Mon burnout chez Worldline [4]

In Paroles de salariés

Table des matières

Avant le burnout

Sur la séparation build & run

Disponibilité permanente et signes annonciateurs

La crise de larmes et la visite chez le médecin

Le premier arrêt de travail : 1 mois avant la rechute

Estime de soi et culpabilité

Estime de soi et programme LEAD

Soutien de l’équipe

Un temps insuffisant pour se reconstruire

Le seconde arrêt de travail : une année pour se reconstruire

3 kifs par jour

Se faire aider

Déconstruire la culpabilité

Jusqu’à être prête à revenir

Le retour dans l’entreprise

Les séquelles du burnout

Prévenir la rechute

Des pistes pour prévenir le burnout

Détecter les situations de stress

Bien former les managers

Apprendre à communiquer

 

 

Equipe CFTC : on peut commencer si tu es OK. Pour commencer comment vas-tu ? C’est quelque chose qui est maintenant derrière toi ?

Margaux : oui tout à fait. J’ai mis plusieurs mois, en fait, un temps assez long pour retrouver une situation chez Worldline mais à partir de ce moment-là cela a quasiment toujours été très bien. J’ai eu un petit passage à vide le jour où on m’a dit « tu reprends une équipe ». Là cela a duré neuf mois pendant lesquels je disais « non, je ne veux pas », je ne voulais pas, et cela ne marchait pas.

Equipe CFTC : ok. On pourrait rapidement revenir sur ton parcours afin que je comprenne bien ?

Margaux : J’ai commencé comme responsable de clientèle. C’est un peu comme gestionnaire d’application mais avec la dimension commerciale plus ancrée, le foisonnement, tout cet aspect-là. Je ne suis pas informaticienne. Et un peu par hasard je me suis retrouvé cheffe de projet, puis cheffe d’équipe, puis responsable de département. Je suis dans une BU en charge d’un département qui fait du RUN pour un grand nombre de clients. De mémoire mon département faisait 25 personnes.

Equipe CFTC : tu avais déjà des responsabilités importantes.

Avant le burnout

Margaux : oui et cela était un peu le problème. C’est-à-dire, que par rapport à mes débuts en mode batch et appli client-serveur on était arrivé à l’ère d’Internet et du temps réel. Cela change un peu la donne. Sont arrivés entre-temps les BlackBerry, donc disponibilité 24 heures sur 24, tu vois tes courriels, les escalades, tu vois les incidents, tu es appelée et au final, plus tu fais du Run, plus tu as d’application dans ton portefeuille et plus la probabilité qu’un de tes gars  bossent une nuit ou un weekend est élevée. Voilà. Donc là cela ne va plus du tout.

Equipe CFTC : pour bien comprendre. Vis-à-vis des escalades, dès qu’il y avait une problématique Run hors des créneaux de travail normaux, comment cela se passait avec ton équipe ? Et les autres responsables de département ? Il y avait des formes de solidarité organisées ?

Margaux : j’ai un chef extraordinaire, très attentif et très présent. Mais qui [hésitation] qui n’entend pas quand je lui dis que je ne suis pas contente de ce que je fais. Et par rapport à la question que tu poses, j’ai toujours été très maternelle et pour l’équipe c’est pareil, je regarde mon BlackBerry, je vois qu’il y a un incident, je vois qu’un membre de l’équipe est en train de traiter un problème, donc je prends contact avec lui, « qu’est-ce que je peux faire pour toi ? » Je ne peux pas l’aider à résoudre l’incident, alors je fais la communication client parce que c’est de ma compétence, parce que c’est la seule manière dont je peux aider vu que je ne peux pas déboguer. Du coup voilà, le lundi matin, je vais voir mon chef, « nous avons encore eu un problème sur un client, et sur un autre ». Et on disait que c’était résolu, « tu aurais dû laisser le membre de ton équipe se débrouiller ». Ok. Donc il me disait que « c’était bien ce que tu as fait, voilà, mais peut-être tu en as fait trop », le mec de mon équipe il était content, j’amenais  les croissants je le remerciais, « merci d’avoir bossé », voilà. L’humanité et la reconnaissance dont on manque peut-être éventuellement, c’est encore un autre aspect difficile en tant que middle manager ; les injonctions paradoxales et le manque de moyens dont on dispose globalement pour animer son équipe, c’est quelque chose qui fait mal, et donc du coup ma façon de compenser, c’est de ramener des bonbons, des gâteaux, des chocolats, de faire des fêtes, des apéros.

Equipe CFTC : d’accord.

Margaux : c’est ça la vraie vie.

Equipe CFTC : fais ce que tu peux avec ce que tu as.

Sur la séparation build & run

Margaux : je pense qu’à cette époque-là aussi, une des difficultés que l’on ressentait puisque mon boss était responsable de tout le pôle qui faisait du Run, venait de cette scission Build and Run. Le seul endroit où on se rejoignait hiérarchiquement, c’était quasiment au niveau du patron de BU, et donc il y avait tout le Build d’un côté et tout le Run de l’autre. Evidemment on avait des conflits, des difficultés, pendant des mises en production, les problèmes traditionnels. Ça c’était des difficultés que l’on exprimait, ne pas s’entendre, etc. Et puis il y avait des guerres de chefs au-dessus qui ne pouvaient pas se supporter et du coup des clans, ça a été dramatique et cela faisait partie des choses que j’exprimais. J’avais rencontré le boss de la BU et je lui ai dit « le build cela ne va pas, les équipes commerciales ne sont pas toujours au rendez-vous donc nous on est obligés de faire tout le boulot, le foisonnement, le développement ». Cela répond aussi à ce que tu disais sur l’organisation sur comment elle met en tension. Quand tu es avec un client, tu as envie qu’il soit bien servi et du coup si cela n’est pas bien fait par la constellation et la répartition des rôles, et bien tu prends sur toi et tu en fais davantage.

Equipe CFTC : Sur la séparation build and Run, tu remontais ces différents problèmes, quelles ont été les réponses qui ont été apportées aux problématiques que tu évoquais ?

Margaux : de mémoire on était surtout sur « on va renforcer les équipes Build to Run, on va faire des check list, on va intensifier les benchs, on va exiger un compte rendu untel, et un compte rendu de test, etc. on va automatiser les tests », c’était plutôt des réponses de ce type-là. On va renforcer, on va structurer pour se blinder. Alors que ce n’était pas du tout ce que je demandais. C’était que l’on abaisse le niveau de rapprochement. Faire du Build et du Run séparés, en soi c’est une façon de dédier les équipes et de les aider à se concentrer, pourquoi pas. Mais tu ne peux pas à remonter à N+4 pour arbitrer des litiges entre le build et le run.  Ca cela ne va pas.

Equipe CFTC : oui je vois

Margaux : avec des notions de perçu, de ressenti tellement subjectif et personnel, que si tu montes à N+4 dans un CR ou dans un mail, cela ne va pas. On ne comprend plus la teneur du problème, c’est trop loin du terrain.

Equipe CFTC : Tu disais que tu étais un peu la maman de l’équipe, comment ils se sentaient les membres par rapport à tout ça ? Ils étaient également beaucoup sollicités ?

