Worldline, Géant Agile ou d’Argile ? Partie 8

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Vous lisez le huitième article de notre série « Worldline, Géant Agile ou d’Argile ». Retrouvez tous les articles ici.

À la différence des épisodes précédents qui synthétisent des tendances technologiques, organisationnelles et sociétales, pour en tirer des conclusions, les deux derniers articles de cette série se voudront plus spéculatifs, et sont donc susceptibles de se prêter plus largement à l’erreur d’appréciation.
N’hésitez donc pas à partager vos propre réflexions sur ces sujets dans la partie commentaires afin d’enrichir notre discussion.

L’épisode précédent montrait à l’aide de l’exemple d’une société très connue, comment l’ensemble des concepts couverts depuis le début de cette série, s’articulaient pour laisser émerger une vision de l’entreprise, culturellement aux antipodes des contextes culturels produits jusqu’alors par les entreprises du 20ème siècle.

Ainsi les modèles cognitifs que nous avons décrits (l’entreprise en tant que mécanique, la vision gaussienne de la performance, la conception élitiste du talent, etc…) hypothèquent la capacité des entreprises à mener les nécessaires vagues de transformation numérique sans lesquelles il n’est pas possible pour une entreprise du digital et à fortiori pour une fintech, d’exister et de prospérer dans un monde où les nouveaux écosystèmes digitaux faits de “marketplaces” et de plateformes (aussi bien B2C que B2B) deviennent prépondérants(1).

En parallèle de ces fortes mutations des marchés, nous avons vu que plusieurs technologies cognitives à très fort potentiel disruptif, arrivent à maturité(2).

Les IA génératives et en particulier les “Large Language Models” (LLMs), qui ont bénéficié des progrès fulgurants de l’apprentissage automatisé (ML – machine learning) et du traitement des langages naturels (NLP – natural language processing), esquissent les contours d’une bascule paradigmatique d’une ampleur rarement observée dans le monde du travail.

Ces technologies cognitives se répandent bien plus vite qu’ont pu le faire les Smartphones, Internet et avant ceux-ci, les PC. Et elles apparaissent sur une planète déjà hyperconnectée et dont les économies s’organisent de façon croissante en écosystèmes digitaux de plus en plus complexes et enchevêtrés les uns aux autres.
La vitesse de propagation de l’onde de choc à prévoir, promet donc déjà de battre des records.
Bien malin qui pourra en prédire les conséquences réelles, mais comme nous l’avons abordé en partie 3 de cette série, les organisations qui sont déjà très avancées dans leurs différentes vagues de transformation digitale, sont sans aucun doute en lice pour prendre la tête de cette révolution ainsi que pour en tirer le meilleur parti. L’écart considérable qu’elles avaient déjà creusé avec les entreprises à la traine, menace donc d’atteindre des proportions infranchissables pour ces dernières.

Travail en miette

De manière assez préoccupante, ces technologies promettent de renforcer des tendances qui s’affirment résolument depuis la conversion de plusieurs branches de l’économie aux principes des grandes plateformes digitales, à savoir, pour certains types de métiers, l’émiettement du travail en micro-tâches exemptes de la moindre parcelle de sens.
Il faut retenir que les technologies dont il est question, s’appuient sur de gigantesques quantités de données.

Les CAPTCHAs (Completely Automated Public Turing test to tell Computers and Humans Apart) fournissent un bon exemple pour nous aider à comprendre ce dont il est question.
Sans le savoir, dans le but de confirmer qu’ils n’étaient pas des robots, des centaines de millions d’humains ont pendant des années, entrainé des machines à reconnaitre sur des images numérisées (en réalité une suite de 0 et de 1 – la seule façon dont les machines “se représentent” notre réalité visuelle), des feux de signalisation, des types de véhicules, des passages cloutés, etc….
Il s’agissait en fait “d’entrainer” l’intelligence des futurs véhicules sans chauffeur en produisant de gigantesques quantités de données permettant aux algorithmes sous-jacents la reconnaissance des formes pertinentes à la conduite sur route. De la même façon des tonnes de données ont pu être produites pour entrainer les machines à la reconnaissance de caractères et à celle d’autres types de représentations visuelles. Et ce jusqu’à ce que les machines surpassent les humains.

Ces modèles d’apprentissage servent déjà de principe présidant à la fragmentation du travail en microtâches, autrement appelé “travail au click”ou microtravail. Il existe déjà des dizaines de plateformes proposant à des hordes de microtravailleurs, des tâches payées à la durée, pour des rémunérations défiant toute convoitise. Vous pourrez, pour vous en rendre compte, essayer le site Clickworker afin de vous familiariser avec ce futur dystopique.

