Grève le 6 septembre : pourquoi ?

In Idées, NAO, Nos tracts

Tous les syndicats ont décidé de joindre leurs forces pour passer à l’offensive en vue de défendre vos droits. Vous, salariés, soutenez à une immense majorité les revendications salariales proposées par les syndicats dans le sondage qui vous a été partagé. C’est dans ce contexte que vous avez reçu un tract intersyndical appelant à un mouvement social, en présentiel, le mardi 6 septembre de 10 heures à 12 heures.

 

Comment en sommes-nous arrivés là, alors qu’il y a encore 10 ans, la simple évocation d’une grève aurait semblé incongrue à la plupart d’entre nous ? Le dialogue social d’alors portait ses fruits. Les salariés avaient le sentiment d’être écoutés et d’être respectés. Aujourd’hui, alors que les résultats financiers de l’entreprise sont excellents, le dialogue ne permet d’obtenir ni un intéressement décent, ni une réévaluation salariale à la hauteur de l’inflation. Il faut donc passer à l’action. Analysons.

 

Bye bye le donnant-donnant

Il y a encore 10 ans, le dialogue social dans notre entreprise était de qualité. Il reposait sur un modèle donnant-donnant : les salariés s’impliquaient, ne comptaient pas leurs heures, et en échange, ils bénéficiaient du fruit de leur travail et de leur implication, via des salaires corrects – notamment à l’embauche -, un intéressement… intéressant, des perspectives de croissance, une pose de congés sans trop de contraintes, etc.

8 ans après notre entrée en bourse en fanfare, le modèle historique grâce auquel Worldline était devenu « la pépite du groupe Atos » s’est délité devant nos yeux. Parachuté PDG, Gilles Grapinet a réussi l’exploit de transformer l’or en plomb. L’entreprise performante dans laquelle il faisait bon travailler s’est transmutée en une lourde organisation centralisée, qui voit fuir hors de ses murs un flux toujours croissant de salariés désabusés et en colère. Les relations avec nos clients (exit les « partenaires ») se sont tendues elles aussi.

 

Rémunérations — , turnover ++

Avant notre entrée en bourse, nous nous distinguions de notre marché par de bons salaires, notamment à l’embauche. Nous pouvions ainsi attirer de nombreux talents qui venaient booster les équipes projets. Faire carrière chez Worldline apparaissait souvent comme une sorte d’évidence ; d’autant que le sentiment d’appartenance et de loyauté était à son zénith. Les repas (très) conviviaux étaient monnaie courante dans les équipes, les départements…
Mais peu après l’arrivée de M. Grapinet, la « juniorisation » devint la nouvelle politique RH : augmenter peu les anciens pour les inciter à partir, afin de les remplacer par des juniors moins coûteux. Notre PDG marqua les esprits de cette phrase confondante de cynisme : « Après quelques années, Worldline doit devenir une bonne ligne sur votre CV ». Il y a encore 2 ans, nos ronds-de-cuir nous expliquaient que Worldline n’était « pas une entreprise pour tout le monde » et que les salariés ne s’y sentant pas à l’aise avaient mieux à faire que d’y rester.

 