Margaux : cela se répartit davantage. Quand il y a une équipe pour un client, c’était une douzaine de personnes par exemple, il y en a un qui bosse. Mais responsable de département,  Il y en a juste une. Mais pareil, le chef d’équipe qui s’occupait d’un client qui posait des problèmes, lui aussi était sur le pont tout le temps.

Disponibilité permanente et signes annonciateurs

Equipe CFTC : d’accord. Donc ici en termes de temps de travail comment tu décrirais ça ? C’était régulier ? Tu te faisais régulièrement embêter le week-end ? Tu avais du mal à couper avec le monde professionnel ?

Margaux : moi je ne coupais plus du tout. Et là on tombe typiquement dans le cercle vicieux qui est présenté dans la formation sur la gestion du stress, laquelle n’est malheureusement pas systématiquement suivie par tous les managers. Et qui parle vraiment de comment détecter le moment où il y a une bascule. Et effectivement quand il y a un surinvestissement et que tu n’as plus aucune phase de déconnexion pour quelque raison que cela soit, est-ce que c’est un surinvestissement volontaire dans le travail parce que tu as un besoin de reconnaissance de ceci ou de cela ou de te changer les idées, parce que tu as des difficultés personnelles par ailleurs, peu importe, mais au moment où tu ne lâches plus ton téléphone, tu ne lâches plus tes mails, tu te reconnectes tout le temps etc. là tu nies tes priorités et ton équilibre personnel et tu bascules dans le deuxième tiers du cercle vicieux dans lequel cela commence à ne plus être du tout équilibré !

Equipe CFTC : avant que ton burnout se déclenche, est-ce qu’il y avait des symptômes précurseurs ? Tu t’es dit « il faut que je commence à faire attention » ? Ou cela t’est tombé dessus sans prévenir ?

Margaux : je ne l’ai pas identifié mais je ne les supportais plus, c’est-à-dire que mon équipe chérie à qui je tentais de faciliter la vie de toutes les façons possibles, je ne voulais plus les voir parce que chaque fois qu’ils venaient me voir c’était parce qu’il y avait une difficulté. J’en suis venue à fermer la porte de mon bureau et ça c’est un truc que je n’aurais jamais fait avant. Ça c’est un truc que l’on te dit dans la formation dès qu’il y a un changement d’attitude, que tu bois du café alors tu n’en buvais jamais, que tu fermes ta porte alors qu’elle était toujours ouverte, quand tu ne vas plus déjeuner à la cantine avec les autres membres de ton équipe, soit disant que tu n’as plus le temps et que tu prends un sandwich, c’est ce que je faisais, manger devant mon bureau, me dire « oui mais comme ça j’aurais peut-être plus de temps ce soir », mais non, tu n’auras pas plus de temps. Et moi donc c’était vraiment la porte fermée de mon bureau.

Equipe CFTC : d’accord.

Margaux : et un truc visible, le manager qui est formé à le détecter, doit se dire « c’est bizarre ».

Equipe CFTC : ce n’est pas anodin

Margaux : je pleurais, je pleurais et je suis arrivée chez mon médecin qui m’a dit « je vous arrête ». « Ah !! Non, non, non, il n’en est pas question, je suis juste fatiguée, donnez-moi des vitamines ! » « Non, je vous arrête une semaine ». Et puis en fait à la fin de la semaine, je pleurais encore, « il est hors de question que vous retourniez au travail, je vous arrête encore ». Là encore : « non, il faut que j’y retourne, ils ne pourront pas y arriver sans moi ». Et comme ça j’ai fait un mois et demi d’arrêt.

Equipe CFTC : d’accord.

Equipe CFTC : juste avant, au niveau de ta vie personnelle, tu voyais aussi des choses, qui commençaient à se dérégler de la même manière que tu commençais à fermer ta porte au boulot ? Ou avais-tu réussi à préserver ta vie personnelle ?

Margaux : non, cela allait plutôt correctement côté personnel. Je n’avais pas de difficultés. Mais après un deuil éprouvant, j’ai vraiment eu besoin de m’investir dans le travail. Et du coup j’ai commencé le chemin sur le cercle vicieux, c’est-à-dire que j’ai beaucoup travaillé, donc j’ai été beaucoup reconnue, et promue et donc cela était satisfaisant, donc j’ai été plus visible, et puis j’étais appréciée et on me l’a dit. C’est comme ça que j’ai glissé sur la pente du cercle. Mais à la maison il y avait les deux garçons, je travaillais toujours officiellement pas le mercredi, voilà. Un semblant d’équilibre.

La crise de larmes et la visite chez le médecin

Equipe CFTC : Quand tu vas voir ton médecin cela n’est pas arrivé à la suite d’une impossibilité de retourner au travail un matin après que tu te lèves ?

Margaux : non. Je n’ai pas été paralysée mais je pense que [réflexion] j’étais au bureau assise, j’étais avec mon boss et la RH, et on était dans son bureau en train de discuter des augmentations de mon département. Et je me suis mise à pleurer. Et je ne sais plus pour quelle raison. Et elle m’a dit « oulala je crois que tu es fatiguée, tu devrais aller voir le médecin », et en fait, c’est comme ça que j’y suis allée.

Equipe CFTC : donc cela s’est déclenché un petit peu au travail tout de même.

Margaux : oui

Equipe CFTC : On est d’accord que tu étais toujours dans le contexte que tu décrivais, avec beaucoup travail et des sollicitations week-end

Margaux : Oui, je regardais un petit peu les courriels de l’époque, je retrouve des archives qui me font encore mal au bide rien qu’en les lisant. J’écrivais, je disais tout ce sur quoi je n’étais pas contente, quand on me dit « tu vas libérer trois ressources, on a une urgence sur un autre client, libère trois ressources ». Et voilà, l’argumentaire que je dois écrire contre ça, c’est des trucs, cela fait partie de la souffrance. On t’arrache ton équipe, tes collègues, ton ambiance.

Equipe CFTC : oui j’imagine. Tu es obligée de composer en termes d’effectifs, un effectif global au pôle, et toi en tant que responsable de département, tu dois gérer les vases communicants, c’est un peu ça ?

Margaux : voilà, c’est ça.

Equipe CFTC : donc là ton médecin t’arrête. Quand il te voit, qu’est-ce qu’il te dit ? Comment il décrit médicalement le problème ?