Ainsi par exemple, ChatGPT a été entrainé à détecter les contenus toxiques en utilisant des microtravailleurs kenyans qui ont produit les tonnes de données nécessaires à la discrimination automatique de certains types de contenu. Comme dans le cas des CAPTCHA, l’IA dans ce domaine, finira si ce n’est déjà fait, par dépasser l’humain.

Ce principe général esquisse le schéma selon lequel des millions d’humains vont progressivement être privés de leur identité professionnelle en perdant la compréhension du sens de leur travail. En l’occurrence, les chaines de valeur de l’information, seront progressivement orchestrées par des IAs qui sous-traiteront de façon pragmatique des microtâches nécessitant peu de qualifications, à des humains privés de tout contexte et payés au lance-pierre (concurrence globale oblige), le temps que la quantité de données produite suffise pour s’en passer totalement.

Ce processus qui prendra quelques années, absorbera progressivement, microtâche après microtâche, la quasi-totalité des chaines de valeurs des métiers consistant à traiter, qualifier, analyser de la donnée, exercer un discernement et exécuter des processus simples.

Il est donc important pour tous les travailleurs de déterminer si les métiers qu’ils exercent se trouvent ou non sur le passage de ce rouleau compresseur.

Pression sur les salaires

Le deuxième phénomène porteur de risques potentiels pour beaucoup de travailleurs dits ” de la connaissance”, est ce que l’on appelle “l’augmentation”. Ainsi par exemple, pour des métiers nécessitant des compétences évoluées (développement logiciel, marketing, communication et une pléthore d’autres), les outils existent déjà permettant d’augmenter la productivité avec une qualité de livrables suffisamment bonne. Les personnes utilisant l’intelligence artificielle, produiront donc en principe plus de valeur pour leur entreprise, diminuant au passage, le besoin en force de travail humain, ce qui se traduira probablement par une pression à la baisse sur les salaires pour certains des métiers concernés.

Paradoxe de Jevons

Toutefois il reste difficile de prévoir les effets à longs termes de ces développements sur l’avenir du travail. Une récente étude britannique montre que pour une partie des entreprises ayant commencé à tirer profit de ces technologies, l’impact global sur la création d’emplois est jugé positif, de même que l’impact sur les compétences et sur la qualité du travail.

Il semblerait donc que pour le moment, le paradoxe de Jevons se vérifie à nouveau, bien qu’il soit encore très tôt pour l’affirmer. Celui-ci stipule que contre toute attente, la consommation totale d’une ressource peut augmenter au lieu de diminuer quand des améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle elle est employée. Ainsi par exemple l’invention du tableur qui a démultiplié la productivité dans les métiers de la finance et de la comptabilité aurait pu laisser redouter la destruction de l’emploi dans ces secteurs. C’est pourtant l’inverse qui s’est passé.

Supposer que le paradoxe de Jevons serait encore à l’œuvre avec cette nouvelle émergence semble faire sens si nous acceptons l’idée que l’augmentation d’efficience provoquera une accélération rapidement génératrice de nouveaux besoins d’un ordre de complexité supérieur.

 Quoi qu’il en soit, les deux tendances décrites semblent aller dans la direction d’un monde du travail de plus en plus polarisé entre deux populations de travailleurs, d’une part celui des microtravailleurs réalisant des microtâches en vue d’entrainer les Intelligences Artificielles et/ou de compenser leurs lacunes, et celui des travailleurs non plus du savoir, mais de l’intelligence et de la complexité, évoluant dans un environnement systémique, aux règles radicalement nouvelles et dans lequel la compétence et la collaboration prennent un nouveau visage.

Certaines catégories de compétences fortement liées à l’expérience et, comme nous l’avons vu en partie 7, aux stades de développement de la personnalité adulte, vont se révéler encore plus primordiales qu’elles ne l’étaient jusqu’alors. C’est ce nouveau monde que nous allons essayer d’entrevoir. 

Retour au réel
Avant de continuer, et afin de nuancer nos propos, une petite mise en garde s’impose concernant l’état de l’intelligence artificielle générative.
Si cette technologie ne parvient pas à un niveau de fiabilité minimum, alors l’efficacité et l’efficience qu’elle promet d’offrir ne seront pas d’un grand secours dans l’automatisation de certains segments de l’activité humaine. Ainsi par exemple, cette anecdote montre comment un juriste imprudent a été induit en erreur par ChatGPT qui a littéralement inventé 6 jurisprudences.
Ce genre de cas semble montrer que si l’IA générative peut sans doute assister le travail des humains de façon assez exceptionnelle, il pourrait être risqué de lui confier des pouvoirs décisionnels. Il est donc probable qu’il faille attendre encore que les initiatives du type “IA explicable” gagnent en maturité avant d’espérer pour certains domaines de l’activité humaine, pouvoir confier à ces technologies les clefs du royaume.
Nous n’aborderons pas ici les énormes problèmes de sécurité potentiels liés à ces nouvelles technologies pour lesquels l’entrainement des modèles nécessitera le recours à des partenaires/fournisseurs de confiance, très spécialisés.