Juniorisation, attrition, improvisation

Las, cette politique sociale délétère guidée par la seule boussole du cours de l’action nous a précipités dans la situation actuelle. La pyramide des salaires s’est tassée : on recrute en sortie d’école à plus de 38K sur certains sites, quand le salaire médian global n’atteint même pas 45K ! (pour une ancienneté moyenne de 12 ans…) Conséquence, les plus expérimentés, désormais sous-payés, prennent massivement leurs cliques et leurs claques, pour aller dans une autre entreprise et engranger +20% à +100% d’augmentation salariale. Ils emportent avec eux un savoir et une connaissance de l’entreprise n’entrant dans aucun des modèles financiers produits par nos têtes pensantes.
Les invraisemblables dégâts causés par cette fuite en avant court-termiste sont l’occasion de nouvelles prises de décisions en mode pompier, causant de nouveaux dégâts invraisemblables.
Le montant faramineux de la prime de cooptation que la direction est prête à consentir, nous donne une idée des dégâts financiers causés par les hémorragies de salariés. Aujourd’hui, c’est plus de 1000 postes qui sont à pourvoir (désespérément). La direction tente de présenter cela sous un jour positif, alors que c’est d’une désastreuse destruction de valeur dont elle se rend coupable, en voulant trop économiser sur la masse salariale.
C’est ainsi que l’entreprise « Pas pour tout le monde » devient peu à peu, « pour n’importe qui » : on embauche même des stagiaires contre l’avis des managers les ayant encadrés en stage. Et, puis quelques mois plus tard, on gèle les embauches dans de nombreuses équipes, pourtant en sous-effectif criant… Effrayant.
Tandis que les salaires des productifs restent cloués au sol, les salaires de nos dirigeants – loin de souffrir de l’inflation galopante – prennent leur envol. M. Grapinet gagnait déjà 55 fois le salaire médian de Worldline en 2019, d’après nos analyses ; il a obtenu +15% d’augmentation l’an dernier (+24% pour son bras droit).

 

Marges ++ , intéressement —

Pendant que nos marges (OMDA) progressaient continuellement pour dépasser 25% du chiffre d’affaires, notre intéressement (censé être lié aux résultats de l’entreprise) a progressivement diminué, s’effondrant jusqu’à 1 000 €… S’il y a eu une remontée ces dernières années, les 2 000 € des belles années ne sont pas revenus. Pire, les montants sont indignes d’une entreprise du CAC 40  (3 000 € à 4 000 €), très loin d’Ingenico (10 000 € certaines années). Et, la participation aux bénéfices n’existe quasiment plus.

La direction a longtemps réussi à manœuvrer les organisations syndicales sur ce plan, grâce à quelques stratagèmes et à un chantage bien rôdé (pas de versement en l’absence d’accord). Désormais, l’arnaque au « c’est mieux que rien » ne prend plus.

Malgré les bons résultats financiers, l’action Worldline n’en finit pas de dévisser. En effet, le marché, toujours plus vorace, ne se satisfait pas encore de notre marge (OMDA) de 25%. Pour 2024, c’est 30% que la bête réclame. Prévoyez donc de nouveaux trous à vos ceintures.

 

Dialogue social moribond

Le dialogue social jadis fructueux (congés vs implication, CET, égalité hommes/femmes…) a cédé la place à un dialogue de sourds. La confiance a disparu. La direction ne dit plus toute la vérité. Elle nie certains problèmes, comme le développement des burnouts. Autres signes de défiance, elle cache aux partenaires sociaux ses décisions (augmentation des grilles d’embauche par exemple), ou tente de glisser discrètement des clauses défavorables aux salariés en fin de négociation (plafonnement de l’intéressement l’an dernier).
Depuis 3 ans, les négociations sont dignes des républiques bananières. Elles ont certes lieu, mais tout est joué d’avance : les représentants de la direction viennent avec une feuille de route sans aucune marge de manœuvre, et ne font donc aucune concession, hormis parfois sur la tournure d’une phrase.
Les protestations des syndicats n’y font rien. La direction et ses fondés de pouvoir aux négociations sont coupés des salariés.

 

Conclusion : l’ère du rapport de force

L’ensemble des dérives constatées brosse un tableau calamiteux de l’avenir du climat social de Worldline. L’impact délétère sur nos vies, nos conditions de travail et notre pouvoir d’achat ne relève hélas plus d’une vague probabilité.

Il y a 3 ans, vous avez été 43% à voter pour élire vos représentants. La direction n’a pas manqué de capter ce signal de soutien mitigé, et s’est sentie fondée de croire qu’elle avait les coudées franches pour poursuivre ses ambitions au prix de la santé et du bien-être des salariés et au mépris total du dialogue social. Il est temps que l’ensemble des salariés envoie un nouveau message, très différent.

