Être cadre, cela me fait quoi?

Fil d’ariane

  1. La construction d’un référentiel
    1. Les cadres
    2. Les ingénieurs informaticiens
  2. Les réalités de l’emploi des ingénieurs informaticien
  3. Les motivations préservées

Dans un premier temps nous vous proposons une rapide analyse des réponses apportées par les différentes personnes interrogées.

Ensuite, nous vous proposons les meilleures extraits de ce chapitre consacré à la relation que les ingénieurs informaticiens de Worldline entretiennent avec la notion de Cadre.

Très bonne lecture

Analyses

Cette longue restitution du rapport des personnes interrogées à la catégorie des cadres, nous permet de dresser un portrait ambigu de cette relation. En effet, d’un côté les personnes interrogées entretiennent un lien distant avec la catégorie de cadre jusqu’à considérer qu’ils n’en font pas partie. De l’autre, ils sont convaincus que certaines de leurs prérogatives sont exclusives à cette catégorie de cadre, bien conscient qu’elles les éloignent des autres catégories professionnelles. L’ingénieur informaticien n’encadre personne, il se situe régulièrement dans les rangs subalternes de l’organisation sans véritable pouvoir de commandement ; mais dans le même temps il est autonome et responsable, il préserve une relation de confiance avec sa direction à laquelle il doit fidélité et investissement qui en retour le traite d’égal à égal, le « chouchoute »  vis-à-vis des autres catégories de salariés.

Cette ambivalence est significative à plusieurs titres : les ingénieurs informaticiens à travers leurs propos viennent objectiver la reconfiguration de leur appartenance au groupe des cadres. Ils déplacent les frontières séparant les groupes les uns des autres et dessinent finalement une nouvelle carte d’identité de cette catégorie professionnelle. Ils la déforment jusqu’à ce qu’ils puissent y adhérer.

Quelles sont les nouvelles frontières de cette catégorie construite à la mesure des ingénieurs informaticiens ? Quels en sont les critères d’appartenance ?

Les ingénieurs interrogés semblent dresser le portrait suivant : l’ingénieur informaticien est un cadre pouvant être un exécutant sans responsabilité d’encadrement dès lors que son autonomie, sa responsabilité et une relation de confiance avec sa direction sont préservées. Il est fidèle et dévoué, travaillant à la réalisation de ses tâches sans compter, peu lui importe si son temps de travail vient grignoter son temps privé. A cela s’ajoutent les ombres et les silences des personnes interrogées. Ils sont révélateurs de tout un pan des caractéristiques des cadres ayant disparu de leur référentiel, comme si ces traits manquants s’étaient faits expulser de l’autre côté de la frontière de la catégorie. Il est intriguant par exemple qu’aucune des personnes questionnées sur la notion de cadre ne mentionne l’importance de la carrière et des promotions au sein de l’entreprise comme l’un des éléments participant à la relation de confiance avec la direction. De même ils sont très peu diserts sur le rôle de la rémunération et de son évolution comme l’un des critères d’appartenance. Ces attentes étaient pourtant caractéristiques de cette catégorie[1]. Leurs silences semblent traduire l’acceptation et l’intégration d’un ensemble d’éléments contextuels et sociétaux. Ils ne sont plus dans une réaction face à la remise en cause du  « salariat de confiance »[2] mais dans une phase ultérieure où cette relation se serait déjà reconfigurée autour de nouvelles dimensions.

La crise de 2008, le chômage des cadres[3], le Lean management, « une organisation scientifique du travail » qui ne touche pas que les seuls employés subalternes mais aussi les cadres[4], etc. semblent avoir rendu nécessaire de repenser cette catégorie comme si elle n’était plus adaptée à leurs réalités de 2016. Le cadre à travers la perception des personnes interrogées est alors complétement déformé : il cède sur sa carrière en acceptant qu’aujourd’hui la préservation de son emploi prime sur la possibilité de progresser dans l’organisation. Il n’a plus d’ambition forte sur sa rémunération et s’en contente dès lors qu’elle est légèrement supérieure à celles des autres catégories. Il préserve son autonomie et sa responsabilité dans son travail et conserve une relation de confiance avec sa direction. Confiance qu’il paye au prix de la continuation d’un investissement sans faille. Le cadre ne compte pas ses heures, il fait sa tâche jusqu’au bout de la nuit si nécessaire et quelle que soit la modalité de l’organisation de son temps de travail[5].

