à-dire que ce n’est pas juste l’histoire que je raconte, j’ai discuté avec des gens qui me font une proposition, qui la réalisent de leur côté, et moi je rebondis, voilà, les échanges se font, et personne ne fait défaut aux autres si tu veux. On arrive à aboutir complètement, moi j’arrive à un moment un rendez-vous avec mon docteur, je dis oui Docteur j’ai une proposition de poste, le poste a été créé, j’ai postulé, j’ai eu un retour positif, voilà, il me demande maintenant de me projeter sur une date de retour. Qu’est-ce que vous en pensez ? Et donc c’est à l’issue de toute cette démarche-là, que tu arrives à te mettre d’accord avec lui en disant voilà on se projette là, et on tente. Mais après il y a aussi le côté, le côté pari, à un moment il faut aussi se jeter à l’eau, et aussi bien pour lui que pour moi, cela nous semblait, enfin, tout semblait concorder à ce moment-là. Donc c’est pour ça, je [] j’ai communiqué mes dates que à partir du moment où je les avais vraiment validés avec le médecin. Parce que j’avais bien en tête le fait que à aucun autre moment avant j’ai eu son accord sur une période de reprise, et encore moins sur une date. C’est-à-dire que à chaque fois que je lui ai dit Docteur j’aimerais reprendre, il me dit non. Au début il me disait clairement non, et après il me disait écouter, on avance mais le temps n’est pas venu. Voilà et donc je sentais que lui aussi avançait progressivement au fait de m’amener vers la question de la reprise à proprement parler. Mais c’est aussi dans notre échange quelque chose qui est venu progressivement.

CFTC : je comprends Julien. Tu l’as un peu évoqué tout à l’heure, tu me dis il faut savoir se jeter à l’eau, il y a toujours un risque, comment as-tu l’impression que tu es mieux armé pour que l’accident survienne à nouveau ?

Julien : alors plusieurs choses : deux choses pour vraiment simplifier. La première en fait tu as, dans le travail psychologique tu fais, il y a le fait de dire cette situation-là [silence] tu savais que cela existait, c’est un terme l’épuisement professionnel, tu en as entendu parler, tu ne peux pas vraiment savoir que cela existe tant que tu ne l’as pas vécu soi-même, c’est souvent ce que l’on dit tu as besoin de vivre les choses, de sa propre expérience pour pouvoir les comprendre. Il y a cet aspect-là. Et à travers ça, il y a le petit côté pilule rouge pilule bleu, c’est-à-dire à l’avant et l’après. Alors moi c’est mon ressenti, j’ai vraiment la sensation de le vivre comme un avant et un après. C’est-à-dire que je n’aborde plus du tout ma question de la relation professionnelle et de tous les aspects avec l’équilibre familial de la même façon. Je le vis vraiment, c’est comme une, ce n’est pas physique, c’est comme si tu avais une cicatrice au bras ou à la jambe, tu as réussi à te remettre, mais tu-là revois toujours, elle se rappelle à toi, et tu ne peux plus considérer les choses de la même façon. C’est comme une prise de conscience quelque part, quelque chose que tu ne considérais pas, tu découvres une nouvelle dimension [] des choses, et tu te dis, voilà, maintenant je sais que cela existe, c’est ça la différence. Alors est-ce que c’est suffisant pour s’en prémunir, il y a que le temps qui permettra de vraiment le dire. Mais en tout cas c’est comme ça que je le vis. Voilà. Il y a ce côté-là. Maintenant il faut faire attention et pour avoir l’occasion, parce que du coup j’ai eu l’occasion de discuter avec d’autres personnes qui étaient passées par là, et c’était vraiment toute ce qu’elle me redisait, tu développes une autre sensibilité et tu es capable de beaucoup plus facilement le détecter pour toi lorsque tu es en zone de surchauffe, et visiblement c’est vrai pour toi et aussi chez les autres. Tu arrives à te rendre compte, tu développes une autre sensibilité et tu te rends compte aussi chez les autres, attention là cela ne va pas. Et donc voilà, je compte là-dessus, et quelque part je le revendique aussi, parce que moi je ne veux pas oublier, c’est ça, c’est ça le truc, je veux vraiment regarder ça présent pour être capable entre guillemets d’éviter les pièges. Donc quelque part l’espoir d’avoir cette sensibilité qui t’aide à éviter de répéter les erreurs du passé, c’est le premier point. Et le deuxième, et c’est ça qui a fait la différence, c’est la confiance [silence] dans l’équipe qui accueille. C’est-à-dire je n’ai pas eu énormément d’échanges, tu vois, mais le N+2 c’est un des seuls qui a véritablement fait un écrit pour dire de façon claire, voilà, il faut arrêter de déconner, il y a un problème. Il ne nomme, il le dit, et par écrit il me fait l’amitié de m’expliquer que à titre personnel c’est aussi quelque chose qu’il a vécu, voilà, je me suis dit ces deux petites phrases, mais ce n’est pas anodin. Et je me dis bon, on s’est compris. Tu vois ? C’est peut-être un peu court en substance, mais la confiance y est, parce que quelque part en plus de ça, il me faut la confiance de me proposer un poste, c’est-à-dire à l’aveugle, il me dise et bien écoute bien chez nous, on te propose un poste, et on sait d’avance par rapport à l’expérience passée avec les membres de l’équipe que cela va le faire.