Notre deuxième mise en garde sera relative à la complexité des entreprises. Il existe à n’en pas douter, un fossé conséquent entre les étourdissantes perspectives ouvertes par les démos d’une technologie dont le pouvoir transformateur s’empare immédiatement de l’imagination, et ce qu’une entreprise typique actuelle peut vraiment en faire.
Si nous considérons qu’une telle entreprise utilise des dizaines, voire pour certaines, des centaines de logiciels différents lui permettant de mener à bien ses nombreuses missions, il n’est pas difficile d’entrevoir la difficulté qu’il y aurait à tenter d’émuler certaines des fonctions cognitives avancées des salariés. La question de la gestion des accès et de la sécurité des données pourrait à elle seule donner le tournis.
On pourrait être tenté, afin de tirer parti de ces technologies transformatives, de construire des surcouches technologiques en vue de robotiser une grande partie des cas d’usages de ces différentes applications (via des outils de type RPA couplé à de l’IA – Robotic Process Automation par exemple). Cette approche est cependant à utiliser avec circonspection du fait des très grosses dépendances inter-couches qu’elle entrainerait, ajoutant à une complexité déjà inhérente, et compromettant en grande partie les chances d’agilité des systèmes (maintenabilité et évolutivité à des coûts acceptables et à la vitesse nécessaire).

Il existe donc ici un double piège: ne rien faire ferait prendre du retard, tandis qu’adopter une approche consistant à gagner coûte-que-coûte en productivité (la fameuse approche “low-hanging fruit”, chère aux adorateurs de la feuille Excel) sans planifier les changements structuraux nécessaires au long terme, enfermerait les imprudents qui s’y hasarderaient avec un enthousiasme par trop débordant, dans l’impasse d’une perte d’agilité difficilement réversible.
L’automatisation cognitive dans le haut de la pile des outils est certainement souhaitable, mais le véritable potentiel transformatif d’une organisation, se situe dans l’urbanisation même des processus opérationnels et là, le travail sera très conséquent à moins que les vagues de transformation digitale nécessaires aient déjà eu lieu.
La courbe d’adoption du Cloud est à ce titre, riche d’enseignements. Ainsi, malgré des gains opérationnels et financiers théoriquement substantiels, la distance de la coupe aux lèvres s’avère résolument infranchissable pour beaucoup d’entreprises du digital “legacy”.

Il faudra donc pour les entreprises à la traine, faire usage à la fois de stratégie, de discernement et de pragmatisme dans le panachage des approches à mettre en œuvre.

L’âge entrepreneurial

“La quatrième révolution industrielle verra tous les employés devenir créateurs de valeur et entrepreneurs. C’est la condition de base pour en faire partieZhang Ruimin. PDG de Haier

Les technologies de rupture à large spectre (Internet, Cloud Computing, Smartphone, Intelligence Artificielle, blockchain, etc..) ne sont pas de simples outils. Elles remettent ou ont déjà remis en question les structures existantes, les modèles d’affaires, ainsi que les normes culturelles. Leur potentiel pour remodeler la façon dont nous vivons, travaillons, apprenons, nous divertissons et interagissons les uns avec les autres, est gigantesque.
Certains observateurs avaient, lors de l’avènement de la société de consommation dans les années 50 et 60, parlé de rupture anthropologique (changements de modes de vie, des valeurs et des interactions sociales). Nous nous situons clairement à nouveau face à un tel point de bascule.

Et même s’il est difficile de prévoir la nature et l’allure du changement qui surviendra dans les deux à dix années à venir, un simple examen des tendances des quinze dernières années, nous fournit une bonne idée de la violence de la vague à venir, et ce d’autant plus que comme nous l’avons vu, nous avons vraisemblablement atteint la phase exponentielle du développement des technologies digitales et des effervescents écosystèmes qu’elle produit. 

Nous vivons désormais dans un monde où tout est connecté, mobile, instantané, de plus en plus dé-intermédiatisé ainsi que dérégulé et désormais, augmenté.

Un nouveau phénomène est de ce fait, à anticiper : celui de l’égalisation des capacités d’excellence et d’efficience. Cette tendance à la démocratisation avait commencé avec l’open source, qui avait fait baisser le ticket d’entrée pour des milliers d’entrepreneurs n’ayant plus à concéder les coûts exorbitants de certaines licences logicielles. Elle s’est ensuite prolongée avec le Cloud qui, avec son modèle “Pay-As-You-Go”, a de nouveau abaissé le prix du ticket d’entrée de milliers de startups en minimisant aussi bien leur besoin en capital de départ que la majeure partie des difficultés logistiques inhérentes aux systèmes d’information.