« Les frontières entre groupes ne sont pas « naturelles » »[6], elles fluctuent au fil du temps et se redéfinissent selon les rapports de force. Dans le cas présent et pour les ingénieurs informaticiens, la catégorie des cadres se rapetisse et semble être l’une des perdantes de la reconfiguration plus globales de l’ensemble des catégories professionnelles. Cette reconfiguration opérée à travers les ingénieurs informaticiens semble en effet complexifier la diversité des catégories. Il y aurait désormais un au-delà des cadres qui n’accepterait pas en son sein des ingénieurs informaticiens. L’écart entre différentes populations dans cette catégorie n’a cessé de croître jusqu’à finalement en rejeter certains par le haut et d’autres par le bas. Les critères d’appartenance de ces deux populations sont trop différents pour espérer à présent les confiner dans une même catégorie.

Si l’ingénieur informaticien est toujours un cadre, alors une autre catégorie vient le surclasser. A savoir celle qui prétend toujours à une rémunération élevée augmentant au fil du temps, assurée d’une carrière aux promotions nombreuses, etc. L’ingénieur informaticien accepte son appartenance à cette catégorie de cadre en opérant des réductions et des renoncements qui attestent de l’acceptation tacite de son propre déclassement. Cette perception est une dépréciation qui participe à la construction d’une « identité » rognée et pourrait entraîner les ingénieurs dans sa propre chute. Le déclassement de la catégorie des cadres serait annonciateur de la défiguration future des ingénieurs informaticiens.

Néanmoins, cette identité n’apparait pas systématiquement comme un référant majeure dans le référentiel des ingénieurs informaticiens. Elle semble être en concurrence avec l’identité construite autour du titre d’ingénieur informaticien : « Pour moi la catégorie de cadre c’était plutôt ingénieur d’ailleurs plus que cadre. Pour moi nous ne sommes pas cadre nous sommes ingénieurs »[7]. Intéressons-nous à présent à la manière dont cette figure de l’ingénieur informaticien vient enrichir d’éléments nouveaux le référentiel des personnes interrogées.

[1] Alain Pichon, Les cadres à l’épreuve, Puf, 2008

[2] Paul Bouffartigue, Les cadres. Fin d’une figure sociale, éd. La Dispute, 2001.

[3] Taux de chômage de 4,5% en 2015 (316.000 personnes), en hausse de 0,5 point sur deux ans

[4] Les méthodes Lean sont omniprésentes chez Worldline depuis plusieurs années

[5] Pour les ingénieurs informaticiens, trois modalités sont définies par la convention collective Syntec : Standard (35h hebdomadaires), réalisation de mission (37h hebdomadaire et RTT) et réalisation de mission en autonomie complète (Forfait jour annualisé)

[6] Boltanski Luc, Les cadres, La formation d’un groupe social, Paris, Le sens commun, 1982.

[7] Voir l’entretien de Enzo

 

Quel sens les ingénieurs informaticiens donnent-ils à leur appartenance à la catégorie professionnelle des cadres ?

« En tant qu’ingénieur informaticien, tu fais partie de la catégorie professionnelle des cadres, est ce que cela fait sens pour toi ? »[1]. La première réaction des personnes interrogées à l’écoute de cette question est souvent l’étonnement. Surprise d’un tel questionnement sur une notion de cadre qui semble ne plus vraiment faire sens : « Pour moi actuellement cela ne veut absolument rien dire »[2], « je n’ai aucune idée de ce que c’est, franchement légalement ou socialement je ne sais pas »[3], « j’ai vraiment du mal à mettre un truc sur un mot générique, pour moi cela reste une étiquette qui ne veut rien dire »[4]. Une question « étrange »[5] pour certains qui vient pour la première fois lier leurs activités professionnelles à cette catégorie de cadre dont ils font bien partis. D’autres l’ont bien rencontrée mais sont toujours hésitants sur leurs positionnements : « à chaque fois où je dois remplir mon statut dans l’administration française, sur n’importe quelle demande ils vous demandent toujours, il y a toujours cette case cadre, je suis toujours là à me dire je la coche où je ne la coche pas »[6], « ce statut de cadre, il est sur ma fiche de paye, c’est une catégorie mais je ne sais pas ce que c’est réellement »[7]. […]