Margaux : elle me connaît très bien. Elle ne peut pas me dire d’emblée « je vais vous arrêter très longtemps » mais dans sa tête cela était très clair. Et donc elle m’a dit « vous avez besoin de repos, prenez du temps pour vous, faites des choses qui vous font plaisir, prenez une semaine. Et on se revoit dans une semaine ». Mais dans sa tête, c’était très clair, c’était un burnout. On a fait comme ça, de semaine en semaine, j’ai fait un mois et demi et là, pour moi la seule façon de m’en sortir, le truc auquel je m’accrochais, c’était un bilan de compétences. C’était la chose que j’étais en train de mettre en place juste avant de craquer. Et le bilan de compétences, tu ne peux pas le faire, du moins quand il est financé par l’entreprise, tu ne peux pas le faire en arrêt maladie. Donc il fallait que je reprenne le travail. Et du coup j’ai insisté auprès de mon médecin et de la RH pour reprendre en mi-temps thérapeutique. Et ça cela a duré un petit mois. Cela faisait un mois et demi que j’étais en arrêt, j’ai repris en mi-temps thérapeutique. Pour un mois seulement. Parce qu’en fait au bout d’un mois je retombe. Parce que je n’arrive pas, chaque midi, à partir, à laisser les choses en plan, j’ai un sentiment de « je ne fais pas mon travail », je ne suis pas digne de confiance, je vaux moins que rien. Et donc là au bout de ce mois de tentative, début 2013,  j’ai été arrêtée … pendant 12 mois.

Le premier arrêt de travail : 1 mois avant la rechute

Equipe CFTC : comment tu te sentais pendant ce premier mois ? Vis-à-vis de l’entreprise, vis-à-vis de ton métier, de tes collègues ? Comment tu le vis, ce premier mois d’arrêt ?

Margaux : je le vis mal parce que déjà qu’on te dise « tu n’es plus capable de travailler » [hésitation] donc à ma reprise j’avais fait cette formation proposée par un organisme sur la gestion du stress. On y reviendra éventuellement, mais voilà ce qu’elle dessinait. Quand je te parlais du cercle vicieux de l’épuisement professionnel, je ne sais pas si tu connais ce dessin, tu pars d’en haut « vouloir faire ses preuves », et tu fais tes preuves, et donc tu es renforcé dans ta conviction que tu fais bien, et que tu fais juste, parce que tu es encouragé, tu es reconnu. Du coup tu descends le long de ce cercle, jusqu’au 1er quart. Et puis là, premier signal « abandon de tes propres besoins » : tu regardes ton BlackBerry le week-end etc. et ensuite tu regardes tes mails le dimanche. Puis « négation des conflits émergents » genre « quand je les regarde le dimanche, je suis plus détendu le lundi matin quand j’arrive au boulot etc. ». Et puis après « substitution de valeur » par exemple « oui mais en fait cela leur fait du bien de travailler aussi le week-end, cela leur permet d’expérimenter la collaboration etc. ». Enfin bref, ensuite tu te mets en retrait, parce que c’est trop, tu n’es plus présent. C’est-à-dire « modification de  comportement observable » et ensuite tu baisses dans ton estime de soi : « qu’est-ce que je fous là ? Je suis nul, « vide intérieur », tu as dépassé les 2/3 du cercle, et finalement tu passes au mieux dans la déprime et au pire dans le burnout et la dépression.

Equipe CFTC : d’accord.

Estime de soi et culpabilité

Margaux : et quand on te dit « tu es en arrêt » et bien tu es dans cette zone-là, aux ¾, parce que tu as dépassé déjà la baisse de l’estime de toi,  tu es dans le vide intérieur, tu n’as plus de ressources, tu n’as plus rien, ni pour toi, ni pour ton équipe. Du coup si toi en tant que manager, tu n’as plus d’énergie pour ton équipe, tu es bon à rien. Et du coup quand on te dit « tu es en arrêt », et bien tu te demandes comment ils vont faire ? Qui va faire ce que je faisais ? Et moi c’est ça qui me désespérait. Qui va les protéger des « méchants d’au-dessus » ? Qui va les protéger des clients ? C’était l’horreur. Comme j’étais déjà dans la dépression, bien que ne le voyant pas moi-même, j’étais incapable de profiter de ce temps-là pour me reconstruire. En plus, c’était novembre et décembre, ce n’était pas les meilleurs mois, et donc je restais assise dans mon fauteuil et je pleurais.

Equipe CFTC : d’accord. Tu te sentais coupable d’abandonner ton équipe.

Margaux : oui tout à fait.

Equipe CFTC : pendant ce premier mois, comment  vas-tu essayer d’apporter une réponse à ça ? Tu vas te faire aider par quelqu’un ?

Margaux : j’avais déjà une relation avec un psychothérapeute avant mais pour traiter la question du deuil plutôt, pas pour traiter l’épuisement professionnel. Mais du coup effectivement d’avoir un petit peu plus de temps m’a permis d’aller un peu plus souvent la voir, où elle essayait justement de renforcer l’estime de moi en me disant comme j’étais précieuse, comme j’étais riche, comme j’étais enthousiaste, que j’avais plein de choses à donner mais qu’il fallait que je me laisse le temps et qu’il fallait d’abord que je me nourrisse et que je fasse des choses pour moi, enfin bon voilà, on essayait de rétablir ça. Mais je ne l’entendais pas ce message. J’étais vraiment, j’étais vraiment trop [hésitation] enfin voilà quand il n’y a plus rien, tu sais, il n’y a plus [silence] il n’y a plus moyen-là.

Equipe CFTC : pendant ce premier mois, avant que tu reviennes en mi-temps thérapeutique, c’était quelque chose qui était en train de se mettre en place, tu n’avais pas encore eu le temps de te reconstruire à ce moment-là ?

Estime de soi et programme LEAD

Margaux : non pas du tout. Non, puisque si j’étais revenue c’était vraiment uniquement dans le seul but de faire un bilan de compétences pour reconstruire cette estime de moi qui me manquait. En fait juste avant il y avait eu le programme LEAD. Et j’attendais beaucoup de ce programme. J’attendais qu’il me redonne du sens, qu’il me dise que j’étais légitime où j’étais, et ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Ce programme LEAD, tu l’as fait ?

Equipe CFTC : non.

Margaux : il y a donc cette fameuse grille qui s’appelle LEA qui est l’analyse de ton comportement, de qui tu es, comment tu te comportes etc. et sur les, je ne sais plus combien il y en a, 14 grands axes, il y en a cinq qui sont stratégiques pour Worldline. Et bien sur ces cinq actes principaux, je suis nulle : stratégie je suis nulle, contrôle je suis nulle, innovation je suis nulle etc. Ma conclusion « tu n’as rien à foutre ici ma cocotte ». Moi je suis très forte en communication, je suis très forte en empathie, je suis très forte en dynamisme, mais ce n’était pas ce qui était attendu. Et à la toute première séance de restitution du LEA, je pleure ! C’est-à-dire que le formateur me donne mon truc et ensuite nous recevait individuellement, et je pleurais, je pleurais ! J’ai encore mes notes où il me dit « bon il faudrait voir à se reposer, cela va aller », enfin tu vois ? Il avait déjà perçu qu’il y avait du malaise. Et donc ce truc-là, je l’ai mené jusqu’au bout en me disant que ça allait me reconstruire, « c’est bon, je vais trouver du sens, cela va me relancer », et à la fin c’était nada, et la soutenance c’était creux, oh !! Et 2 mois après la soutenance, boum je tombe malade. Donc tu vois pour remonter dans l’estime de moi, c’était vraiment ce bilan de compétences auquel je m’accrochais, mais en un mois de toute façon tu ne fais pas un bilan complet. Ensuite j’avais une matinée pour le bilan de compétences mais j’en avais quand même trois à passer au bureau, et trois avec une charge quotidienne normale, c’est-à-dire je n’avais pas été spécialement débarrassée de mes activités puisque je n’avais été arrêtée « que » un mois et demi. Chacun avait survécu mais la tâche était là. Du coup la tâche, je ne peux pas la traiter juste sur trois matinées, donc je ne fais pas mon boulot, donc je ne peux pas me relancer.