CFTC : oui, je vois ce que tu veux dire, la dimension tu évoques est très important.

Julien : et c’est pour ça, que partir tête baissée sur une offre dont tu ne connais rien, tu ne connais pas les gens, en fait le problème il est là, il est purement humain. Je vais être un peu vulgaire, et ce n’est pas trop Corporate, mais parfois tu peux presque considérer le travail comme un prétexte à l’activité. C’est-à-dire que moi je revois sur mon parcours j’ai eu l’occasion de changer de poste. Et des fois pourquoi, parce que l’opportunité s’est présentée là. Sans forcément le fait de dire je voulais absolument faire ça. J’ai une proposition, et bien je trouve ça intéressant, je dis banco, parfois c’est un pari, tu as de porte, et bien tu en choisis une. Et tu y va, et simplement tu as fait ce choix parce qu’il s’est présenté à toi. Et typiquement tu vois le fait d’être Admin, on m’a proposé le poste, et je n’ai pas forcément le projet de devenir Admin, mais j’avais le projet d’avoir une activité de production dans une équipe où je pouvais avoir une activité transverse sur différents scope fonctionnel de l’entreprise, tu vois ? C’est un peu plus l’essence des choses que vraiment ce qu’il est décrit magiquement. Et c’est ça que j’ai retrouvé dans cette équipe-là. Je me suis dit ça colle parce que les appétences personnelles et puis également humaines, parce que malgré tout c’est ce que je te disais, j’ai toujours attaché de l’importance à connaître les gens, à être intéressé à ce qu’ils sont, à ce qu’ils font, à faire en sorte que cela se passe bien avec eux, qu’ils soient bien en bossant avec moi, je ne m’intéressais pas de savoir si toi tu es développeur, toi tu es responsable d’application ou autre. Enfin, l’activité des gens ne les définit pas forcément personnellement. Il y a ça aussi derrière, derrière tout ça. Et donc [] tout ça ça collait. Mais j’avais besoin moi personnellement de retrouver également cette dimension humaine, et de confiance en me disant finalement peu importe quelque part l’activité qui sera faite derrière, de toute façon je l’ai déjà faite en bonne partie, j’ai une idée précise de ce qui est le poste, même si je n’ai pas vu de l’exhaustivité de son périmètre, mais je connais suffisamment bien activité et surtout les gens avec qui je vais être amené à l’affaire, pour savoir que cela collera dans les deux sens.

CFTC : d’accord. Très intéressant. Je continue car il y a quelque chose que tu as évoqué et qui m’intéresse beaucoup, tu as parlé d’une cicatrice, c’était métaphorique, mais quand même, je voudrais savoir s’il y a des séquelles finalement suite à ton accident à la fois physique, un peu à la manière de quelqu’un qui se casserait le bras, qui même si l’eau se ressoudait et bien il y a toujours des difficultés à bouger le bras parce que voilà il a été cassé, est-ce qu’il y a des séquelles de cet ordre-là ? Et de la même manière tu as l’impression que cela va avoir des conséquences sur ta vie professionnelle en termes de carrière par exemple ? Est-ce que tu penses que cette lucidité que tu as gagnée sur l’organisation, sur les rives de l’organisation, est-ce que tu as tu as l’impression que cela pourrait te nuire par rapport à ta carrière ?