Non-sens de cette catégorie de cadre à laquelle les personnes interrogées viennent tenter ensuite  d’objectiver leur non appartenance. Un cadre est tout d’abord une personne qui encadre des salariés : « pour moi cadre c’est de l’encadrement. C’est-à-dire qu’il y a, il y a de la gestion cela peut-être de collaborateurs à un même niveau hiérarchique, dans une position chef de projet même si il n’y a pas une réelle subordination hiérarchique il y a tout de même une subordination dans le rôle, ou alors il y a une réelle subordination hiérarchique où il faut manager des équipes voir gérer des gens sur un chantier, donner des directives »[8], « c’est celui qui a la responsabilité et c’est celui qui dirige les autres. Qui encadre c’est le terme »[9]. Difficile alors de s’identifier à une catégorie quand « finalement tout le monde est un peu au même… pareil, on s’encadre tous tout seul »[10], « le cadre informatique il est souvent majoritairement responsable de sa personne »[11], « et donc cette notion de cadre dans ma vision, chez Worldline effectivement, elle ne veut pas dire grand-chose »[12]. On doute de la possibilité « d’être cadre et [en même temps] tout en bas de l’échelle, cela semble paradoxal […] cela relativise la position de cadre on va dire. Moi je suis cadre mais je n’encadre personne presque »[13]. Le cadre finalement « c’est le cadre dirigeant, qui encadre des équipes, qui encadre des personnes […] et je ne me considère pas dans cette catégorie »[14]. Les ingénieurs managers ont bien une composante d’encadrement dans leurs activités mais elle représente seulement l’une des facettes, l’un de leurs rôles, loin du cœur de leur métier : « ce n’est pas comme cela que je me définis, ce n’est pas ma première qualité que je mets en avant quand je donne mon rôle »[15] nous dira Gilles.

Plus fondamentalement, le métier lui-même d’informaticien semble être incompatible avec les prérogatives du cadre : « l’informatique par rapport à d’autres domaines n’est pas du tout ancré dans des codes, des règles ou même des lois physiques … dans des postulats qui sont vrais depuis je ne sais pas combien de temps, des méthodologies, il y a effectivement une notion de mouvement, de pensée, de courant, d’idéologie que tu portes et que tu essayes de partager […] La notion de cadre elle ne colle pas je pense »[16]. La dynamique de l’informatique vient heurter l’image statique du cadre semble nous dire Tarik. Louis complétera la description de cette mésentente entre cadre et ingénieur informaticien par un rapport privilégié à la production : « moi j’ai l’impression de produire non pas que les cadres ne produisent pas de valeur […], moi j’ai l’impression de produire comme je pourrais produire des meubles en bois »[17].

Pour beaucoup, la notion de cadre a toujours une signification dans l’industrie traditionnelle où les ingénieurs sont amenés à encadrer des techniciens et des ouvriers, mais elle semble inadéquate au monde de l’informatique. On en vient à douter que le monde de l’informatique puisse accepter en son sein des cadres. « Les cadres [c’est] ceux qui gèrent les ouvriers »[18], cette notion « doit être héritée de l’industrie tout simplement, où cela avait du sens »[19] car « dans le monde industriel […] tu es immergé dans un monde ouvrier et tu as vraiment une hiérarchie, enfin dans les différentes personnes qui travaillent […] Tandis que nous là où nous sommes, c’est un petit peu différent aussi parce que nous sommes tous censés être bac+5, c’est un monde déjà un petit peu homogène »[20]. Un cadre et un ouvrier apparaissent comme un binôme fonctionnant conjointement, si l’entreprise se passe des ouvriers alors il semblerait qu’elle perde aussi les cadres.

Si les cadres disparaissent, alors « Que suis-je ? » se demandèrent les personnes interrogées. Quelle est la catégorie professionnelle d’un ingénieur informaticien dans ces conditions ? L’accumulation d’éléments étrangers à la catégorie de cadre entraîne un rapprochement instinctif à celle d’ouvrier : « nous sommes tous cadres et en même temps nous sommes tous ouvriers »[21], « pour moi ouvrier ou cadre c’est pareil. Voilà on a cette vision je suis autonome, je prends des décisions mais qu’est-ce que cela change ? »[22] Car en effet « on sort avec un bac+5, on dit que nous sommes cadres, mais en fait on commence comme force ouvrière de ce genre de boîte. Nous sommes au plus bas, on dirige personne, nous sommes au plus bas du truc, c’est nous qui faisons le travail manuel »[23]. La catégorie de cadre apparaît même parfois comme un élément repoussoir : « je n’aime pas dire cadre, cela fait vraiment un peu pédant »[24] à la différence de celle d’ouvrier qui possède plus d’attrait : « moi je ne suis pas… cela ne me dérangerait pas d’être ouvrier »[25].