Soutien de l’équipe

Equipe CFTC : d’accord. Avant d’avancer dans ton arrêt, quand tu reviens, comment cela se passe avec l’équipe ? Et ton management ? Est-ce qu’il se soucie de toi ? Est-ce qu’il prenne soin de toi ?

Margaux : oui parce que nous prenions tous soin les uns des autres, parce que nous étions un département plutôt soudé, tout le monde était content que je revienne, tout en notant que je n’étais pas vraiment moi, que je n’étais pas complètement là forcément, trois demi-journées cela ne fait pas lourd pendant une semaine. Et mon boss qui disait « fais ce que tu pourras mais n’en fais pas plus ». Oui mais tu vois, le message en réalité est le piège. « Fais ce que tu pourras », oui mais je voudrais en faire plus, et je ne le fais pas. Et si je ne le fais pas, il devra me reprendre des dossiers, et ça c’est quelque chose qui est très violent. Quand on te décharge, quand on te dit « non tu ne feras plus ça », d’un côté c’est la seule façon de faire, il ne faut pas laisser le choix, il faut soulager la personne, mais en même temps c’est très violent à vivre. Cela aurait été à lui de dire « j’ai repris ce client, j’ai repris un autre client, j’ai repris aussi ce client, tu gardes juste ce dernier client ».

Equipe CFTC : ok. Je ne veux pas que l’on anticipe trop sur ton retour après ton long arrêt, mais grosso modo il n’y avait pas grand-chose qui avait changé à ce moment-là ?

Margaux : non.

Un temps insuffisant pour se reconstruire

Equipe CFTC : ni dans ta tête ni dans l’organisation ? Donc il y avait toutes les chances pour que tu retombes ?

Margaux : Oui parce que je pense que quand on est à ce niveau d’épuisement, ce que je ne mesurais pas et probablement eux non plus, on ne peut pas revenir au bout d’un mois et demi. Quand tu disais tout à l’heure il y a épuisement professionnel, pour moi épuisement professionnel et burnout, c’est le même terme, en revanche tu peux avoir des très grosses fatigues ou des gros stress, et là on est plutôt dans la zone qui est juste avant, et alors peut-être qu’un mois et demi ou deux mois suffisent. Mais si tu es vraiment dans le burnout, à mon avis en dessous de six mois, je ne suis pas médecin, mais de ce que j’avais entendu, aussi parce que Atos avait organisé une conférence sur la thématique, en dessous de six mois tu n’as pas les moyens de cheminer suffisamment sur toi et ton positionnement par rapport à tes priorités, et tes  besoins fondamentaux.

Equipe CFTC : oui tout à fait. Cela ne se passe pas très bien ce mois-là quand tu reviens. Tu fais ton bilan de compétences, tu arrives au terme ?

Margaux : j’ai réussi à choisir mon bilan de compétences. J’ai sélectionné l’organisme mais voilà impossible de continuer. Je retombe à la fin du mois donc j’ai mis en suspens le bilan de compétences.

Equipe CFTC : donc là à nouveau tu retournes voir ton médecin.

Le seconde arrêt de travail : une année pour se reconstruire

Margaux : et cela fait un mois d’arrêt tout de suite. Et je lui dis d’accord. Et là je ne pleure plus. Je lui dis  « j’ai besoin de temps ». Oui c’est ce que ce qu’elle me dit, et elle me dit qu’elle savait que j’allais revenir. Et là on va de mois en mois, et on fait une année.

Equipe CFTC : comment tout ce travail, comment tu fais, tu me parlais de vide intérieur, de baisse d’estime de toi, comment tu te reconstruis ? Comment tu reprends le dessus sur la culpabilité que tu pointais du doigt juste avant ?

3 kifs par jour

Margaux : je pense qu’il n’y a plus de culpabilité parce que ta vie est en danger. C’est-à-dire tu n’as plus l’énergie de rien faire, tu vois,  l’école des enfants, elle est à 300 m d’ici, et je n’étais plus capable d’emmener mes enfants. Donc il n’y a plus de culpabilité au sens propre. « Qu’est-ce que je fous là ? Qu’est-ce que je fais dans ma vie ? » Donc là les seuls trucs qui m’ont remonté c’étaient les rendez-vous chez la psychothérapeute, pour ma part j’ai pris l’habitude de faire des massages ayurvédiques, selon une tradition indienne qui travaille sur l’énergie profonde, sur les chakras, et toutes les semaines, un rendez-vous avec une professionnelle qui du coup travaille sur ton corps, parce que finalement tu as beaucoup oublié ton corps, puisque tu n’avais plus le temps de faire du sport, tu n’avais plus le temps de rien. Et donc on retravaille à des petits plaisirs. Relire le bouquin de Florence Servan-Schreiber « 3 kifs par jour », tu prends un carnet et chaque soir tu dois écrire trois choses qui t’ont fait plaisir. Et donc tu te creuses la tête parce que franchement qu’est-ce qui t’a fait plaisir ? Eh bien le sourire de la boulangère, voilà. Au départ, tu as vraiment du mal et puis petit à petit tu arrives à mettre en place une stratégie pour retrouver un kif des jours précédents. Parce que l’exercice est aussi de tourner les pages et de remonter en arrière : qu’est-ce qui m’a fait du bien et qu’est-ce qui m’a fait plaisir ? Eh bien prendre un café avec ma grand-mère, finalement ça avait été bien. Et bien OK je prends ma voiture et j’amène ma grand-mère boire un café et puis voilà, ce sont des petits plaisirs de la journée, pour revenir à des choses simples et fondamentales. Le jardinage, le tricot, les enfants, la cuisine, enfin des activités manuelles, qui te reconnectent avec toi, c’est ça le truc.

Margaux : par exemple pour récupérer de l’énergie : ne faites rien, flânez, déléguez, prenez du plaisir, cherchez ce qui vous fait du bien, partagez.

Se faire aider

Equipe CFTC : ici c’est un travail que tu fais à la fois toute seule et aussi avec l’aide de la psychothérapeute ?

Margaux : oui c’est ça. Et la masseuse aussi.

Equipe CFTC : tu penses que tu aurais pu t’en sortir sans la case psychothérapeute ?  .