Julien : d’accord. Sur le premier aspect, j’espère, en termes de vraiment de séquelles, de capacité à faire, sur mes compétences intellectuelles et physiques, en tant qu’individu, j’espère que non. En tout cas il n’en a pas été question avec le médecin, ni avec la psychologue. Alors il se trouve que à ce moment-là j’ai eu quelques soucis, enfin j’ai été amené à changer de traitement par rapport à mon problème d’hypertension, les traitements non plus fait effet et autres, donc j’ai été amené à changer, aujourd’hui ça va. Je ne sais pas s’il y a un lien de relation ou pas. Toujours est-il que c’est tombé pile poil au même moment. Mais s’est stabilisé maintenant pour moi. Et donc [silence] en fait je n’espère pas. La vérité c’est que cela va faire 10 mois que je ne suis plus en activité, et donc je me demande moi-même si j’ai toujours bien la capacité de refaire tout ce que j’étais capable de faire. Alors je pense que c’est plus entre guillemets la crainte après une grosse pause, quelque chose que tu n’as pas fait depuis longtemps, qui me fait dire ça, parce que concrètement je n’ai rien qui me permets de justifier ma confiance, cela va surtout être le fait d’être capable de reprendre l’activité et puis quelque part simplement de se retrouver et de se prouver que l’on peut relancer la machine et que cela va le faire, ça c’est simplement le fait de passer le pas. De passer le pas. Là où peut-être cela peut avoir pour moi un impact au niveau de ma carrière, c’est que, cette situation je la vois comme quelque chose qui m’a permis de remettre toutes les priorités en place. Je n’ai pas peur de le dire, ma priorité reste ma famille. J’ai été amené à faire des choix, professionnellement à accepter des propositions en me disant moi cela me plaît, je prends, et je verrai, enfin, à la maison cela s’adaptera, d’accord, en disant eh bien voilà finalement je fais quand même passer mon boulot d’abord et je ferai en sorte que cela se passe bien sur les autres plans, je ne ferai plus ça maintenant. Je ne ferai plus ça. Je m’assurerai que c’est d’abord bon pour la situation personnelle et familiale avant d’avancer sur la partie professionnelle. Qui a refusé des choses. Vision que je n’avais pas auparavant. Donc peut-être en sa je serais peut-être à l’avenir amené à soi le lever le pied ou refuser des choses que je n’aurais pas été capable de refuser avant. Et d’y aller et de dire on n’y va et dans tous les cas on trouvera une solution. Eh bien non ! Maintenant je sais que « bonsaï on y va ! dans tous les cas ça ira », et bien non ! Il y a des cas où il peut y avoir des sorties de route et cela peut faire de la casse, je sais que c’est possible. Peut-être effectivement plus de prudence qui fait que certaines portes se refermeront à l’avenir, mais ce sera quelque chose fait de manière plus conscience que ce n’était le cas auparavant. Peut-être un peu moins d’instinct, et plus de prudence. Mais comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide, c’est ni plus ni moins ça, transcrit dans le cadre professionnel. Voilà. Après je ne pense pas le bois dont l’on est fait, donc si quelqu’un a une appétence particulière pour son travail, si tu apprécies de le faire, et de bien me faire, voilà je pense que cela ne changera pas, mais par contre pas au prix de se mettre quelque part soi-même en danger, et puis tout ce qu’il y a derrière.

CFTC : j’ai encore des petites questions, là c’est peut-être personnel, c’est une parenthèse, cela déborde un peu, est-ce que quand même au niveau de ton couple, vous interprétez la dépression de ta femme comme finalement une conséquence de ton sur travail et du fait que tu as mis un peu de côté ta vie personnelle pendant plusieurs mois ? Est-ce que c’est une lecture que vous faites de tout ce qui vous est arrivé ?

Julien : alors oui. Pas de manière aussi absolue que ça, c’est-à-dire je ne peux pas considérer que ma situation explique à elle seule ce qui arrive à ma femme, mais cela a clairement été [] des circonstances aggravantes par rapport à sa situation, surtout sur les derniers mois. Je sais que voilà, enfin, a posteriori j’ai su qu’elle avait fait le choix clairement de prendre sur elle, parce qu’elle avait compris avant moi que je n’étais plus capable de gérer certains aspects de la vie familiale, sans m’en parler elle a pris le relais. Tout simplement parce que je n’étais plus capable de répondre à ce moment-là mais c’est quelque chose qui a été entre guillemets verbalisés vraiment a posteriori en tout cas pour moi, même si elle l’avait conscientisé bien avant.