Cette réponse apparait néanmoins comme insatisfaisante pour beaucoup. Bien que l’ingénieur informaticien n’ait pas un rôle d’encadrement, plusieurs de ses prérogatives pourraient faire de lui un cadre à part entière en l’éloignant des autres catégories. En effet « un cadre c’est quelqu’un d’autonome qui va prendre des décisions »[1] tout comme un ingénieur informaticien car « on a un boulot, il faut […] arriver à ingurgiter des informations parfois assez nombreuses, je ne sais pas c’est un boulot complexe sur différents aspects, tu dois gérer des aspects techniques, aspect communication souvent avec d’autres équipes, d’autres entreprises, communication avec le client, en ce sens-là pour moi cela suffit à dire que c’est un boulot complexe, donc […] on peut dire que l’on est cadre car on a un minimum de niveau intellectuel pour s’en sortir »[2]. « La reconnaissance de ta capacité à être autonome »[3] se vérifie chez l’ingénieur informaticien à travers les responsabilités qu’on lui confie et la confiance qu’on lui porte : «[Les ingénieurs informaticiens] sont complètement cadres car ils ont une responsabilité dans ce qu’ils font. Un employé, tu lui donnes des tâches, il fait les tâches… le cadre il peut trouver, il peut avoir des missions plus ouvertes »[4], « tu es responsable de ton travail. Oui c’est ça, il y a cette notion de responsabilité. À la fin tu dois rendre un truc après tu te débrouilles »[5]. « Je suis responsable de mon travail. Et ça pour moi c’est la seule chose pour laquelle je comprends le terme de cadre »[6]. De la même manière qu’une direction d’usine déléguait la gestion d’ouvriers à un cadre, dans le monde de l’informatique elle semble déléguer la manière de faire aux informaticiens : « Une différence majeure que l’on peut attendre d’un cadre c’est son niveau de responsabilité. […] Son employeur s’attend à un certain niveau de responsabilité qu’il peut finalement décharger sur un cadre. Ça rejoint l’aspect… le fait d’encadrer du monde, ou d’encadrer des actions. Il peut se décharger d’une partie de ses responsabilités. Du coup il attend un certain niveau d’implication, de restitution de l’état d’avancement. Des difficultés, etc. Effectivement cela rentre dans les attributions d’un cadre »[7]. L’ingénieur informaticien n’encadre plus des hommes mais il encadre des « actions », ce qui finalement reviendrait au même dans le monde de l’entreprise : « On est tout à fait dans le cadre du cadre, on est quelqu’un à qui on confie un enjeu, à qui on confie des responsabilités, ce qui permet au niveau hiérarchique de se décharger »[8].

A la responsabilité s’ajoute la confiance qui est aussi une marque distinctive des cadres et qui vient parfaire cette autonomie : l’ingénieur informaticien est « quand même un peu comme un cadre parce que au-delà de l’aspect hiérarchique et encadrement, on va dire qu’il y avait aussi une notion de confiance accordée par l’entreprise »[9]. Cette confiance se manifeste à travers la manière dont la direction traite les ingénieurs : « la boîte nous fait confiance, […] je te parle de la boîte de son discours global, […] je te parle de la direction. Là-dessus il n’y a pas de souci. Quand on s’adresse à nous on s’adresse à nous comme des gens autonomes, responsables qui peuvent prendre des initiatives, qui peuvent avoir un regard et un discours critique, qui ont une bonne liberté, il n’y a pas de souci par rapport à ça »[10]. Ce traitement spécifique apparait comme opposé à l’autoritarisme présumé de la direction envers les autres catégories : « j’avais l’impression que la direction vis-à-vis des non-cadres qu’ils les traitaient … pas comme des chiens ce n’est pas ce que je veux dire, mais plus comme des employés, comme des … quelqu’un qui va faire une tâche, j’ai tendance à dire que les cadres sont peut-être plus chouchoutés »[11]. La confiance est en réalité une relation de confiance, elle suppose aussi des devoirs des cadres envers leur direction comme nous le rappelle Tarik : « tu es cadre donc tu représentes un peu la société, il faut que tu t’impliques […] Cela te donne des devoirs vis-à-vis de l’entreprise, comme des obligations de l’entreprise vis-à-vis des employés. C’est clair cela régit des choses »[12]. Plus concrètement cela se manifeste pour un ensemble d’interdits et d’obligations tacites sur lequel se construit la relation entre la direction et ses cadres : « C’est un peu bizarre. Tu as toujours tendance à te dire alors tu es cadre donc, le cadre il ne va pas poser son 80 %, le cadre il ne va pas être au CE, le cadre il ne va pas être dans un syndicat, mais il n’y a rien qui t’en empêche »[13].  Les ingénieurs retrouvent cette caractéristique en approchant leurs relations avec la direction dans une perspective donnant-donnant : « un aspect un peu Win Win dans l’engagement dans l’entreprise, dans le détail, flexibilité des horaires de travail, des responsabilités oui on en a, des responsabilités, mais on n’encadre pas »[14].