Margaux : pour moi c’était déjà en place, avant, mais [hésitation] je pense que quand tu es dans un tel état d’abandon, d’épuisement, faire la démarche d’aller rechercher quelqu’un que tu ne connais pas pour mettre en place une relation, cela demande trop d’énergie, je pense que c’est difficile. Tu vois ? Ce n’est pas une question d’être pour ou contre le principe,  le souci c’est par rapport à l’investissement de départ. Si on te dit « va voir cette personne », ce n’est pas pareil, si le médecin peut t’envoyer chez quelqu’un, cela peut être bien, le chemin est balisé. Mais si le médecin dit « non je ne prends plus de nouveaux patients », et bien tu retombes, tu ne peux pas. C’est difficile d’avoir l’initiative d’aller trouver quelqu’un. Il n’y a plus de jus pour rien, tu vois. Ça c’est difficile. Mais je pense que oui c’est important. C’est important d’aller juste vider son sac et d’avoir quelqu’un qui très objectivement te pose des questions pour t’aider à remettre du lien et redéfinir tes priorités : « Finalement est-ce que vous avez du plaisir à vous lever le matin ? Dans cette société ? Est-ce qu’il y a quelqu’un que vous aimez dans cette société ? » « Eh bien oui plein. D’accord », c’est important tu vois. Parce que dans ta façon de gérer ton retour ou ta projection de ton retour c’est complètement différent de « je n’y remettrai plus les pieds » ou bien « j’y retournerai et cela va aller ».

Déconstruire la culpabilité

Equipe CFTC : je rebondis sur ce que tu viens de dire, tu évoquais que tu pensais déjà à ton retour,  six mois après le début de l’arrêt, comment tu te projetais ? Tu te voyais revenir ? Cela te faisait peur ?

Margaux : non, même si au bout de six mois, je vais mieux. Je suis comme une chômeuse très bien indemnisée et qui est mariée à quelqu’un qui gagne bien sa vie, tu vois. Je n’ai pas de soucis d’argent. C’est l’été, je vais mieux, je vais boire des cafés avec ma grand-mère et mes copines, cela ne va pas durer, mais je n’ai pas envie d’y aller le matin. J’ai envie d’aller bien. Et voilà. Donc c’est plutôt [hésitation] j’ai déjeuné deux ou trois fois avec mon chef toute seule et puis mon chef et mes pairs, les autres responsables de département au cours de cette année-là. J’avais quelques mails de temps en temps, j’ouvrais ma messagerie quasiment jamais, mais je regardais uniquement ce qui s’appelait perso, news, comment vas-tu etc.

Equipe CFTC : d’accord.

Margaux : ça fait du bien. J’ai eu beaucoup de soutien.

Equipe CFTC :   C’est bien.

Margaux : je pense que c’est important parce que ça pour le coup cela définit complètement ton positionnement par rapport à l’entreprise. Et je ne considérais pas, à cette époque-là, je ne l’avais pas complètement analysé, que Worldline était fautif. Ils étaient responsables mais pas forcément coupables.

Equipe CFTC : [rires] Explique-moi.

Margaux : il n’y avait pas de mauvaises intentions, il y a même plutôt une bonne intention. « Comment vas-tu ? Prend le temps qu’il faudra, tout va bien [hésitation] quelles sont tes envies ? On y répondra ». Et cela a été comme ça au retour du reste. Même si c’est de l’épuisement professionnel et donc Worldline est responsable, comme il n’y a pas eu cette mauvaise intention, ils ne sont pas coupables. C’est pour moi la différence. Toutefois après et au cours de l’arrêt, j’ai quand même listé un certain nombre de trucs, je revois encore la liste, c’était une double page sur une feuille de papier, d’un côté il y avait des raisons parfaitement objectives et structurelles de ce qui m’avait flingué et de l’autre côté il y avait plein de raisons subjectives et personnelles, quelles erreurs j’aurais pu faire dans ma manière de travailler qui auraient abouti les unes et les autres à cette situation de burnout. Et du coup oui j’avais réfléchi, cette histoire de Build & Run ce n’est pas clean, les équipes commerciales, trop faibles, je ne sais plus ce qu’il y avait d’autres, il y en avait une pleine page.

Equipe CFTC : les escalades et tout ce que tu décrivais au début ce n’est pas très bon pour ta santé également.

Margaux : Oui mais on est dans un mode de delivery en temps réel qui fait qu’il y a des gens, tu le sais, il y a des pilotes qui travaillent 24 heures sur 24, il y a des astreintes, il y a des interventions de nuit, on le sait que l’on ne peut pas gagner notre fric si il n’y a pas des mecs qui font un reboot à quatre heures du matin.

Equipe CFTC : oui tout à fait mais il y a des astreintes qui sont organisées pour certaines équipes, et pour d’autres, par exemple en BU, ce n’est pas forcément fait.

Margaux : oui sauf que pour le coup, moi je me battais pour que tout le monde déclare ses astreintes, ses appels et ses interventions de nuit. Et tous les lundis matins, je me farcissais la liste des tickets SD d’incident pour vérifier s’il y en avait qui étaient chez moi et s’il y en avait qui avaient donné lieu à une escalade et face à cette escalade, quelle mesures on prenait pour que cela n’arrive plus.

Equipe CFTC : tu fais ça très bien.

Margaux : ça c’est mon côté maman ! Bien sûr, mais moi je ne déclarais rien par contre [rires] bah oui. Eux ils ont une vraie valeur ajoutée, ils sont techniciens, moi je ne le suis pas. Moi mon rôle est important mais personne ne me l’a jamais ditTu vois ? Et ça, il a vraiment, vraiment fallu, et ce n’est même pas avec ma thérapeute, là on n’est plus sur le plan perso, mais c’est véritablement avec le bilan de compétences que j’ai repris la conviction de ma contribution considérable, je crois que je peux le dire aujourd’hui, à la vie de l’entreprise [rire]. Je le dis avec humour mais, et en effet je le sais, aujourd’hui je suis une bouée de sauvetage, je suis un phare dans la nuit, je suis celle qui n’a pas de convictions techniques et qui va écouter tout le monde, je suis celle qui sait créer le consensus, je suis celle qui fait expliquer, enfin voilà. J’ai plein de compétences mais il fallait que je les retrouve, il fallait qu’on me le dise un jour. Et ça personne, personne ne me l’a jamais dit, jamais. Hormis le LEA qui me dit que je suis une superbe communicante et une superbe empathique sauf que ce n’est pas du tout ce qu’attendait la boîte. Ok, mais quand je reviens, on me dit « tu reviens et tu fais ce que tu veux ». C’est là, quand on passe un petit peu les mois, je reviens en mi-temps thérapeutique, je lance mon bilan de compétences et je leur dis « moi c’est bien simple je ne veux plus de clients et plus de management ».

Equipe CFTC : là tu reviens au bout d’un an ?

Margaux : je reviens en mi-temps thérapeutique après une année d’arrêt. Tout à fait.

Jusqu’à être prête à revenir

Equipe CFTC : juste une petite question, j’aimerais juste savoir quand est-ce que tu as su que c’était bon et que tu pouvais retourner dans l’entreprise ? Qu’est-ce qui a fait que tu t’es dit que « là voilà je suis assez forte » ? Comment tu as su que tu n’allais pas retomber dans ces travers ?

Margaux : alors [silence] retomber dans mes travers alors justement pour tout ce qui est structurel, comme je leur disais que je ne voulais plus de clients et plus de management, le côté opérationnel, maman, et l’ingratitude du client et les tensions Build & Run, tout ça je ne prends plus.