Cette égalisation continue aujourd’hui sa course folle, pour déboucher sur la commoditisation(4) de pans entiers de compétences relevant des intelligences logico-mathématique et linguistique, bientôt disponibles à tous, de façon ubiquitaire, instantanée et surtout quasiment gratuite, puisque pour la plupart, les nouveaux outils cognitifs seront omniprésents, extrêmement abordables et facturés à la consommation (ce qui comparé à un salaire fixe présente pour les entreprises un avantage évident).


Cet effondrement mécanique des coûts et risques inhérents à l’entreprenariat, va à n’en pas douter, concourir à l’émergence d’un nouvel âge entrepreneurial, dont les manifestations seront visibles aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des entreprises existantes et à venir.
L’explosion Cambrienne que nous évoquions dans le premier épisode de cette série, ne concernera donc pas seulement la technologie, mais comme on commence à s’en douter, la diversité des organisations œuvrant au sein d’écosystèmes digitaux de plus en plus nombreux et bouillonnants de vitalité.

Dans un monde où l’accès à des ressources abondantes et bon marché est acquis à la majorité, compter sur les traditionnelles stratégies de différentiation devient, on le comprend, très problématique.
La dernière frontière en matière de différenciation sera pour les entreprises la façon dont leurs salariés travaillent, innovent et entreprennent en collaboration aussi bien interne qu’externe, en tirant le parti maximum des caractéristiques humaines que la technologie ne pourra jamais ni émuler, ni automatiser, en vue de constamment parfaire l’expérience client, l’expérience partenaire et l’expérience salarié.

En matière d’écosystème entrepreneurial, la société chinoise Haier fait office de précurseur et de modèle. En effet, son dirigeant a perçu longtemps avant les autres que le succès de son entreprise dépendait du pouvoir entrepreneurial des individus et des équipes.
Haier a donc décidé de célébrer la différence plutôt que de la dissuader et de récompenser les accomplissements plutôt que les statuts. Alors que pour une entreprise occidentale traditionnelle cette approche aurait été considérée comme absolument novatrice, on mesure son caractère résolument disruptif dans une chine post-maoïste.
 
En conséquence, Haier a adopté une politique d’investissements intensifs dans la formation de ses salariés et mis la priorité absolue dans la capacité de l’entreprise à générer de nouvelles idées en un flux ininterrompu, dans l’optique inlassable de créer et de faire progresser ses produits et services.

Haier ne se contente du reste pas seulement d’innover au niveau des besoins clients. Toutes les strates de l’entreprise sont concernées et l’esprit d’innovation va jusqu’à attaquer frontalement l’orthodoxie organisationnelle qui paralyse encore des milliers d’entreprises.
Chez Haier, entreprise de presque 100 000 salariés, les salariés s’auto-managent et s’auto-organisent en des milliers de micro-entreprises répondant directement aux besoins de leurs clients. Cette approche alimente une culture d’innovation et d’entreprenariat radicals en balayant les notions de hiérarchie, de bureaucratie et en permettant au passage de faire l’économie de plus de 12 000 managers intermédiaires !
L’innovation englobe même les besoins des salariés et de façon surprenante, le département des ressources humaines de Haier serait passé de 860 à 11 employés grâce à l’adoption d’une approche plateforme pour les services de ressources humaines.

Ainsi chez Haier, l’intelligence se situe dans l’architecture de l’entreprise et non dans la tête de ses dirigeants dont la fonction principale est de servir et parfaire cette architecture !
Après l’organisation apprenante, Haier invente donc l’organisation pensante !

Des mots de son propre PDG, qui en 37 ans a fait de son entreprise la première entreprise mondiale d’appareils électroménagers : “la meilleure façon de penser notre destination est la forêt tropicale (en tant qu’écosystème auto-adaptatif)”. On notera l’idée sous-jacente de dynamique ou de mouvement, déjà à l’origine de la pensée orientée flux proposée par le Toyota Production System qui constitue entre autres, un des fondements de la pensée Devops

Ainsi dans la pensée écosystémique, la distinction entre ce qui est traditionnellement perçu comme l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise s’estompe pour laisser la place à la recherche d’autosimilarité (principe fondamental des fractales).

Différentiation 2.0

Au sein des économies organisées en écosystèmes digitaux, tout entrepreneur sérieux dispose désormais sous forme de service (fragmentation des chaines de valeur), d’à peu près tout ce dont une entreprise a besoin pour gérer ses opérations. La rareté des ressources qui constituait un des avantages essentiels dont disposaient les entreprises traditionnelles, cède donc la place à l’abondance, ce qui ouvre la voie à une redéfinition drastique des règles de différentiation et de concurrence.