CFTC : c’est intéressant. On voit comment une organisation du travail toxique met en danger à la fois le salarié mais aussi toute sa famille.

Julien : oui. Moi je le vois, on parle souvent de piliers, de piliers dans la vie, il y a un plateau avec le pilier travail, le pilier famille, le pilier santé, voilà, et c’est vrai que dès lors il en a un qui tombe, cela tient forcément sur les autres.

CFTC : oui je comprends, c’est très intéressant. Je termine par une autre petite question, tu l’as évoqué tout à l’heure, tu disais c’est tout de même très difficile finalement de comprendre tout ce que tu vas me dire sans passer par la case accident. Il y a vraiment à côté il faut le vivre pour comprendre tout ça, et pour un peu. Malgré tout ça [hésitation] comment peut-on aider les salariés à tirer quelque chose de tout ton expérience pour éviter finalement qu’ils aient à vivre ce que tu as vécu tout en comprenant différentes petites choses et pour mieux se protéger est-ce que c’est quand même possible de dire quelque chose ?

Julien : [silence] alors moi j’ai commencé, bizarrement [silence] en tout cas a posteriori [silence] là où j’aurais pu m’arrêter c’est à partir du moment, donc forcément tu te poses des questions, tu comprends qu’il t’arrive quelque chose, mais tu ne sais pas trop quoi, tout le reste de ma carrière, j’oscillai entre les questions qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce que je n’aime pas ? C’est-à-dire, c’était vraiment par rapport ma relation à ce que je fais, ça te plaît cela ne te plaît pas. Hélas pour la première fois je me suis trouvé dans une situation où je suis amené à me questionner non pas sur ce que j’aime, mais sur qui jette. C’est-à-dire que quand j’étais vraiment sur la pure partie [hésitation] de chef de projet, j’ai été amené à me questionner sur le fait de me demander si ce que je faisais étais en accord avec quelque part mes valeurs. Et en plus du contexte où j’étais, vraiment les questions autour de la cadence du travail, il y avait le fait de dire, qui il y avait quelque chose qui collait pas par rapport à tous les échanges avec les clients, où il y avait malgré tout, on peut le dire, peut-être un aspect un peu déshumanisé, le fait que on travaillait, c’était des équipes qui s’appuient sur d’autres ainsi de suite, juste au fait de devoir solliciter des gens qui travaillent pour nous quasiment à l’autre bout du monde, et bien pourquoi ? Finalement parce que c’est moins cher. Et donc je pense que à partir du moment où on est amené à se questionner de cette façon-là, que le questionnement par rapport à la relation au travail commence à changer, je pense qu’en soi c’est déjà une forme d’alerte.

CFTC : je comprends Julien un symptôme

Julien : par rapport au fait d’être capable soi-même de se dire attention, là il commence potentiellement, il peut y avoir problème. Voilà. En vrai c’est spécifique à mon cas, je n’en fais pas une généralité, mais je dis juste que pour la première fois j’étais amené à me questionner là-dessus alors que cela n’a jamais été le cas auparavant.

CFTC : je comprendrais que c’est très intéressant.