Equipe CFTC : c’était clair dans ta tête, si tu te remettais là-dedans il y avait un risque que tu repartes en sucette ?

Margaux : oui tout à fait. Et ça j’en ai rediscuté avec plein de gens de différents horizons, après un burnout si tu as la chance de pouvoir revenir dans ton entreprise qui t’attend, qui te le dit, qui t’encourage, qui te supporte et que tu en as envie, tu ne peux de toute façon pas reprendre tes pantoufles. Il faut aller ailleurs, justement, pour éviter ce que tu dis. Tu te sens peut-être suffisamment forte mais les travers, en l’occurrence c’est plutôt une forme d’adaptation aux contraintes subies, structurelles.  Donc il faut modifier la perception des contraintes, et pour ça tu ne peux pas revenir exactement au même endroit au même poste. Et de toute façon après un an, chacun a bougé, s’est adapté, a géré les choses autrement, donc tu ne retrouverais même pas la même ambiance, la même répartition des rôles. Et du coup c’est un truc trop difficile je pense.

Equipe CFTC : en tout cas tu avais bien identifié certaines choses qui risquaient de te faire mal. Tout le travail que tu as fait a mené à ça.

Margaux : oui c’est ça. Ces deux choses-là, clients et management. Management parce que je dois me protéger et travailler pour moi, et pour prendre en charge une équipe je n’ai pas encore assez d’énergie à lui donner, et puis accessoirement toute la posture autour du manque de liberté et d’autonomie du middle management. Donc ça c’est hors de question. Et puis les clients parce qu’avoir un client en face c’est s’exposer à une fin de contrat, un challenge, des remarques acerbes, des incidents, des escalades etc.

Equipe CFTC : très bien. Tu as fait un gros travail. Je n’ai pas bien compris si ton bilan de compétences t’avait aidé à analyser la situation comme tu viens de me la présenter ?

Margaux : non, je n’ai pas encore commencé mon bilan à ce moment-là. Je reviens pour le faire.

Equipe CFTC : d’accord.

Margaux : Quand je reviens je sais avec quel cabinet je peux faire ce bilan de compétences, avec quelle nana puisque par ailleurs elle me demandait des nouvelles donc elle m’attend, je l’attends, enfin voilà. Cela fait partie du package de retour : pour redémarrer j’aurai le droit enfin à ce bilan de compétence qui va certainement me faire du bien.

Le retour dans l’entreprise

Equipe CFTC : Comment se passe ton retour ?

Margaux : mon retour se passe très bien. Tout le monde est très content. Très sympa. J’ai un bureau pour moi et pas dans un open space. On me confie des missions de type amélioration continue.  c’est parfait pour les trois demi-journées par semaine que j’ai à assurer. La quatrième est pour le bilan de compétences. Donc tous les vendredis je vais à mon bilan de compétences. Donc cela se passe bien pendant trois ou quatre mois. Et puis après mon N+2 me dit « alors tu en es où de ta mobilité ? – Et bien je n’ai pas de mobilité. – Parce que là c’était pour redémarrer mais il faudrait que tu te trouves un poste ». Là, j’étais contente de revenir mais je vais peut-être repartir en fait. C’est là que mon réseau interne m’informe que « – dans cette équipe ils ont besoin de quelqu’un qui souhaite travailler avec l’international, cela fait longtemps que tu souhaitais parler différentes langues ». Oui ça fait 15 ans que j’aimerais profiter de mes compétences en langues étrangères, mais que personne n’en fait rien. C’est dommage.

Equipe CFTC : tu as fini ton bilan de compétences à ce moment-là ?

Margaux : tout à fait.

Equipe CFTC : par rapport au camembert que tu montrais tout à l’heure, où te situes-tu sur le cercle ?

Margaux : je suis revenue presqu’au départ, je suis un peu sur « il faut que je fasse mes preuves ». .

Les séquelles du burnout

Equipe CFTC : je me demandais si tu avais encore des séquelles de ton burnout ? Par exemple quand tu te casses le bras, et bien ton bras même s’il se ressoude correctement, tu as toujours des difficultés à l’utiliser. Est-ce que le burnout laisse des traces comme ça qui sont finalement indélébiles ?

Margaux : une trace indélébile j’aurais tendance à dire que c’est une plus grande sensibilité physiologique. Je te donne un exemple. Je suis dans ma nouvelle équipe depuis deux ans. Tout va bien, je n’ai plus de preuve à faire. Et je pars en vacances ce soir. Et c’est quand même dingue, j’ai un certain nombre de choses à faire, j’ai une très grande liste, cela fait beaucoup et je n’aurai pas fini ce soir. Et surtout il y en a trois qui sont directement liées au projet que tu développes. Et tu devais finir la semaine dernière et tu ne l’as pas fait. Et maintenant il faut que l’on parle. Je grimpe les deux étages, je viens dans ton bureau, et là je dis : « écoute tu m’as mis dans une situation impossible, tu devais me répondre sur ces 3 points là, sur les deux premiers tu as fait une tentative, cela n’a pas marché », et là d’un coup, j’ai très, très chaud, et  je m’évanouis. Gros stress. Arrive l’infirmière, qui me réveille, le petit sucre qu’elle sort élégamment après m’avoir mis les jambes en l’air, et elle me demande « qu’est-ce qui se passe ? » Je lui dis « Stress, je ne veux pas faire un burnout, je ne peux pas refaire un burnout ». Elle « mais non justement, ton corps a très bien reconnu l’adrénaline, la tension, et donc il a éteint l’interrupteur, il te protège, voilà, il t’envoie un signal, il n’y a pas de problème, tu te détends, tu te calmes, arrête de prendre les choses comme ça au sérieux ». Et quelque part ça va désormais, alors c’est facile à dire puisque je ne suis plus dans l’opérationnel, donc je n’ai plus des incidents, des choses comme ça, mais je me tiens à l’écart de ça. Dans mon nouveau pôle on m’a fait des propositions à des endroits où je ne peux pas aller. Je dis « merci beaucoup de votre confiance, je veux bien vous aider sur plein de trucs, parce que je suis cheffe de projet, mais je ne peux pas venir chez vous », je ne prends pas ça. Oui une espèce de réserve et de crainte, mais aujourd’hui je veux pouvoir exprimer des choses comme ça.

Prévenir la rechute

Equipe CFTC : oui, finalement tu penses que cela ne serait pas possible malgré le fait que tu aies beaucoup travaillé sur toi, et que tu comprends mieux tous les risques de l’organisation, tu n’arriverais pas à te remettre dans ce genre de job ?

Margaux : je n’en ai pas envie. Ça serait trop risqué.

Equipe CFTC : d’accord. L’organisation finalement n’a pas vraiment changé elle ?

Margaux : [silence] tu sais si on était chez Toyota avec du travail en équipe et des horaires très respectueux parce que postés etc. à tout moment il peut arriver un truc, c’est la même angoisse par rapport à tout incident, voilà, mon gamin qui fait une chute, si je dois aller le récupérer parce qu’il est blessé, je m’évanouis pareil dans le bureau du toubib. Je ne suis pas capable de gérer ça.

