Les flops de la loi travail

In Actualités sociales

Nous vous proposons un survol des modifications apportées par la loi « Travail » ou « Khomri » dont on a beaucoup parlée dans les médias et dans la rue tout au long de l’année 2016.

La loi a été définitivement adoptée cet été, la plupart des mesures sont entrées en vigueur dès le 10 août soit quelques jours après la promulgation de la loi.  Un autre lot de mesures débarquera à partir du 1 janvier 2017, et pour le reste nous sommes en attente des décrets d’application.

La CFTC au niveau confédéral est signataire de cette loi. De notre cotés nous sommes plutôt médusés, et bien que la loi apporte des droits nouveaux aux salariés et à l’ensemble des personnes actives, certaines modifications nous font craindre une dégradation des conditions d’emploi des salariés.

Dans ce premier article, nous commençons par les flops de la loi travail, dans un second temps, nous vous présenterons les dispositifs plus positifs de cette loi.

Très bonne lecture !

Sur les règles de la négociation collective

Evolution du principe majoritaire

Le législateur tâtonne et tergiverse, c’est le moins que l’on puisse dire. Après la loi de 2004 qui avait introduit le principe d’accord majoritaire, puis l’introduction en 2008 du principe de majorité d’engagement (30% des OS représentatives) et d’un droit d’opposition pour les syndicats majoritaires, la loi « Khomri » vient à nouveau mettre ses pattes dans la législation encadrant la validité des accords d’entreprises.

Un accord est désormais valide dans les cas suivants :

  • La majorité des organisations syndicales représentatives sont signataires de l’accord
  • Plus de 30% des organisations syndicales représentatives sont signataires et l’accord est validé par les salariés

Plusieurs implications :

  • Les organisations syndicales représentatives perdent leurs droits d’opposition.
  • Les salariés ont à présent un rôle important à jouer dans la production juridique et dans la validité des accords de leurs entreprises. Leurs consultations via des référendums seront déterminantes pour l’entrée en vigueur des accords.

Pour les accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés, la loi « Khomri » s’appliquera à partir du 1 janvier 2017.

Pour les autres accords, les nouvelles conditions de validité des accords ne seront applicables qu’à partir du 1er septembre 2019.

Notre avis

L’évolution du principe majoritaire et la montée en puissance des salariés dans la production des accords d’entreprises nous semblent paradoxales à plusieurs titres :

D’un côté le législateur ne cesse de vouloir redonner une légitimité aux acteurs syndicaux (loi de 2008 et calcul de la représentativité, etc.), de l’autre il introduit des mesures qui risquent au contraire de la fragiliser. Quelles seront les conséquences du résultat d’une consultation des salariés venant contredire la position d’une organisation syndicale majoritaire ? L’équipe syndicale ne risque-t-elle pas d’en sortir affaiblie ? La qualité de son travail et de ses relations avec la Direction ne pourraient-elles pas en pâtir ?

De la même manière, depuis plusieurs années le législateur se plait à rappeler la nécessité d’avoir autour de la table de négociation des gens compétents connaissant bien leurs sujets. La négociation ne s’improvise pas, elle est un véritable travail qui demande préparation, réflexion et créativité. Les lois nombreuses offrant des possibilités de formation, de montée en compétence et d’accompagnement des négociateurs l’attestent. Et pourtant, la loi « Khomri » offre la possibilité aux salariés de valider des accords sans aucune garantie qu’ils soient en mesure de comprendre leurs portées et leurs conséquences.

Finalement, nous craignons que la consultation des salariés puisse exacerber les tensions au sein du collectif des salariés. En effet, un référendum est une consultation individuelle où l’on demande aux salariés de se positionner sur un accord en fonction de leurs situations dans l’entreprise. L’intérêt individuel risque de primer sur l’intérêt collectif. Seules les organisations syndicales nous semblent en mesure de porter l’intérêt de tous et de participer ainsi à la construction d’un collectif et à sa préservation.

Sur la dénonciation des accords collectifs

Du maintien des avantages acquis au maintien de la rémunération

Plusieurs éléments ont été introduits autour de la thématique de la dénonciation et de la mise en cause des accords collectifs. Le point le plus important nous semble être la remise en cause des avantages individuels acquis suite à la dénonciation d’un accord.

Désormais, suite à la dénonciation d’un accord collectif et à l’échec de la négociation pour le remplacer, les salariés des entreprises concernées seront uniquement assurés de conserver une rémunération dont le montant annuel ne pourra être inférieur à la rémunération versée lors des 12 derniers mois.  Au préalable, les salariés concernés conservaient l’ensemble des avantages acquis, tels que le maintien de la structure de rémunération, les congés payés, etc. ainsi que leurs rémunérations.

Notre avis

La situation précédente était assurément source de complication pour les Directions, qui pouvaient être amenées à gérer des salariés aux avantages acquis différents : Une même entreprise pour une multitude de situations individuelle se complexifiant au fil des fusions, des cessions et des changements d’activité.