Ce nouveau monde se révèle de plus en plus antinomique de la bureaucratie (pensée mécaniciste) et sourit aux entreprises ayant les capacités entrepreneuriales les plus affirmées, ainsi que la célérité nécessaire leur permettant d’asseoir avant leur compétiteurs, leur contrôle sur les positions écosystémiques les plus avantageuses.
Comme nous pourrions nous y attendre, dans des écosystèmes faits d’interactions et d’innombrables dépendances, les entreprises ayant pu développer une position initiale avantageuse bénéficieront à plein de la fameuse loi d’attachement préférentiel et de l’effet Matthieu rencontrés dans l’article 4 de cette série(5).

Empathie

Dans un monde aussi interconnecté et dans lequel la plupart des innovations deviennent très vite disponibles ou imitables par le plus grand nombre, les seuls réels facteurs différenciants sont et resteront l’esprit entrepreneurial, la rapidité d’exécution et une compréhension collective des dynamiques écosystémiques à l’œuvre ainsi que la capacité de s’y adapter naturellement. Cela suppose un recentrage radical sur les dynamiques humaines et sociales de l’entreprise.

Il s’agit en réalité pour l’entreprise d’œuvrer à l’émergence d’états d’esprit (nous reviendrons sur cette notion) qui ne sauraient être le fruit de décrets édictés par quelques dirigeants aux commandes.
Ces états d’esprit devront au contraire être cultivés et entretenus en permanence par l’ensemble des salariés participants à la vitalité d’un tissu social sain, au sein duquel une des principales règles sera l’équité. Le rôle du leadership est de permettre à l’intelligence de se développer au sein de l’ensemble de la structure et de la contenir au champ des missions de l’entreprise, sans pour autant l’asphyxier. Cela suppose de troquer les certitudes affichées par les dirigeants traditionnels par le plus possible de clarté et de transparence.

Ainsi que nous l’abordions dans l’article 4 de cette série, la façon dont est conçue la performance des entreprises, et plus particulièrement celles œuvrant dans des économies organisées en écosystèmes digitaux, ne doit surtout plus s’apparenter à une sorte de jeu à somme nulle.
Dans ce monde des écosystèmes, on ne peut se contenter d’une vision de l’entreprise dans laquelle une poignée d’individus imagine, décide et mesure tandis que la majorité exécute. Un tel fonctionnement produit les ferments de sa propre dégénérescence.

Au contraire dans un monde écosystémique, il n’y a pas de limite théorique à la performance. Une fois reconnue l’interdépendance entre les différents acteurs, l’obsession des différences de niveaux de performance individuelle doit céder la place à l’intelligence structurelle et la complémentarité des compétences et des personnalités. 
Bien entendu, cela ne signifie pas la fin de la reconnaissance ou de la célébration des bons résultats ni l’absence de sanctions pour les personnes ne contribuant pas à la santé de l’écosystème. Mais ce qui doit faire l’objet de toutes les attentions ce ne sont pas tant les différences de niveaux de performance individuelle mais avant tout le fonctionnement des systèmes conduisant à ces performances (cf. les citations de Deming en partie 7). Pour paraphraser Zhang Ruimin, PDG de Haier, si le système n’est pas intelligent, alors ni l’individu ni les équipes ne pourront réellement réaliser leur potentiel. L’imputabilité de la performance ou de son absence est donc en premier lieu à rechercher au niveau de l’architecture (au sens large) de l’entreprise.

Être acteur d’un écosystème demande également un changement conséquent d’état d’esprit. Comme nous l’avons déjà vu par exemple, en matière de gestion de l’expérience (clients, partenaires, salariés), le mot clé est l’empathie, indissociable de la notion d’humilité (comment s’imprégner des autres si on est saturé de soi-même ?).
Il ne s’agit encore une fois pas d’un concept abscons fleurtant avec une quelconque forme d’angélisme, mais bien d’un principe facilement opérationnalisable, voire d’une étape évolutive de la vie des entreprises prises dans les effervescences de la quatrième révolution industrielle annonciatrice de l’hyperpersonnalisation pour l’ensemble des parties prenantes.
Ainsi, dans les écosystèmes robustes (tels que l’on peut trouver par exemple dans la Silicon Valley), les équipes d’entrepreneurs (qu’ils soient clients, partenaires ou salariés) ont rapidement accès à l’aide et aux fonctions dont ils ont besoin pour construire leur proposition de valeur et trouver le succès. L’altérité ne se pense donc plus selon une catégorisation instrumentalisante (ressources humaines, moyen, canal d’écoulement) mais en termes de synergies, de complémentarités, etc..