Julien : tu as ça. Après, qu’est-ce que l’on peut faire ? [Silence] j’ai envie de dire, une chose bête, mais simplement écouter les gens. Dans le sens où pendant l’arrêt, bon, il y avait, pour ma part, je te disais le fait d’être complètement isolé, cela faisait partie du processus de guérison. Mais à partir du moment où tu as une volonté de rétablir le contact, d’avoir une réponse, et une réponse bienveillante, comme je te disais finalement, la seule chose à laquelle, je dis la seule chose, c’est une façon de dire, finalement je me suis retrouvé à attacher énormément d’importance aux échanges que je pouvais avoir avec Amandine parce que c’était la seule personne qui est réellement me répondait, avec qui je pouvais avoir un échange, même s’il n’y avait pas de réponse à mes questions, même elle n’avait pas de possibilité de me dire ce qui allait se passer, quand j’étais inquiet et que j’envoyais des appels, que je devais rédiger des choses, elle me répondait toujours, si tu veux. , Mais je n’ai pas dire le côté baby-sitting, c’est pas ça, mais si tu veux le côté accompagnement psychologique, le fait d’avoir simplement quelqu’un qui écoute et qui réellement interagit avec toi, qui n’a pas les réponses, mais qui simplement et très à écouter, discuter et réellement échangé, à la différence des échanges que j’ai pu avoir avec les RH, qui était purement factuel, tu vois, ils m’ont répondu que à partir du moment où il n’y avait plus possibilité de faire autrement parce que certainement ils allaient être pris à défaut légalement parlant, peut-être parce que je commençais à faire des écrits et ce genre de choses. Mais voilà, il n’y avait pas [hésitation] même ces échanges-là étaient déshumanisés, ils le faisaient car ils faisaient leurs boulots. Mais malgré tout dans ressources humaines il y a humain, et moi j’ai eu juste l’impression de me retrouver comme une bille parmi tant d’autres. Il y avait une nécessité de répondre, il fallait une réponse. Et même par rapport au processus de mobilité quand je me suis retrouvé à postuler, le poste il ne me l’avait pas communiqué dans la liste des postes disponibles, car il est arrivé avant même d’avoir été officiellement ouvert. Ce qui fait qu’en définitive il y aurait eu absolument aucun échange avec les RH hormis celui de me dire il n’y a pas de possibilité de bouger, c’était le même résultat. Parce que aucun des supports qu’ils m’ont donnés ne m’ont été utiles, il n’y a pas eu d’accompagnement, et voilà, il n’y a pas cet aspect humain, cet aspect d’écoute, qu’est-ce que l’on peut faire pour trouver une solution etc. comme cette histoire de responsabilité, on sent vraiment que c’est le discours peut-être quelque part de la [] direction dans le fait de dire de toute façon il faut minimiser au maximum la responsabilité de l’entreprise, et considérer qu’elle puisse exister d’une façon ou d’une autre.

CFTC : tout à fait.

Julien : juste cet échange là, ce n’est pas forcément énorme, mais je me suis retrouvé à l’avoir vraiment comme une seule bouée et comme le seul lien qui me rattachait pendant ce temps à l’entreprise.

CFTC : oui c’est très important.

Julien : cela fait le pont avec tout ce qu’il y a derrière. Parce que tu n’as pas la force toi-même de prendre contact avec les différents membres de la CSSCT et puis tu sais ce, et de communiquer des pièces aux ans et aux autres, tu attends le retour etc. d’avoir quelqu’un qui pouvait faire ce travail de synchronisation et puis simplement de te dire un peu qu’elle était son sentiment par rapport à ce qui se passait, et bien cela résout rien en tant que telle mais cela t’apporte le réconfort et puis juste l’échange avec une personne plutôt que d’échanger simplement avec une boîte vocale quelque part.

CFTC : tout à fait. Merci beaucoup, c’est très intéressant et très riche. Je te remercie d’avoir accepté d’échanger avec moi.

Julien : pour conclure, j’ai quand même un énorme regret dans cette affaire-là, qui est l’accompagnement avec les RH. Parce qu’en définitive, ils ont brillé par la difficulté à échanger avec eux et aussi leur absence. Une autre anecdote, tu ne vas peut-être pas me croire, un exemple tout bête de la difficulté : ils n’ont pas été capables de me déclarer auprès de la CPAM pour la prise en compte des indemnités journalières du mois de mai jusqu’au mois d’août. J’ai résolument mon problème tout seul avec ADP. C’est un problème de flux d’informations, d’attestation de salaire à communiquer, et cela n’a pas été fait. Ils se sont rendus compte en juillet que cela n’était pas passé, il fallait le gérer de manière plus ou moins urgente, et en définitive ils n’ont rien fait. Et j’ai fini par contacter moi ADP pour me rendre compte qu’en définitive il n’y avait aucun ticket il n’y avait rien de créer chez eux et que j’ai dû faire le lien directement entre eux et la CPAM pour gérer mon cas. Alors que je considérais que ce n’était pas mon travail.

CFTC : tout à fait, ce n’est pas ton travail normalement.

Julien : et c’est pour moi juste un, comment dire ? Quelque chose qui illustre vraiment le manque de considération, de responsabilité, je ne sais pas comment le dire, je ne cherche pas à les attaquer en tant que personne, que de structures, je dis juste vis-à-vis de la personne qui se trouve dans ma situation, arrêté, c’est [hésitation] c’est quelque chose de vraiment violent.

CFTC : je peux imaginer.

Julien : voilà, c’est qu’un exemple, mais voilà c’était juste pour illustrer un peu plus le propos.

CFTC : merci beaucoup Julien, je suis désolé, je t’amène ça un peu en vitesse.

Julien : merci à toi, et pour le temps que tu m’as consacré.

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