Cette obligation de maintenir les avantages acquis suite à l’échec de la négociation tentant de remplacer l’accord dénoncé, nous semblait être un élément clé pour inciter Direction et Organisations syndicales à négocier avec l’objectif d’arriver à un accord. Ni la Direction ni les OS n’avaient un intérêt à l’échec de la négociation : La première ne voulait pas se perdre dans un maelström d’avantages acquis et subir les conséquences et les tensions de salariés réalisant le même travail dans les mêmes conditions mais n’étant pas rétribués de la même manière. Les seconds étaient contraints de parvenir à un accord s’ils souhaitaient préserver une unité au sein des salariés et offrir des droits et des avantages à tous.

La situation actuelle nous semble beaucoup plus déséquilibrée et risque de se traduire par un plus grand nombre d’échec des négociations suivant la dénonciation d’un accord.

La négociation collective

Sécurisation des accords de groupe

La loi du 8 août 2016 prévoit que l’ensemble des négociations prévues au niveau de l’entreprise puissent  être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions.

Ce n’est pas tout, la loi ajoute que les entreprises sont à présents dispensées d’engager une négociation obligatoire lorsqu’un accord portant sur le même thème a été conclu au niveau du groupe.

Ces nouvelles dispositions sont applicables depuis le 10 août 2016.

Notre avis

Il faut bien comprendre les implications pratiques de ces nouvelles dispositions :

Au préalable, rappelons-nous que la représentativité des organisations syndicales varie au sein d’un même groupe. Chez Atos par exemple, la CFTC n’est pas présente au niveau du Groupe Atos, alors qu’elle est l’équipe la plus populaire auprès des cadres chez Worldline.

Ces nouvelles dispositions offre à la Direction la possibilité de court-circuiter des équipes syndicales pourtant implantées et majoritaires au sein d’une entreprise. A la carte, et selon ses interlocuteurs, la Direction pourrait opter de manière stratégique pour une négociation Groupe ou bien la conserver au sein de l’entreprise. Se priver d’acteurs qui sont pourtant reconnus comme étant les représentants des salariés, ne nous semble pas être une mesure très positive pour la qualité des accords négociés.

D’une manière plus générale, éloigner la négociation du terrain semble être dans la plupart des cas, la meilleure manière d’arriver à des accords éloignés des particularités de l’entreprise. Cela s’est produit à plusieurs reprises chez Atos, avec par exemple l’accord sur les risques psychosociaux qui semblait ne rien comprendre aux spécificités de Worldline.

Ajouter à cela la possibilité de consulter les salariés sur la validité de l’accord via un référendum, alors que certains salariés du groupe n’auront pas même leurs délégués syndicaux pour les aider à décrypter le projet et ses implications.

Pour nous, l’échelon à privilégier pour la négociation reste l’entreprise et non pas le groupe, il est regrettable que la loi progresse dans le sens opposé.

Articulation entre accords de branche et accords d’entreprise

A présent, l’accord d’entreprise (ou de groupe) peut comporter des dispositions dérogeant en tout ou partie, y compris dans un sens moins favorable aux salariés, à celles qui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord de niveau supérieurs.

Les dérogations sont interdites dans certains cas, des lors que l’accord touche aux clauses ou matières impératives :

  • Les salaires minima
  • Les classifications
  • Les garanties collectives en matière de protection sociale et complémentaire
  • La mutualisation des fonds de la formation professionnelle
  • La prévention de la pénibilité
  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Remarquons néanmoins une exception importante à ces limitations : désormais les entreprises peuvent s’affranchir de toutes prévisions et clauses impératives des accords de branche sur les 3 thématiques suivantes :

  • la durée du travail
  • le temps de repos
  • les congés payés

La loi « khomri » ouvre grand les possibilités offertes aux entreprises (et groupe) pour négocier sur des thématiques clés du droit du travail tout en leurs permettant de remettre en cause certains dispositifs majeurs et protecteurs de la loi.

Il est à présent possible de négocier des accords remettant en cause :

  • les taux de majoration des heures supplémentaires
  • les modalités de mise en place des astreintes
  • la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail
  • la rémunération des temps de restauration et de pause
  • l’aménagement de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine

Notre avis

Dans le contexte actuel où les équipes syndicales sont souvent clairsemées, ayant bien en tête le poids des contraintes économiques et financières de l’entreprise qui risquent de peser sur les négociateurs,  offrir la possibilité aux entreprises de négocier sur des thématiques clés du droit du travail nous semble tout simplement dangereux.

Licenciement économique

Sécuriser le motif économique de licenciement

La loi vient préciser la définition du motif économique du licenciement afin de le « sécuriser ».

La loi inscrit 4 motifs de licenciement économique :

  • les difficultés économiques
  • les mutations technologiques
  • la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
  • la cessation d’activité de l’entreprise

Cette liste n’est pas limitative.

La loi précise ensuite les critères permettant d’apprécier les difficultés économiques :

  • une baisse de commande
  • une baisse du chiffre d’affaires
  • des pertes d’exploitation
  • une dégradation de l’excédent brut d’exploitation
  • ou tout autre élément de nature à justifier des difficultés

Elle détaille ensuite les difficultés qui pourraient caractérisées une baisse de commande et de chiffre d’affaire. La loi pose le principe d’une baisse significative qui est constitué dès lors que la durée de cette baisse est en comparaison avec la même période l’année précédente, au moins égale à :

  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés
  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés
  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 330 salariés
  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus

Notre avis

Cela laisse songeur …

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