L’empathie, ou en d’autre termes la compréhension et la prise en compte instantanée et réciproque du besoin des différentes parties-prenantes devient le moteur de l’écosystème et le principe sous-jacent à la prise de décision des entreprises. Cela permet d’éliminer des couches de complexité et de bureaucratie superflues qui ne font que ralentir et encrasser le fonctionnement du système global.
Il est donc question d’une culture centrée sur l’humain, qui subordonne toutes les autres considérations du fonctionnement de l’entreprise à cette contrainte primaire et qui oriente la conception des offres de service ainsi que la façon dont les stratégies de croissance se conjuguent. 

Comme le montre l’article déjà cité du Boston Consulting Group, il est dès lors nécessaire de se défaire de la culture des dirigeants omnipotents, prétendant connaitre les réponses et désignant avec assurance et détermination une cible qui ne cesse de se dérober, en intimant l’ordre à leurs subalternes de convaincre le reste des troupes de redoubler d’efforts face aux échecs répétés.

La certitude fait place à l’humilité et l’obsession de la compétition à l’obsession des clients (au sens large) et de leurs besoins. Il n’est plus question de résultats à courts termes pour satisfaire la folie boursière. Parmi les vertus cardinales des dirigeants dans ces nouveaux environnements, figurent la curiosité et la capacité à soulever les bonnes questions plutôt que prétendre possèder les bonnes réponses. Figurent aussi l’humilité et l’empathie, qualités indispensables pour opérer dans des environnements de plus en plus friable, anxiogènes, non-linéaires et incompréhensibles6, au sein desquels prétendre détenir les solutions à des problèmes de plus en plus pernicieux (voir article 2 de la série), expose à un échec quasi-inéluctable. Ce nouveau mode de leadership personnifie ainsi la mentalité de l’écosystème et conduit naturellement les salariés vers les changements d’états d’esprits appropriés à la navigation dans les bouillonnements de ces nouvelles dynamiques.

L’ère de l’intelligence hybride ou de l’intelligence collective augmentée

Tous ces changements technologiques et organisationnels aboutiront vraisemblablement pour les entreprises visionnaires à l’émergence de nouveaux modèles de collaboration des intelligences humaines, augmentées par les intelligences artificielles grâce à de futurs puissants Services Digitaux d’Infrastructure Intellectuelle.
Ces services constitueront l’épine dorsale de l’intelligence collective d’entreprise, voire pour certaines de l’écosystème digital qu’elles consolident. Il est même fort à parier que les entreprises qui n’investiront pas dans cette démarche ou qui le feront trop tard, réviseront à la baisse leur espérance de longévité.

Le professeur Clayton M. Christensen définit la notion d’infrastructure comme le mécanisme le plus efficient permettant à une société (au sens large) de stocker et distribuer de la valeur. Il en va de même dans le monde de l’entreprise, dans lequel la notion d’infrastructure est tout aussi importante, qu’il s’agisse des systèmes, des technologies, des processus, des connaissances, des modes opératoires, des modèles mentaux partagés et des expériences acquises, sur lesquels une organisation s’appuie pour opérer, piloter et délivrer la production de valeur à ses clients, ses partenaires et ses salariés.
C’est cette infrastructure informationnelle, qui permet aux entreprises de concourir dans des marchés de plus en plus compétitifs et d’accroître l’échelle de leurs opérations. L’importance de cette infrastructure informationnelle devient stratosphérique dans le monde des entreprises du digital.

Cette infrastructure informationnelle de l’entreprise va, en s’appuyant sur les nouvelles technologies cognitives, rapidement se métamorphoser en Services d’Infrastructure Intellectuelle d’Entreprise. Ces technologies (apprentissage automatique et intelligence générative) peuvent du reste elles-mêmes être vues comme des dispositifs permettant de compresser, stocker et distribuer une énorme quantité de valeur cognitive et elles peuvent donc briguer le statut d’infrastructure selon la définition proposée par le professeur Christensen.

Ces services encapsuleront entre autres, la gestion de la connaissance traditionnelle (Knowledge Management) mais iront bien au-delà, pour constituer une sorte de “cerveau électronique central” dont la fonction sera de capturer, de fédérer, de stocker, de consolider et de distribuer au sein de l’entreprise et même parmi les partenaires, la valeur cognitive produite par les salariés et les autres parties-prenantes de l’écosystème (partenaires et clients).

Ainsi si les technologies digitales traditionnelles ont permis de digitaliser le réel et automatiser les processus d’entreprise, la vague des nouvelles technologies cognitives est porteuse de promesses d’un tout autre ordre. Ces Nouvelles technologies vont radicalement changer la façon dont l’entreprise cristallise sa connaissance, aidant à la fois les salariés à puiser dans la connaissance issue de l’expérience d’autres personnes et de bénéficier de tous les enseignements engrangés, y compris par les personnes ne faisant plus partie des équipes. Il ne s’agit ici plus d’une mémorisation mécanique et passive mais d’une véritable assistance à des humains travaillant en réseau, à l’élaboration de solutions permettant de répondre à des problèmes encore jamais rencontrés. Il est donc, non seulement question d’intelligence mais de sagesse collective.

