Mon burnout chez Worldline [3]

In Paroles de salariés

Contenu

Présentation. 1

Les difficultés avec le client. 2

La perte de confiance avec le client. 2

Pilotage à vue et impression « d’avoir la tête sous l’eau ». 3

Pression et cadence imposées par le client. 3

« Durcissement » de la relation avec le client. 4

Les premiers symptômes de l’épuisement. 5

Les phobies sociales. 7

Dépression, stress et insomnie. 8

Difficulté de l’aide du management. 8

Les suites du burnout. 9

Sur la possibilité d’une rupture conventionnelle. 9

Refus de la rupture conventionnelle. 9

Sur l’abandon de poste. 10

Conseils pour éviter le burnout. 11

 

Présentation

Equipe CFTC : tu es renté en 2001 ?

Grégory : J’ai intégré l’entreprise en 2001, après un bac+5 scientifique. Je n’avais pas de passion particulière pour l’informatique ni pour les technologies informatiques. J’ai été embauché parce que grosso modo j’avais une bonne logique. Et je me suis assez vite perfectionné dans l’analyse fonctionnelle. J’étais en interface directe avec le client. Au bout de quelques années, j’étais responsable du compte d’un client bancaire, enfin des services boursiers. Et cela a duré quelques années. Il y a pas mal d’aspects dans mon métier qui ne m’ont jamais plus. Grosso modo me mettre à jour des technologies, l’exploitation, les serveurs, tout ça ce n’est pas vraiment quelque chose qui m’intéresse en soi. Je le faisais parce qu’il fallait le faire et sans grosse difficulté mais parfois ce n’était pas forcément très plaisant.

Equipe CFTC : tu faisais quand même du code ? Tu étais amené à faire du code ?

Grégory : oui. J’ai toujours développé, même quand j’étais responsable de mon client bancaire. D’ailleurs, quand il n’y avait pas de gros projet sur les applications, grosso modo je m’occupais seul de tout.

Equipe CFTC : d’accord.

Grégory : Je faisais le développement, l’exploitation la gestion de projet etc. Et tout s’est très bien passé avec ce client, pendant des années. Ils ont fini par quitter Worldline parce qu’ils ont ré-internalisé leurs applications suite à une fusion chez eux. Ils ont quitté un peu à regret mais ils sont partis quand même. De mon côté, j’ai eu une petite période de transition où je me suis occupé de leurs dernières applications sur lesquelles il ne se passait plus grand-chose. Donc j’ai connu quelques phases avec assez peu d’activités. Et je n’ai pas très bien vécu cette période parce que ce client était un peu devenu « mon client » pour l’ensemble de la BU. Dans toutes les présentations générales quand on parlait des activités des uns et des autres il y avait toujours un petit mot pour dire que « mon client » était toujours en train de nous quitter. Je l’ai vécu un peu comme si j’étais responsable du départ du client alors qu’on ne m’a jamais reproché quoi que ce soit ni le client ni ma hiérarchie.

Equipe CFTC : d’accord.

Grégory : Dès 2015, je suis resté dans la même équipe et j’ai commencé progressivement à travailler pour le compte d’un client en lien avec le monde de la bourse, et ce, jusqu’à mon départ. Les choses étaient complètement différentes avec ce client. La relation était beaucoup moins bonne. Avec le client précédent, la relation était apaisée et je pouvais être force de proposition, qu’il s’agisse de technique ou bien d’ergonomie, j’étais écouté, donc c’était assez gratifiant, j’avais l’impression d’une certaine liberté et d’une souplesse dans le travail.

Equipe CFTC : oui c’est plus riche.

Les difficultés avec le client

Grégory : Pour ce nouveau client, j’arrivais sur un gros pool d’applications qui avaient été mises en œuvre par l’équipe, quelque chose de beaucoup plus technique, que je maîtrisais moins, et avec des projets bien plus complexes. On a fait beaucoup d’usine à gaz, des services qui n’étaient d’ailleurs pas très utilisés par les clients car peu compréhensibles. Donc il y avait un côté un peu moins gratifiant dans ce que je faisais. Surtout qu’en face de nous il y avait un client moins sympathique et surtout plus manipulateur.

Equipe CFTC : Cela faisait pourtant très longtemps que l’on travaillait avec eux ?

Grégory : C’est un client historique qui nous a quittés il y a quelques années suite à une fusion, puis qui est revenu avec plusieurs sites web bâtis sur une solution particulière que l’équipe a migré sur nos serveurs.

Equipe CFTC : d’accord.

Grégory : Pour en revenir au comportement du client, il y avait quand même du dialogue et des moments sympas. Nous n’étions pas en conflit constamment mais je me suis rendu compte de leur manière de travailler au fur et à mesure des projets. Ils nous fournissaient des expressions de besoin « macro » qui masquaient la réelle complexité des projets et négociaient nos chiffrages à la baisse, pour que l’on s’engage sur les budgets qu’ils avaient fixés. Et quand on passait à la réalisation, il y avait un écart assez important entre le besoin initial et ce que l’on devait au final réaliser. La difficulté est que l’on ne développait pas des solutions de A à Z, mais on s’appuyait sur des modules préexistants et sur des contenus créés par le client.

La perte de confiance avec le client

Equipe CFTC : certains modules avaient été développés par des équipes internes du client ?

Grégory : Ce n’est pas vraiment ça. Le client crée, structure, organise le contenu sur ses sites avec les des outils propre à la plateforme. Par exemple ils peuvent créer des types d’objets particuliers, des pages, des articles, ou des contenus spécifiques à l’univers financier et à leur métier.  Ils créent des interactions entre ces objets, ou des vues qui permettent de les restituer aux visiteurs du site etc. De base ils sont en mesure de faire quelque chose de très riche et ils ont un univers vraiment complexe. Leurs sites sont donc assez costauds en termes de quantité et de structure des contenus. De notre côté, l’équipe gère toute une partie « back-office » avec par exemple des intégrations de contenus automatiques, mais souvent, le client fait aussi appel à nous pour enrichir des fonctionnalités et dépasser certaines limites de la plateforme, le plus souvent au niveau de l’expérience utilisateur. Lors des projets, notre équipe doit réaliser ses développements en partant de présupposés sur la partie à la charge du client. Lors de la mise en œuvre, ou lors de la recette, des éléments imprévus surviennent constamment et nous font revoir notre copie. Pour moi qui me chargeais de l’analyse fonctionnelle d’une partie des projets, ce mode de fonctionnement est devenu éreintant. Impossible de tout anticiper lors du chiffrage. Malgré tout, j’essayais de chiffrer le plus précisément possible, en débusquant les parties faussement simples et en essayant d’obtenir le plus de précisions de la part client. Malheureusement, il restait toujours un certain flou et les développeurs faisaient donc parfois des choix qui ne plaisaient pas. S’en suivaient des batailles avec le client qui considérait que ce qu’il n’avait pas dit était parfois sous-entendu, du genre « OK je n’ai pas détaillé cela dans ma demande mais vous imaginez bien que l’on ne peut pas se satisfaire d’une si mauvaise qualité vis-à-vis des clients ». Il fallait donc négocier sur ce qui était implicite, et ce qui ne l’était pas pour réussir à obtenir des enveloppes ou des délais supplémentaires. Tout cela a fait que le travail est devenu de moins en moins plaisant pour moi. J’ai perdu confiance en ce client et je me disais que quoi que l’on fasse, ce mode de fonctionnement était organisé pour obtenir le maximum de nous au moindre coût.

Pilotage à vue et impression « d’avoir la tête sous l’eau »

Equipe CFTC : très intéressant. Pour bien comprendre quel était ton rôle exactement vis-à-vis des appels d’offres ? Tu étais sur les appels d’offres ?

Grégory : Après l’appel d’offre initial que nous avons remporté et auquel je n’ai pas participé, le client  nous soumettait directement des expressions de besoins pour chaque évolution souhaitée sur ses applications. Les projets étaient attribués aux chefs de projet de l’équipe dont je faisais partie. Chaque chef de projet menait ses projets de bout en bout : analyse, chiffrage, supervision des développements, suivi des charges et des plannings, recettes et livraisons. Dans l’équipe, il y avait toujours plusieurs projets sur le feu, menés en parallèle. Des plannings qui changeaient régulièrement en fonction des priorités du client, tout cela mêlé avec des problématiques plus techniques que je ne gérais pas moi-même. Par exemple, les mises à jour des logiciels qui étaient très impactantes et qui demandaient aussi beaucoup de travail. L’équipe devait donc en permanence jongler avec diverses problématiques assez complexes et avait  toujours la tête sous l’eau.

Equipe CFTC : dans l’analyse du besoin du client quand il demandait des évolutions, les chiffrages etc. j’imagine que au bout d’un moment tu avais bien vu qu’il y avait des loups et que le client commençait à être un petit peu agaçant et à jouer un peu de vous pour s’y retrouver. Comment cela se passait au niveau de l’équipe et du management, de ton management ? De la direction du pôle ? Comment toutes ces difficultés ont été partagées avec les qui ?

Grégory : alors je pense qu’au début, on a mis un petit peu de temps à mettre le doigt sur ce problème. Chez le client, on avait deux interlocuteurs principaux qui sont des gens assez balèzes techniquement et opérationnellement. Ils sont en mesure de dialoguer avec différentes équipes, avec le métier chez eux, avec nous et d’autres interlocuteurs plus techniques. Ils arrivent à lancer des projets qui sont encore à l’état d’ébauche et de faire en sorte que tout avance alors que l’on ne sait pas toujours vers où on avance réellement. De notre côté, il a bien fallu s’adapter à leur façon de faire pour que les projets de Build voient le jour. Mais au fur et à mesure, nous et notre hiérarchie nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas suffisamment rentables sur la phase de développement. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais nous dépassions systématiquement et souvent assez largement les charges initialement prévues. Des actions ont été lancées à partir de 2019 pour tenter de régler ce problème, j’en reparlerai un peu plus tard.

Equipe CFTC : ok.

Pression et cadence imposées par le client

Grégory : Les premières années, le client imposait énormément de choses. Il maintenait notamment une pression forte sur les plannings dès le démarrage du projet et pour toutes les phases suivantes. Nous avions donc une cadence de travail importante dès le démarrage, et cela s’accentuait en général à l’approche des livraisons et durant la recette. Durant les recettes, le client nous imposait des ajustements ou des correctifs jusqu’à la mise en production. Et durant les livraisons, il imposait des horaires tardifs ou des livraisons le week-end pour limiter au maximum les perturbations sur leurs applications. Il nous est arrivé, après des semaines de développement et de recette déjà intenses, de faire des livraisons marathons. Par exemple, l’une des livraisons les plus importantes s’est déroulée comme cela : la livraison débute le vendredi soir à 19h00, après une journée déjà intense de préparatifs et d’ajustements de dernière minute. Elle mobilise 4 collègues et dure plusieurs heures car elle inclut notamment des migrations de contenus. Avant minuit, nous avons terminé la livraison et nos deux interlocuteurs démarrent immédiatement leurs premiers tests pour vérifier des points essentiels avant de nous laisser rentrer chez nous. Ils prennent leur temps et nous terminons cette journée à trois heures du matin. Ensuite, le samedi et le dimanche, le client effectue sa partie de la livraison et nous sollicite dès qu’il a une question ou une demande d’ajustement. Nous y consacrons plusieurs heures le week-end et certains travailleront jusque 22h00 le dimanche soir pour les derniers réglages. Pour pouvoir récupérer les heures supplémentaires induites, il a fallu les étaler sur 3 ou 4 semaines car nous dépassions largement les amplitudes autorisées.

Equipe CFTC : C’est vrai que ces périodes vous mettent en danger.

« Durcissement » de la relation avec le client

Grégory : Tout à fait. Elles sont dures physiquement et mentalement et elles dégradent beaucoup la qualité du travail et les relations. Malheureusement, pour le client, c’était un fonctionnement normal. Ma hiérarchie a lancé en 2019 des actions pour changer cette situation en étant plus autoritaires et moins souples, et en exigeant plus de rigueur de la part du client. Notamment, nous devions identifier en cours de projet toute nouvelle demande absente de notre proposition commerciale, cette demande devait faire l’objet d’un avenant, et le planning devait être revu si nécessaire. Sur le dernier projet que j’ai géré, j’ai plutôt eu l’impression de subir les pots cassés de ce changement de méthode car le client n’a pas aimé que le rapport d’autorité s’inverse, d’autant plus qu’il s’agissait d’un projet suivi par certains hauts-dirigeants chez notre client. Ce projet a été chiffré à l’été 2019, il a débuté fin septembre et devait se terminer début janvier 2020, mais il s’est étalé jusqu’avril 2020.

Je dois expliquer en partie le projet pour que vous voyiez un peu la complexité qu’il y a derrière. C’est un projet de dématérialisation de signature de contrats. Plusieurs entités participent au projet : D’abord le métier de notre client qui définit les différents contrats et leurs spécificités, nos interlocuteurs qui vont créer des formulaires web élaborés correspondant à ces contrats grâce aux outils de la plateforme, des équipes techniques du client avec qui nous échangeons différents types de fichiers, etc. Ensuite un prestataire externe fournissant une offre de signature électronique et enfin nous. Notre rôle consiste dans les grandes lignes à générer les contrats au format PDF lors de la soumission des formulaires et de mettre en place des worflows dans lesquels ces documents vont évoluer. Les documents doivent passer par différentes phases de vérifications techniques ou administratives, puis passer dans un circuit de signature et enfin être intégrées et stockées dans les systèmes internes du client. Au moment de l’estimation des charges, le projet n’est pas bien défini : l’équipe métier du client n’a pas encore détaillé les différents formulaires et leurs spécificités. Au départ, nous savons juste qu’il y aura une dizaine de formulaires différents. Un prestataire a été choisi pour la signature électronique, mais nous devons attendre que ce choix soit définitif et contractualisé. Notre premier chiffrage est donc forcément très approximatif, mais nous le sécurisons en prévoyant des jours d’analyses complémentaires et en précisant bien que des avenants seront nécessaires une fois les besoins détaillés exprimés. Le client demande que le projet soit loti et nous propose un lotissement illogique. Il met dans le premier lot les fonctionnalités qu’il attend le plus et qu’il sait les plus complexes, mais ce sont  justement ces fonctionnalités qui sont les moins détaillées dans leur demande. Nous refusons ce lotissement impossible à réaliser et imposons de commencer par ce qui a été suffisamment détaillé. Le client est bien obligé d’accepter, mais il n’est pas très content car ce premier lot l’intéresse assez peu et ne contient que des parties assez annexes du projet. Donc en septembre, on commence à avancer sur le premier lot qui n’intéresse pas le client et en parallèle, je commence à avoir les premières réunions avec les équipes techniques et métier du client et le prestataire de signature électronique. Très vite, ces réunions apportent des contraintes nouvelles qui transforment le projet et ces contraintes changent au fil des réunions. Je me rends compte que le client continue de peaufiner avec le prestataire les options possibles au niveau des signatures numériques.

Equipe CFTC : pour bien comprendre : il discute sur des fonctionnalités supplémentaires qui pourraient changer la manière d’implémenter ce que vous êtes en train de faire, c’est bien ça ?

Grégory : Oui. Toutes leurs discussions ont un impact sur la manière dont on s’interconnecte avec le prestataire. De notre côté, nous devons donc régler les détails techniques avec le prestataire et revoir notre copie en fonction des changements. En parallèle, le métier de notre client nous apporte les détails attendus au niveau des différents formulaires qui rendent l’ensemble plus complexe. Par exemple, on sait maintenant que certains formulaires vont nécessiter plusieurs signatures dans un ordre bien établi et dans un délai imparti. Nous allons donc devoir mettre en place des systèmes de détection des retards de signature, d’envoi de relance et trouver des solutions pour pouvoir définir un nouveau signataire si nécessaire.  Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Equipe CFTC : j’imagine que ça peut facilement devenir très complexe.

Grégory : Dès lors, j’alerte le client sur le fait que le projet prend une nouvelle ampleur. J’annonce que je vais faire un nouveau chiffrage et un avenant. Au final, la charge de développement se retrouve quasiment doublée en cumulant tous les avenants, car il y en aura encore plusieurs tout au long du projet. Ces avenants mettent le client en colère. Il comprend que les coûts augmentent, mais il considère que les augmentations sont trop importantes. Il s’en plaint à ma hiérarchie qui n’a malheureusement pas tous les détails pour se justifier. Moi-même, je suis à 100 % sur la mise en œuvre du projet et je ne peux pas consacrer trop de temps à prouver que toutes nos charges additionnelles sont justifiées. A cette même période, nous réussissons à rendre le premier lot un peu plus intéressant, en y intégrant à la demande du client des fonctionnalités qui vont faciliter ses tests et les développements de ses équipes. On sait que cette version comporte des parties qui vont être entièrement revues et qu’elle ne pourra pas être mise à jour avant que le second lot ne soit terminé. Le client est au courant et cela lui convient dans un premier temps. Mais le projet grossissant, cette version jetable va rester en environnement de qualification plus longtemps que prévu, et le client va nous demander des adaptations sur cette version à chaque fois que ses équipes techniques rencontrent un problème. Au départ, nous acceptons de faire quelques ajustements, mais certains ajustements provoquent des régressions et génèrent de nouveaux problèmes. Au final, nous devons faire preuve d’autorité et cessons de faire évoluer cette version jetable pour pouvoir avancer sur le second lot.

Les premiers symptômes de l’épuisement

Là encore, cela ne se passe pas bien avec le client qui se met plusieurs fois en rogne. Côté planning, nous demandons une mise à jour du planning à chaque avenant. Le client refuse presque systématiquement les décalages de notre part. Le projet est décalé uniquement lorsque la demande vient de ses équipes informatiques. Nous développons donc tout le projet dans l’urgence avec une deadline impossible à tenir et avec un client déjà assez remonté. La première livraison complète du projet en qualification a lieu au printemps à la date prévue. Nous réussissons à tenir le délai, mais nous livrons une version assez peu documentée un vendredi soir, cela a dû se terminer vers 19 ou 20 heures. Le client se met à tester cette version dès le week-end ; il tombe assez rapidement sur des blocages importants et saisit une cinquantaine de bugs sur le week-end, assez frénétiquement et apparemment dans une grande colère. Le lundi, les développeurs résolvent assez rapidement les plus gros blocages qui correspondent essentiellement à des paramétrages que nous n’étions pas en mesure de tester sans l’aide du client.

Néanmoins, une réunion est organisée le mardi à mon retour de week-end avec le client. Celui-ci se lâche complètement. Il n’est pas grossier mais il crie et ses termes sont très durs. Il parle de manque de sérieux ou d’abus au sujet des augmentations de coût du projet et il qualifie notre livraison d’indécente. Il ne s’adresse pas directement à moi, mais je suis seul en mesure de répondre à ses accusations. Je dois donc faire face. J’essaie de rester calme même si je bouillonne à l’intérieur et je signifie mon désaccord complet sur sa vision, mais je n’ai pas tous les arguments pour lui répondre. Je lui dis quand même que je vais analyser en détail les anomalies qu’il a saisies et lui faire un retour.

J’ai très mal vécu cette réunion. J’ai eu une série de grosses insomnies et du coup mon moral et ma santé n’étaient pas top, top. J’ai passé quelques journées où je n’arrivais plus à travailler. Tout cela dans le cadre du confinement qui venait de débuter. J’ai d’abord décidé que j’allais me défendre en faisant le bilan du projet et des anomalies saisies ce fameux week-end. J’ai fait cela en partie sur mon temps de travail mais aussi sur mon temps libre pour que cela se fasse vite, grosso modo en une semaine j’ai fait un bilan détaillé du projet. Ça m’a permis de prendre du recul, de comprendre tout ce que je te raconte aujourd’hui, et de transmettre mon point de vue à ma hiérarchie. Ils ont apprécié ce travail et m’ont soutenu.

Equipe CFTC : Pourquoi ta hiérarchie ne t’a-t-elle pas soutenu avant ?

Grégory : je ne les blâme pas. Ce n’est pas lié à de l’insouciance. Mon chef avait autant la tête sous l’eau que le reste de l’équipe, en gérant de manière macro et toutes les problématiques du client à la fois. Et mon n+2 avait ces problématiques à un niveau encore plus macro, mais pour de nombreux clients. Donc voilà. En fait, je ne pense pas qu’ils aient une situation plus confortable que la mienne. Par contre, lors de cette fameuse réunion,  je pense que c’était le rôle de mon n+2 de faire redescendre la pression et de prendre ma défense clairement, même s’il n’avait pas tous les arguments, en tout cas de prendre parti. Ça, cela n’a pas été fait, c’est quelque chose que je regrette, mais je n’en ai pas parlé avec lui.

Equipe CFTC : c’est quelqu’un qui avait de la bouteille ?

Grégory : oui, oui. Donc j’ai fait mon analyse du projet, ce qui m’a à la fois rassuré parce que je me suis vraiment rendu compte que dans toutes les remontées du client, dans tous les bugs qu’il avait saisis sur ce fameux week-end où il avait travaillé seul sur le projet, et bien il y avait plein de choses qui étaient des faux bugs, des choses dont on ne pouvait pas avoir conscience, qui n’étaient pas suffisamment précisées en amont, etc. Finalement j’ai réussi à éliminer la majeure partie de ces anomalies. Les autres anomalies elles ont été réglées en quelques instants à partir du moment où nous étions présents. La colère du client était donc totalement injustifiée mais il m’a fallu une grosse semaine pour pouvoir argumenter. Et j’en ai parlé à ma hiérarchie et je m’attendais à ce qu’il y ait quand même des suites à ça. Je ne m’attendais pas à ce que l’on aille au clash avec le client en lui disant que sa colère était injustifiée. Mais au moins que l’on aille lui montrer ses torts. D’une manière ou d’une autre.

Equipe CFTC : Tu étais en train d’expliquer les suites que ta direction avait données après que tu leur ais remis ton rapport qui pointait du doigt la responsabilité du client.

Grégory : A ma connaissance, ma hiérarchie a préféré ne pas remettre le sujet sur le feu. Mais ils ont pris en compte toutes mes remarques. On a fait une réunion d’au moins trois heures durant laquelle j’ai donné mon analyse complète du projet, pourquoi nous avions mal chiffré, ce que nous ignorions au moment du chiffrage, tout ce qui s’est ajouté au fur et à mesure, quels efforts nous avons fait, comment ses efforts se sont retournés contre nous etc. J’avais  rédigé un document d’une dizaine de pages qu’on a analysé dans le détail avec mon n+1 et n+2. J’étais satisfait car ils ont apprécié ce document, ils m’ont dit que cela allait leur être utile pour analyser et à améliorer les méthodes de travail avec le client. Donc il y a peut-être des choses qui vont en sortir mais je ne les verrai pas. Car de mon côté, mon moral restait au plus bas, j’ai fait une espèce de burnout, j’ai eu des phases de déprime. Ce qui en est sorti très vite, c’est le constat que je ne pouvais plus travailler pour ce client. Je savais déjà que ce projet était le dernier que je gérerais pour lui. Il fallait absolument que je trouve une issue, je ne savais pas encore laquelle. L’idée de demander une rupture conventionnelle s’est alors imposée en discutant du sujet avec mon entourage. Je ne me voyais pas faire une demande de mobilité, repartir sur un nouveau client parce que techniquement je n’avais pas envie de recommencer autre chose.

Equipe CFTC : pardon Grégory si cela ne dérange pas, tu es passé très vite sur une partie qui m’intéresse beaucoup. Tu es passé très vite sur l’accident, ce moment que l’on peut identifier comme vraiment le déclencheur du burnout entre guillemets. C’était assez flou ce moment-là où il y a vraiment eu un arrêt travail ou une maladie ?

Grégory : non il n’y a pas eu d’arrêt travail. J’ai eu des journées à me morfondre où je ne travaillais pas

Equipe CFTC : Tu venais au boulot mais tu n’arrivais pas à travailler ?

Grégory : c’était pendant le confinement. En fait, je ne suis jamais retourné sur site.

Les phobies sociales

Equipe CFTC : il y a eu cette crise, cela n’allait pas, tu déprimais, physiquement tu te sentais mal, mais tu n’es pas allé voir le médecin ?

Grégory : J’ai consulté mon médecin à de nombreuses reprises sur des sujets liés au travail,  à cette période et même avant cela. J’ai eu des moments où ça n’allait pas, et j’ai commencé à avoir des petites phobies sociales. Cela a commencé durant les pauses avec les collègues, alors que ces moments étaient sympas et je m’entendais bien avec les collègues, j’ai parfois eu des difficultés à rire ou sourire. Au contraire, j’étais plutôt pris d’un malaise du fait que le sourire ne me venait pas. C’est gênant et désagréable, on a un sentiment de panique, de ne pas gérer ses émotions, une impression de devenir écarlate ou de ne pas être à sa place.

Equipe CFTC : d’accord Grégory.

Grégory : J’ai consulté à cette période-là, j’ai vu un psychologue mais pas longtemps parce qu’il ne m’a pas apporté de solution, il a éludé la question du travail, il a dit grosso modo que le travail c’était un truc sur lequel je devais mettre des barrières, me protéger et lui il m’a proposé plutôt des chantiers, des expérimentations vis-à-vis de mon couple. Donc je me suis cassé. Mon médecin m’a donné un petit traitement à prendre lorsque j’avais une crise d’angoisse. Malgré cela, mon souci a plutôt eu tendance à s’étendre et à sortir du cadre professionnel. Donc j’ai eu parfois ces mêmes sentiments de malaise avec des amis ou en famille. C’était en 2015 et cela m’arrive encore parfois, j’ai appris à vivre avec et c’est quelque chose que je remarque parfois chez d’autres personnes.

Equipe CFTC : oui je pense aussi que cela est très répandu.

Grégory : oui j’ai fini par le comprendre mais je n’avais jamais connu ça par le passé donc forcément cela m’a perturbé. Je ne suis jamais allé voir la médecine du travail sur ces aspects-là. Je ne pense même pas avoir évoqué le sujet lors des rares entretiens.

Equipe CFTC : