Worldline entame sa petite révolution culturelle

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Bonjour à toutes et à tous,

Worldline a décidé de dépoussiérer sa méthode d’évaluation de la performance individuelle.

Nous étions, jusqu’à présent, notés sur l’atteinte de nos objectifs individuels ainsi que sur la maîtrise des compétences correspondant à la catégorie et niveau GCM (GLOBAL CAPABILITY MODEL) auxquels nous étions rattachés.

La nouvelle méthode d’évaluation continue à tenir compte de l’atteinte des objectifs, mais remplace l’évaluation des compétences par une mesure de l’adhésion du salarié aux 4 valeurs de l’entreprise qui sont l’innovation, l’excellence, la coopération et “l’empowerment”[1]

Comment comprendre ce changement ?

A moins d’avoir vécu ces dernières années sur la planète Mars, vous avez entendu parler de la transformation numérique à laquelle les entreprises doivent s’astreindre sous peine de sombrer sous peu dans le néant.

Afin de comprendre et mettre dans son contexte cette évolution de notre système d’évaluation des performances individuelles, il faut comprendre que la transformation numérique figure aux premières places des stratégies des entreprises globalisées, en quelque sorte comme un ticket d’entrée permettant d’entrer dans le jeu de la compétition avec les autres acteurs globalisés, et donnant aussi les armes pour les tenir en respect et repousser leurs assauts.  Une telle transformation supposant une évolution  culturelle[2], Worldline a d’abord besoin de redéfinir ses valeurs phares.

Revenons donc à l’évaluation de la performance individuelle. Que vient donc faire cette mesure de l’adhésion à des valeurs jugées essentielles pour l’entreprise et sa transformation numérique, dans une telle évaluation ?

Dans la pensée – hélas souvent bureaucratique – de notre direction, le cheminement intellectuel est d’une forte banalité. Si les comportements individuels désirables censés garantir l’atteinte de notre ambition sont connus, il nous faut les inculquer et en mesurer l’adhésion. Et puisqu’un outil d’évaluation de la performance existe, il suffit de l’adapter à notre nouveau besoin et il sera ainsi possible de mesurer et rendre tangible notre changement de culture.

Pourquoi estimons-nous que cela est dangereux ?

  • D’abord, dans le principe même. Même s’il y a beaucoup à dire à propos du système de mesure de la performance individuelle tel qu’il existait jusqu’à présent, il avait au moins le mérite de tenter d’évaluer les savoirs-faires. Tandis que la nouvelle mouture prétend proposer une méthode permettant de sonder les âmes et les esprits des salariés en les poussant sous les fourches caudines du jugement de managers non qualifiés en la matière, afin qu’ils leur délivrent leur tampon de conformité.  La méthode se voulant scientifique, elle sera basée sur l’observation attentive et la notation des comportements individuels, regroupés selon quatre grandes catégories censées représenter les quatre grandes valeurs.
  • LA CFTC lève une alerte sans équivoque sur ce qu’elle considère comme une dérive inacceptable et sans contre-pouvoirs, d’une ambition managériale sortie de ses rails. L’histoire de l’humanité est jonchée de ce type de dérives, des procès en sorcellerie jusqu’aux pratiques inquisitoires d’examen de conscience des régimes de type stalinien. Ces démarches ont toujours comme point de départ, la prétention de déterminer les intentions, les pensées et les croyances de leurs victimes afin de justifier les contraintes. Dans tous les cas, il est question de chasser les déviances et de faire plier les volontés. Souvent, il s’agit de créer l’homme nouveau, conforme aux projets civilisationnels du régime du moment, avec en tâche de fond une révolution culturelle s’attaquant au langage, aux esprits et aux croyances. Cela ne finit jamais bien.
  • Soumettre un salarié au jugement d’un manager est un exercice qui devrait toujours se faire avec témoins. Le soumettre à un diagnostic de type psychologique, est un exercice qui ne devrait pouvoir se faire qu’avec un consentement explicite du salarié, et être toujours confié aux bons soins d’un praticien qualifié, entraîné à se prémunir de ses propres biais cognitifs et de ses projections.
  • La seule chose qu’un manager devrait être en droit de faire dans ce domaine est l’évaluation de l’atteinte des objectifs.
  • Enfin, le glissement d’une évaluation des savoir-faire vers une évaluation des savoirs-être participe de cette tendance lourde, à laquelle les salariés sont systématiquement exposés depuis des années et qui consiste à les plonger dans une précarité croissante en les privant de tous leurs repères. La dépossession de leurs savoirs, phénomène déjà bien avancé (comme le CSE l’a dénoncé dans son dernier avis sur la politique sociale de l’entreprise), trouve ici une nouvelle escalade et aussi probablement un couronnement à travers ce préoccupant changement de focus.
  • N’y a-t-il pas aussi une sorte de naïveté confondante à penser que cette injonction à afficher les comportements jugés souhaitables, ne pousse encore plus vers la production de personnalités en carton-pâte, avec comme seule raison d’être, la manifestation ostentatoire des éléments comportementaux attendus, alors qu’ils ne constituent aucune valeur réelle, ni pour le groupe, ni pour l’entreprise. Alors que les savoir-faire sont relégués au second plan, l’inéluctabilité d’une confusion entre les savoir-être et les “savoirs-paraître”, constituera une véritable invitation à l’imposture.