Ces technologies ont probablement vocation en s’appuyant sur les outils de communication déjà en place à devenir des sortes de parties-prenantes de la vie des écosystèmes internes des entreprises ainsi qu’à assumer le rôle de plaque tournante de la création de valeur cognitive au sein des écosystèmes globaux de ces entreprises.
Il n’est pas difficile d’entrevoir à ce titre, le potentiel transformatif, voire disruptif que ces usages technico-organisationnels auront sur les structures des marchés et des industries actuelles. En effet, dans la mesure où les idées et les connaissances les plus pertinentes pour innover, ne prennent plus nécessairement naissance au sein de l’entreprise, mais plutôt dans la dialectique se développant entre l’entreprise, ses partenaires et leurs marchés, les véritables créations de valeur cognitive s’enracineront de façon croissante, dans la circulation rapide et quasiment gratuite, non plus de l’information, mais de la valeur intellectuelle au sein de l’écosystème.
Ces technologies joueront donc un rôle prépondérant dans l’élimination des lignes de démarcation propres aux structures traditionnelles ainsi que dans l’inéluctable dissolution des silos, aussi bien intra qu’extra-entreprise, vestiges du monde industriel précédent.

Il est donc ici question de nouvelles formes de collaboration transcendant les frontières traditionnelles de l’organisation d’entreprise et impactant la création, l’innovation, les modèles cognitifs, les cadres épistémiques et l’apprentissage organisationnel, les valeurs, voire la propriété intellectuelle. Il parait de ce fait, approprié de parler d’un changement de paradigme.

Dans la prochaine et dernière partie de cette série nous aborderons l’avenir de la compétence.

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  1. Coté Fintech ce mouvement se traduit entre autres par le Banking-as-a-service; le Beyond Banking et le Embedded Banking.
  2. L’IA générative pourrait du reste fort bien se révéler être l’ingrédient magique qui, en se combinant avec la composabilité(3), naturelle des écosystèmes de plateformes et de marketplaces, confèrera à ces derniers un nouveau super-pouvoir (voir épisode 3). En effet les tendances technologiques semblent pointer (ici par exemple) vers une énorme facilitation de la communication inter-composants. Ainsi, l’IA laisse transparaitre un extraordinaire potentiel de soutien à l’intégration de composants logiciels et de structures de données autrement disparates, ce qui déclenchera probablement une sorte de révolution non seulement de l’organisation des produits mais aussi de leur conception et de leur intégration ainsi que, cerise sur le gateau, de la gestion des projets.
    Les plug-ins ChatGPT ont du reste, ouvert la voie en démontrant la façon dont les LLM peuvent être utilisés pour interpréter et utiliser des API, et ce que l’on peut accomplir dans ce domaine avec des techniques d’auto-configuration et de développement Low & No-code est désormais stupéfiant.
    Il existe bien entendu une grande quantité de cas d’usages de l’IA générative dans le domaine financier ne relevant pas d’un changement de paradigme mais plutôt du domaine de l’expérience client et de l’innovation produit.
  3. Composabilité : un principe de conception de système qui traite des interrelations entre les composants. Un système hautement composable fournit des composants qui peuvent être sélectionnés et assemblés de différentes manières pour satisfaire des besoins spécifiques de l’utilisateur (source : https://en.wikipedia.org/wiki/Composability). Ce terme est généralement utilisé pour décrire la capacité des composants d’un ou de plusieurs services à proposer un champ combinatoire conséquent laissant beaucoup de latitude aux utilisateurs pour inventer de nouvelles modalités de création de valeur avec beaucoup d’autonomie.
  4. La commoditisation correspond au processus rendant un produit ou service autrefois différentiant (et le savoir-faire en est un), banal et commun. Ainsi, seul le prix reste différentiateur. Dans le cas de la commoditisation de certains savoirs et savoir-faire par le truchement de moteurs d’IA, le prix sera probablement très bas et vraisemblablement négligeable.
  5. Ces mêmes entreprises sont celles qui attireront les personnes les plus entreprenantes, en leur permettant de participer aux innovations et en partageant au mieux les profits qui en découleront. Ce seront également celles qui attireront les meilleurs partenaires et une large clientèle. Dans le monde des écosystèmes ces entreprises feront office de leaders, de fédérateurs et de consolidateurs de leur écosystèmes.
  6. Les principes de la première révolution industrielle étaient axés sur l’idée de contrôle maximal. Tout était alors représenté selon une pensée mécaniciste, que ce soit l’entreprise, les animaux, la psyché humaine (la psychanalyse s’inspire par exemple des lois de la thermodynamique) et globalement, le fonctionnement du monde et de la nature. Les lois physiques étaient jugées “parfaites” et permettaient la prédictibilité. Ainsi la façon dont était pensé le monde aurait pu être résumée par le vocable “SPOD ” (Stable, Prévisible, Ordinaire Défini). Vers la fin des années 80, un nouveau vocable venant du monde militaire est entré en usage, en l’occurrence VICA (ou VUCA en anglais), pour Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu. Cette caractérisation a du reste donné naissance à la notion de “business Agility” qui était la réponse adaptative que les entreprises étaient censées produire face à ce nouvel état du monde.
    Enfin beaucoup estiment que même cette caractérisation n’est plus suffisante pour rendre compte d’un environnement de plus en plus chaotique. De ce fait, un nouveau vocable commence à avoir les faveurs des analystes: BANI pour Brittle (Friable), Anxiogène, Non-linéaire, Incompréhensible. Ce qui par rapport à la qualification précédente dénote une élévation de niveau des phénomènes déjà à l’œuvre et marque pour les entreprises l’ère de l’adaptabilité radicale, quelques crans au-dessus de la “simple” agilité d’entreprise et représentant selon nous, le mode de fonctionnement propre aux écosystèmes augmentés émergeants.
    De ce fait, l’ancien monde industriel qui s’appuyait sur la compétence d'”élites” surentrainées, y perd son latin. Les dirigeants des entreprises de cette ère, sont extrêmement bien parés et préparés à toutes les éventualités d’un monde révolu et pourtant intellectuellement incroyablement fragiles quand il s’agit de faire face aux aléas d’un futur de plus en plus imprévisible et friable. Et de l’avis de beaucoup nous ne sommes qu’au début de cette “Vucaïsation/Baniïsation” du monde.