Il n’y avait pas eu de grève depuis vingt ans. Celle qui vient, bien que courte, devra être massive. Il s’agira d’un coup de semonce collectif dont la puissance sera proportionnelle à la participation. C’est l’heure de vérité ; soit nous sommes un véritable et puissant collectif, soit nous sommes des moutons à tondre.

Réinstaurons un véritable dialogue social au bénéfice de ceux qui produisent la valeur de notre entreprise en instaurant un rapport de force qui nous soit favorable.

 

Toute l’équipe CFTC.

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3 commentsOn Grève le 6 septembre : pourquoi ?

  • L’entreprise Grapinet TP, spécialiste en démolition, existe belle et bien. De plus elle se situe route de Genas à environs 300 / 400 mètres du site Worldline de Lyon Villeurbanne : https://ibb.co/9wYQRcw

    Comme quoi, les coïncidences 🙂 🙂

    Pour revenir un peu plus sérieux, sur le site de Villeurbanne, nous avons les communications du petit Kruger (nom de la rue ou se trouve le site), qui nous informe sur les départs et arrivées sur le site. Encore ce mois ci, plus de départs que d’arrivées. Claude France me fait marrer quand sur BFM TV, elle déclare vouloir embaucher 1500 personnes en France. Les quelques embauches réalisées, ne compensent même pas les départs.
    Mais nul doute qu’à la rentrée les managers des équipes en sous effectifs, nous demanderons des plannings “agressifs”, avec escalade à des niveaux de management ahurissant, et qui n’en doutons pas, dériverons de 3, 6, 12 ou même 18 mois, comme à l’accoutumée. Ben, oui ma brave dame, on n’a personne pour vous répondre et vous fournir les informations dont vous avez besoin …… Mais il faut que le planning soit agressif ! LOL

    Mr Grapinet n’invente rien, il ne fait que reproduire des stratégies standards, commercialisées par des cabinets de conseils en gestion d’entreprise (Boston Consulting, McKinsey, Accenture, Ernst & Young etc …) qui facturent leurs prestations plusieurs millions d’euros. Pour quelqu’un qui est prêt de ses sous (surtout des nôtres), j’avoue avoir du mal à comprendre ! Ou plutôt, si, malheureusement, je comprends.

    Mon épouse et moi même avons déjà vécu ce genre “transformation”, chez nos employeurs précédents. C’est toujours le même schéma qui se répète (process standardisé par les cabinets de conseil précédemment cités), pour le même résultat : La folie des grandeurs, destructuration, perte de sens, scission ou rachats douloureux menés sans aucune logique ni résultat a moyen et long terme.

    Ce qui est important pour tout à chacun, c’est de ne pas tomber sous l’influence du “gourou”, qui ne manquera pas de vous inciter à entrer dans la compétition de la “rat race” (https://fr.wikipedia.org/wiki/Rat_race) dont seuls quelques uns, très haut placés, peuvent espérer en tirer partie, sur le dos des autres.

    En ce qui concerne le mouvement du 6 septembre, rapport à des expériences passées, soyez attentifs aux managers qui seront présents lors des rassemblements. Il est fort possible qu’il y ait des “observateurs”, avec quelques idées derrière la tête. Idées suggérées par la hiérarchie, ou idées conséquences d’un excès de zèle.

  • Si vous voulez avoir un impact très fort le 6 septembre 2022, il ne faut pas CRATTER les 2 heures de débrayage. Il faut qu’à la fin du mois, la direction financière se trouve avec des milliers d’heures non imputées, et que cela pose des problèmes.

  • Merci pour vos remarques !
    Effectivement la direction sera sans doute très curieuse de savoir ce que les salariés pensent de cette grève.
    Concernant les CRA, il y aura probablement des consignes de la direction/du management auxquelles il faudra se conformer. Le droit de grève permet de s’arrêter de travailler à un moment donné pour des revendications précises, mais pas forcément de désobéir frontalement par ailleurs !

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