CSE : No deal ? Dilemme pour les OS
La négociation relative à la mise en place du Comité Social et Économique (CSE) est terminée, aboutissant difficilement à un projet d’accord peu abouti et réduisant drastiquement les moyens alloués à la représentation du personnel. Notre question est désormais la suivante: faut-il signer ce mauvais accord ?
Pour vous faire votre avis, voici un résumé de l’accord (dans sa dernière version), et une réflexion sur les conséquences d’une non-signature.
L’accord
La spécificité de Worldline
Le CSE a été pensé pour des entreprises composées d’un seul site. L’accord aurait pu essayer de l’adapter à Worldline, dont les sites sont bien différents (démographies, cultures, problématiques…), mais n’y réussit guère. Il traduit peu de réflexion sur le fonctionnement de la représentation, ni sur l’articulation local/national. Seules les instances “de base” prévues par la loi sont présentes.
Sur le plan national:
– nombre d’élus : 27 élus titulaires + 27 suppléants (minimum légal)
– crédit d’heures : 27h/mois/élu
– organisation :
– sont prévues les commissions légales obligatoires, guère plus.
– selon la Direction, les suppléants devraient faire du travail local. Pourtant les 27 titulaires ne suffiront pas à animer les différentes commissions nationales et l’articulation avec le local. De plus, les suppléants sont élus nationalement, et doivent suppléer les titulaires pour leur travail national. Tout cela est peu lisible pour les salariés. Enfin, le jeu des élections ne peut garantir une répartition équitable des suppléants sur tous les sites.
Et sur le plan local :
– nombre d’élus : 30 Représentants de Proximité consentis de haute lutte par la Direction (30 pour tout Worldline, moins de 1 pour 100 salariés…)
– crédit d’heures : 10h/mois/représentant (contre 20h/mois pour les Délégués du Personnel actuels)
– organisation : ils n’ont pas de moyens (même pas d’accès à une documentation légale), si ce n’est de transmettre leurs observations à d’autres personnes (RH, élus nationaux), plus ou moins en “off” donc. Les CLP (Commissions Locales de Prévention, ex-CHSCT) ne se réunissent plus que 2 fois par an
Les dysfonctionnements actuels reconduits ?
Plusieurs problèmes systémiques dans les fonctionnements des CE / DP / CHSCT actuels sont identifiés de tous. Pourtant, ils ne sont pas adressés.
– manque d’efficacité de certaines commissions (discussions trop longues, processus de prise de décision défaillant)
– difficulté des élus à utiliser leurs heures de délégation : les projets/clients/managers passent toujours avant, empêchant le travail de fond.
– manque de visibilité pour les salariés sur le travail effectué par leurs représentants
Les propositions CFTC en la matière n’ont pu être abordées en négociation, les débats houleux autour du nombre d’élus ayant monopolisé les séances .
Une réduction sévère des moyens alloués
Lors des élections 2016, notre accord prévoyait 154 postes pour assurer la représentation chez Worldline. On passerait à 54 + 30 = 84 mandats, soit une baisse de 45.5%.
Dans les autres entreprises françaises, la mise en place du CSE entraine une baisse constatée de seulement 30% du nombre de mandats (y compris dans le groupe Atos).
Pour justifier cette coupe, la Direction se cache derrière son petit doigt grâce à un argument pseudo-mathématique qui a tout d’un effet de cadrage : elle affirme que la représentativité sera presque préservée car le nombre d’élus baissera peu, grâce à une baisse du cumul des mandats (actuellement une petite trentaine d’élus cumulent, il devrait y en avoir moins).
Toutes ces baisses se font dans un contexte où la population de Worldline a cru de 19% sur les 3 dernières années.
Mais si on ne signe pas, c’est encore pire ?
S’il est très difficile pour les OS (Organisations Syndicales) de signer un projet considéré insuffisant, ne rien signer serait ici une prise de risque dont il faut prendre la mesure.
Les mains libres pour la Direction
Si aucun accord n’est signé avec les Organisations Syndicales représentatives, la Direction décidera seule et la première mandature du CSE se déroulera selon ses conditions. Le pire n’est pas certain, mais au vu de certaines de ses prises de position durant la négociation, la Direction pourrait même choisir d’appliquer le strict minimum légal (aucun Représentant de Proximité, aucune heure de délégation pour les élus suppléants…), créant un précédent très fâcheux et inédit chez Worldline.
Une nouvelle négociation s’ouvrira alors dans 2-3 ans, mais pourrons-nous obtenir mieux après une mandature placée sous de mauvais auspices ? La Direction pourrait tout-à-fait poursuivre sa politique de serrage de vis, potentiellement renforcée dans son auto-conviction que les Représentants du Personnel sont un centre de coût qu’il convient de réduire.
Un dialogue social dégradé
Cette négociation importante s’est mal passée, et c’est une nouvelle preuve de la dégradation du dialogue social dans l’entreprise. Les OS font largement ce constat depuis plusieurs mois : les négociations aboutissent moins souvent, les positions se radicalisent, les arguments sont teintés de mauvaise foi.
Dans ce contexte, comment la CFTC doit-elle se positionner pour influencer la politique de la Direction ? Est-il plus efficace d’être dans l’opposition ferme en refusant de signer tout accord insuffisant, ou de tenter de se montrer conciliants en signant parfois des compromis aux allures de défaites ?