Equipe CFTC : c’est très intéressant. Tout à l’heure quand tu évoquais tes difficultés, quand tu as fait le test LEAD, tu t’es mise à pleurer parce que tu n’avais que des mauvaises notes sur les choses importantes dans l’entreprise, comment as-tu fait toi pour te raccrocher à des valeurs qui te sont propres et qui sont suffisantes, peu importe si ces valeurs ne sont pas celles qui sont reconnues complètement dans l’entreprise ? Comment as-tu réussi à te construire sur des valeurs qui sont extérieures à celle que propose l’entreprise ?

Margaux : alors il y a deux choses. La première chose c’est, je te disais que l’entreprise avait cinq valeurs dominantes, et en fait j’ai fait le programme lead il y a tellement longtemps que depuis j’ai eu le droit à, je ne sais plus une demi-journée ou journée complémentaire, où on nous propose de refaire ce même test, cette même analyse LEA pour voir si on a bougé et en quoi on a bougé. Je n’ai absolument pas bougé mais en revanche, on nous dit à cette occasion, que les cinq valeurs de l’entreprise ont changé [rires]

Equipe CFTC : c’est la magie de l’organisation [rires]

Margaux : elles ne sont plus cinq, elles sont six, et figure toi que des compétences comme la communication ou l’empathie commencent à faire partie des compétences attendues et souhaitées chez nos managers. Ah ! Tiens on n’attend pas seulement des geeks , maintenant il y en a d’autres qui ont le droit d’exprimer leurs talents. Ça c’était un point. Et l’autre chose vient aussi d’une démarche alors qui n’était pas encore très explicite à l’époque mais qui vient quand même du management, du top management, qui est la diversité. Par différentes actions associatives, internes et externes, tu fais aussi la promotion de l’entreprise donc cela leur convient.  N’étant plus complètement engloutie par l’opérationnel, j’ai du temps pour faire d’autres choses, pour m’investir dans des actions transverses au sein du site  , , et on me renvoie que cela fait du bien à l’entreprise et aux autres collaborateurs. Donc en fait je ne suis plus manager et je peux aider aussi, je peux aider les gens à vivre bien et à se développer et à être conseillé, et cela est important pour l’entreprise. Et du coup, c’est quand même l’évolution de l’entreprise sur ces deux aspects qui fait que [hésitation] et puis le feedback des managers : « Oui c’est vrai tu ne sais pas ce qu’est un OS, oui mais tu parles quatre langues, oui mais c’est bien, – OK d’accord ».

Equipe CFTC : c’est tout aussi dur que d’apprendre un langage de programmation. Finalement on commençait à te dire que tu avais des compétences alors qu’avant on te disait que tu n’en avais pas tant que ça ?

Margaux : Non, vraiment mon boss c’est un type extra. Il ne se remet pas aujourd’hui encore de ce qui m’est arrivé. Il se reproche de ne pas l’avoir vu. Et c’est l’un des plus humains et à l’écoute de tout ce que l’on pourrait imaginer chez Worldline. Donc lui il est plus souple, il est plus bouddha, il est plus tranquille, il a peut-être moins d’angoisse métaphysique, ou il gère son stress autrement, il n’a pas compris ce qui s’est passé, mais il n’a jamais rien dit, il m’a toujours dit que c’était extra ce que je faisais.

Equipe CFTC : oui.

Margaux : cela n’a pas toujours été lui, mon boss. Avant, il y en a eu d’autres. Mais voilà très clairement dans la façon de communiquer, et là on retombe sur les « moving motivators » de l’Innovative Management. « Qu’est-ce que j’attends ? Qu’est-ce qui me ferait du bien d’attendre ? Et est-ce que mon manager me parle sur ce registre-là ? » Je pense que c’est important. Et tous les managers ne le savent pas nécessairement. Ou ne font pas cet effort-là.

Equipe CFTC : c’est très intéressant. Est-ce que tu veux ajouter des choses sur des points que je n’aurais pas mentionnés ?

Des pistes pour prévenir le burnout

Détecter les situations de stress

Margaux : je te propose de parcourir ce document avec toi, c’est le support d’une formation que devraient faire les gens qui vivent du stress mais également tous les managers, pour les aider à détecter les situations de stress. Et notamment il y a cette double page où on te propose de mesurer les symptômes corporels du stress. C’est très objectif : « est-ce que vous avez des maux de tête ? Des nausées ? » Et puis tu as des points. En fonction de tes points, on te donne l’intensité de ton stress. Et puis la deuxième page, c’est les syndromes comportementaux : « Est-ce que vous faites une montagne de rien ? Est-ce que vous avez des sentiments que vous êtes mal dans votre peau ? Est-ce que vous arrivez en retard ? Est-ce que vous fumez plus de 10 cigarettes par jour ? ». Et ça cela te dit la fréquence de ton stress. Et ça c’est pas mal parce que du coup même si tu te dis « non ça va, ça va, oui mais j’ai l’impression que je manque d’organisation, j’ai l’impression que je prends tout à cœur, oui je me dispute, oui je suis ça etc. ». Et bien voilà du coup tu es dans un stress intense.

Equipe CFTC : ça c’est quelque chose que tu fais encore aujourd’hui ?

Margaux : non. Ça, je le propose à tous ceux qui me disent « ah !  Tu sais c’est quand même un peu compliqué ce que je vis. – OK je te propose de prendre un peu de temps, si tu veux on en discutera après, mais déjà sur ces deux pages, essaie de voir comment tu te positionnes. N’hésite pas à aller voir ton médecin pour en discuter. »

Equipe CFTC : c’est intéressant.

Margaux : cela permet de déminer, d’anticiper, voir le problème avant, quand tu es plutôt au 1er tiers, quand tu es en train de chuter le long du truc, l’épuisement professionnel, dévalorisation de soi etc.

Equipe CFTC : la substitution des valeurs, ce que tu disais tout à l’heure, c’est vraiment une sorte de bascule. Je vois à peu près ce que tu veux dire.

Margaux : la substitution de valeurs, c’est par exemple : « cela fait beaucoup de bien à mon mari de s’occuper des enfants. Moi je m’en occupe moins, mais ce n’est pas grave parce que comme ça ils ont une relation privilégiée avec leur père. »

Equipe CFTC : ok.

Margaux : à la fin du document,  il y a « le stress cela me prive de quoi ? » Cela me prive de plein de trucs. Mais c’est vrai que comme c’est progressif, tu ne le notes pas. Tu la connais cette anecdote de la grenouille qui ne sait pas qu’elle est en train de cuire ?

Equipe CFTC : oui.

Margaux : c’est un peu ça. Comme tu es sur un cercle progressif, tu perds doucement, tu perds l’amitié parce que tu vois moins tes copains, tu perds un peu d’efficacité, tu perds du bien-être parce que tu manges ta salade toute seule, mais oui mais ce n’est pas grave parce que comme ça ce soir je partirai plus tôt, et puis voilà. Mais en fait cela se dégrade, cela se délite. Tu ne le vois pas. Tu ne peux pas l’identifier. Il faut vraiment qu’il y ait à un moment une grande claque, comme une rupture, pour que tu voies les choses en face. C’est comme la grenouille, elle ne savait pas qu’elle commençait à cuire, comme la température monte doucement, et tout ça disparaît et s’effrite.