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5 commentsOn Worldline, Géant Agile ou d’Argile ? Partie 8

  • Pingback: Le tonnerre gronde – Analyse Power24 #3 – CFTC Worldline ()

  • nous préssentions dans cet article écrit en fin 2023 qu’allait souvrir l’ère de l’intelligence hybride ou de l’intelligence collective augmentée…..

    D’autres avis récents concordent:
    https://www.youtube.com/watch?v=fSJIxyiQyc8

  • Antoine Gourevitch, BCG, à propos d’innovation
    “On rentre dans l’ère des start-up gérées dans un écosystème de grand groupe”

    https://www.lenouveleconomiste.fr/antoine-gourevitch-bcg-a-propos-dinnovation-71125/

  • Interview interessant de Daron Acemoglu prix Nobel d’économie sur l’IA
    https://www.youtube.com/watch?v=-zF1mkBpyf4&t=223s

    L’entretien avec Daron Acemoglu est salutaire : il oppose des faits économiques solides au storytelling technologique. Non, l’IA ne va pas disrupter l’économie mondiale demain matin. Oui, les gains macroéconomiques attendus sont marginaux – 1 % de PIB mondial d’ici dix ans selon ses calculs. C’est un rappel précieux : la réalité économique résiste aux prophéties de la Silicon Valley.

    Mais justement : Acemoglu reste lui-même prisonnier du cadre qu’il dénonce. Il mesure les impacts de l’IA à l’aune du PIB, du marché du travail, de la productivité. Autrement dit, il critique une vision productiviste avec des outils productivistes. Or, le vrai sujet est peut-être ailleurs : et si l’IA ne devait pas servir à produire plus, mais à organiser autrement ? À redistribuer le pouvoir cognitif, pas seulement le travail.

    Lui-même évoque, à demi-mot, cette piste : les formes hybrides homme-machine, les usages dans les services publics, la coopération plutôt que la substitution. Mais sans pousser plus loin. Il reste dans un schéma correctif, là où il faudrait interroger les fondements : qu’est-ce qu’un “travail utile” ? Une “valeur” ? Une “économie performante” dans un monde en crise systémique ?

    Autre angle mort : Acemoglu raisonne comme si l’économie était un système stable à optimiser. Or, nous vivons un basculement d’époque, où les structures économiques se décomposent et se recomposent à une échelle plus profonde : fragmentation des chaînes de valeur, autonomisation des compétences par l’IA, montée de l’interdépendance. Ce ne sont pas seulement les tâches qu’il faut réévaluer, mais le tissu même de l’activité humaine organisée.

    Bref, on a raison d’écouter Acemoglu – et encore plus raison de le dépasser. Ce qu’il dit est nécessaire, mais insuffisant. Il ouvre la porte, mais n’ose pas encore sortir de la maison.

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