Cette relation confère aux cadres une certaine liberté qui implique de leur part un investissement sans faille et qui se retrouve dans la réalité des ingénieurs informaticiens : « Un cadre pour moi c’est quand même, il faut que je fasse ça pour l’entreprise, je dois me débattre comme je veux mais je le fais, et basta »[15], « à la fin tu dois rendre un truc après tu te débrouilles comme tu veux, si tu veux rester des heures et des heures OK. Si tu finis… tu es maître de ton travail quoi »[16]. L’autonomie concédée rend les cadres maîtres de leur travail mais aussi maîtres de leur temps qu’il ne semble plus nécessaire de compter : « la seule chose que m’évoque cadre, c’est le fait que tu ne comptes pas, tu as des horaires de base mais en fait tu n’es pas rémunéré au taux horaire vraiment. Tu n’es pas rémunéré aux vraies heures que tu fais. C’est cette souplesse positive ou négative cela dépend des périodes, sur tes heures de travail »[17]. Ce trait particulier de la catégorie des cadres est inscrit profondément dans la perception que les ingénieurs informaticiens ont de leurs devoirs vis-à-vis de leur direction. Elle semble découler d’une représentation présumée équitable entre la direction et les cadres, ou bien entre elle et les ingénieurs : la direction leur donnant autant qu’ils lui donnent. Le cadre ne serait donc pas payé à l’heure mais à la tâche tout comme l’ingénieur : « Déjà les cadres … c’est juste que tu as … après je sais que c’est autre chose mais moi pour moi cela représente juste quelqu’un qui n’a pas vraiment d’horaires et qui est payé à la tâche »[18], « la principale différence que je verrai c’est au niveau horaire, je n’ai rarement vu de pointeuse dans les boîtes de cadre. Différence de traitement … en général on ne compte pas nos heures s’il y a un truc à finir on le fait et puis voilà »[19]. Cette liberté dans la gestion de son temps est synonyme également de moins de contrôle : « nous ne sommes pas surveillés. Si c’est peut-être ça qui était vraiment ce que je ressentais, c’est que c’était un boulot, ce n’est pas que nous ne sommes pas surveillés tant que tu fais ton boulot »[20]. Elle permet une souplesse sur ses horaires que les autres catégories professionnelles n’ont pas forcément : « tu as personne à tes trousses qui regarde quand tu arrives, quand tu pars, qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui, en fait tu n’as pas ce suivi lourd. La surveillance quoi, tu n’es pas surveillé »[21].

Des avantages plus matériels viennent finalement un peu plus attester de la proximité des ingénieurs informaticiens à la catégorie des cadres. En effet, que ce soit une rémunération avantageuse[22], la possession de diplômes Atosersitaires[23], une certaine stabilité dans son emploi[24], une meilleure mutuelle et un régime de retraite spécifique[25], une fierté d’appartenance à cette catégorie[26], une ouverture d’esprit et un accès facilité à la culture[27], tous ces éléments contribuent également à la construction de ce qu’est un cadre et se retrouvent dans la réalité des ingénieurs informaticiens.

[*] Voir les entretiens

La construction d’un référentiel

La construction d’un référentiel

Les réalités de l’emploi

Sur le métier d'informaticien chez Worldline

Les motivations préservées

Les motivations préservées chez Worldline

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