Pourquoi estimons-nous que cela est stupide ?

Parce que le dispositif est perclus d’éléments paradoxaux, parfois carrément pervers. En effet :

  • Le salarié est évalué sur l’atteinte d’objectifs individuels et en même temps, il est examiné sous le prisme de son adhésion à la valeur « coopération ». Quand on connait le montant de certaines primes d’objectifs individuels, on peut être fondé de douter de la sincérité de cette disposition.
  • Qu’y a-t-il de plus réifiant[3] qu’une évaluation, surtout si elle est basée sur une pseudo-lecture de la pensée d’un salarié par un manager auquel il est subordonné ? Comment ne pas voir que prétendre pouvoir soumettre autrui à un jugement de valeur est une négation de son altérité, une sorte de violence psychologique qui lui est infligée avec l’imprimatur de l’autorité suprême que représente l’employeur ? Et tout cela sous le couvert du concept d’empowerment qui est tout le contraire de cette castration symbolique !!
  • Il faut savoir que l’outil de revue des performances a pour vocation de détecter telles des pépites, les soi-disant « high potentials » – un des nombreux termes de la mystique néo-manageriale, en droite ligne avec le darwinisme social et sur lequel il y aurait tellement à dire. Ces pépites constitueront le tissu managérial de demain.  Voyez-vous l’ironie qu’il y a à mettre en place une sorte de photocopieuse à managers tout en prônant l’innovation ?
  • Le novateur, c’est celui qui bouscule les vaches sacrées, celui qui gêne, alors comment le détecter en ne filtrant via ce tamis à managers que les gens les plus conformistes ?
  • Une culture est le ciment d’un groupe. C’est une communauté de croyances, de valeurs, de normes comportementales, de modèles explicatifs. Une culture transcende les âges, les sexes, les talents, les statuts. C’est une chose qui se vit et qui s’incarne. Ce n’est certainement pas une chose qui se note et encore moins au niveau individuel ! Noter c’est subordonner, c’est créer une emprise mentale. C’est justement s’inscrire aux antipodes de chacune des valeurs déclarées !!!.

 

Nous conclurons ce billet par une mise en garde aux salariés.

En vous prêtant au jeu d’une évaluation psychologique qui ne dit pas son nom, effectuée par une personne qui n’a pas les compétences en la matière et qui a un pouvoir sur vous, vous acceptez l’étau d’une injonction paradoxale dont l’aboutissement est toujours le même : la dilution de certains de vos repères tangibles, le renoncement en tant que sujet à faire sens de votre propre réalité et la reddition à un discours instrumentalisant, véritable outil de pouvoir, non pas à votre service mais au service du profit de l’entreprise.

 

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Bien à vous


[1] Sans traduction directe en français ; parfois traduit par responsabilisation ou autonomisation – To empower ~ investir de pouvoir

[2] Comme le disait Peter Drucker, un des pionniers de la conduite du changement en entreprise, « La culture mange de la stratégie au petit-déjeuner ». Cela ne signifie certes pas que la stratégie est moins importante que la culture. La façon dont il faut comprendre cette affirmation, c’est qu’une culture mal appropriée, peut enrayer voire mettre en échec l’exécution d’une stratégie. D’où le supposé besoin d’une transformation culturelle pour Worldline afin de promouvoir non seulement notre transformation numérique, mais aussi de faire sauter tous les freins à son accomplissement.  La culture dans une entreprise, est constituée de ces choses intangibles que l’ensemble du personnel partage, qui permettent de se constituer en tant que groupe social, de concevoir une identité commune, un sentiment d’appartenance, et ainsi, de tendre à l’unisson vers une même vision. Une culture, c’est aussi un ensemble d’aspirations communes, de croyances partagées, de façons de penser, de se comporter et d’agir ; le tout sous la férule de valeurs essentielles partagées.

[3] La réification consiste à réifier, c’est-à-dire à donner les caractéristiques ou transformer en chose ce qui ne l’est pas, tel que considérer une personne comme un objet ou bien une idée abstraite comme un élément concret, ou à leur donner un caractère statique ou figé

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