Equipe CFTC : Comment pourrait-on aider des jeunes ou des moins jeunes à ne pas tomber dedans ? Ou plutôt à ne pas suivre cette courbe du cercle ?

Bien former les managers

Margaux : pour moi c’est le rôle du manager. Et c’est pour ça, quand je lis dans vos compte rendu que le SCC est sous surveillance, et que nous sommes tous davantage sous surveillance etc. est-ce que les managers qui sont en cause, je ne te parle pas seulement du big boss du SCC, mais aussi de tous ceux qui sont en dessous et encore en dessous, est-ce qu’ils suivent cette formation de détection du stress, est-ce qu’ils font une formation sur la communication non violente ? Je pense qu’il y a vraiment ces deux aspects-là, dans la communication non violente on ne dit pas « tu », on dit « je ». « Je suis surpris de découvrir que tel incident n’ait pas été réglé », mais tu ne dis pas « tu n’es bon à rien et tu n’as pas géré ça ». Tu dis « je », et tu dis « je » avec un sentiment. Mais malgré tout le travail récent visant à développer l’Intelligence Emotionelle, on ne se sent toujours pas totalement légitime à parler de sentiments , au travail ! Alors que ça permettrait de désamorcer bien des conflits

Equipe CFTC : oui tout à fait. Je suis 100 % d’accord avec toi.

Margaux : pour moi les jeunes il faut faire en sorte qu’on leur parle, qu’on les écoute, qu’on les parraine/marraine, voilà, qu’on discute « ça va toi ? Eh bien non cela ne va pas très bien. OK dis-moi qu’est-ce qui ne va pas ? » On revient à la grille de mesures. Tu peux agir ou tu ne peux pas agir ? Si tu ne peux pas agir, alors tu te barres. Mais tu te barres en interne, enfin, essayons de garder la valeur, et l’intérêt pour l’entreprise, parce que il y en a, parce qu’il y a des choses importantes, parce qu’il y a des choses rigolotes aussi, mais il y a effectivement des endroits où c’est compliqué. Et ça je ne sais pas si on peut le voir dans les réponses aux enquêtes de satisfaction et de bien-être.

Aujourd’hui des démarches comme l’Innovative Management vont tout à fait dans le bon sens. Simplement ce dont j’ai l’impression, ceux qui s’y intéressent sont ceux qui ont une appétence prédominante antérieure ou qui ont du temps parce que justement ils ont réussi à organiser leur mode de fonctionnement déjà basé sur certains principes, de délégation par exemple, qui font qu’on arrive à se libérer du temps pour des choses comme ça. Par exemple la conférence de Erwan Deweze, « Rebondir en situation de crise » oui, on peut apprendre à gérer son stress, et bien ceux à qui cela pourrait être utile ne peuvent pas être là car ils doivent turbiner. Donc cela est injuste.

Equipe CFTC : oui tu as raison. Il y a quelque chose qui se mord un peu la queue. On ne sait pas trop comment s’en sortir.

Margaux : toujours dans ce support de formation, on détaille aussi les bénéfices du stress. Pourquoi est-ce que finalement on reste, une fois que l’on se dit « oui je suis stressé, je n’ai pas le temps », pourquoi est-ce que l’on reste là ? Il y a de faux prétextes : je refuse la réalité, j’alimente mon perfectionnisme, on se croit indispensable, on protège son image, je sers à quelque chose [rires], on fuit ses problèmes, ses malaises etc. Un outil comme ça permet de voir si c’est plutôt le travail, si c’est plutôt le temps, la santé, la vie quotidienne, qui nous stressent. Parce que le stress finalement il ne vient pas finalement que du travail. Tu peux te ronger les ongles et fumer des cigarettes pour une toute autre raison que ton boss ou ton client. Donc du coup, de mettre des points sur tous ces trucs te permet de visualiser et de faire des courbes. Il est où mon stress et commencer à agir. Comment est-ce que j’agis du coup ? Selon qu’il ne dépend pas de moi, dépend un peu de moi, dépend complètement de moi. Et en cherchant des solutions : je repère mes drivers, je les surveille, je demande à un proche, je demande l’aide du thérapeute ou d’un mentor, voilà.

Equipe CFTC : ok.

Apprendre à communiquer

Margaux : et puis pour se libérer du trop-plein, comment faire pour faire baisser la pression ? On se défoule, on fait du sport, on rit. Et puis en parler à son supérieur, à un psychothérapeute, c’est important. Le problème que l’on a, je pense, c’est que nos RRH et bien elles sont aussi stressées, elles ne sont pas disponibles, elles sont surbookées, et globalement tu as toujours un peu un sentiment de défiance sur la disponibilité des RRH. Et donc dans les situations de difficultés, le sentiment prédominant est que je me tiens à distance. Et de ce fait à l’intérieur de la sphère de l’entreprise on n’a pas une écoute. Alors ils ont mis en place une hotline, un service d’écoute « Worldline et moi », qui dit qu’il peut aider. Bon. Je ne sais pas.

Equipe CFTC : je pense que la hotline qu’ils ont mise en place, c’est assez marqué comme une aide lorsque cela ne va plus. Il faudrait que la communication soit beaucoup plus quotidienne, qu’il y ait une véritable culture de l’écoute, comme tu le dis. Tu vois des micro-signaux qui t’indiquent, par exemple si tu es manager, qu’un salarié a l’air de peut-être galérer, il faut que l’écoute soit là, il faut qu’elle soit présente à ce moment-là.

Margaux : la fin du document contient des consignes sur Récupérer l’énergie et développer une attitude de prévention. Mais globalement c’est exactement la même chose que ce que disait Erwan Deweze au cours de sa conférence : La respiration, l’alimentation, le sport, le sommeil, bon c’est toujours la même idée. Ça c’est les pages principales de cette formation que j’ai retenues et que je partage à tou·tes ceux·celles qui me disent « c’est un peu compliqué pour moi en ce moment ».

Equipe CFTC : tu fais bien. Très bien Margaux. C’est très intéressant, merci beaucoup. Je n’ai plus de questions. Sauf si tu veux ajouter quelque chose on peut en rester là.

Margaux : non.

Equipe CFTC : c’est très riche, très intéressant, merci beaucoup Margaux.

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2 commentsOn Mon burnout chez Worldline [4]

  • Bonjour et merci pour ce témoignage. Merci de mettre en lumière ce type de témoignage qui peut aider d’autres personnes, soit au bord du gouffre, soit qui en connaissent, ou qui peuvent juste se sensibiliser a la détection du stress pour éviter d’en arriver la.
    Ou peux t-on trouver ce docuement? est-il accessible sans faire la formation? Merci d’avance

    • Bonjour Aurélie,

      Nous t’invitons à contacter directement l’équipe CFTC via un message privé(dl-fr-cftc-team @ worldline.com) qui pourra alors répondre à l’ensemble de tes questions.

      Bien à toi

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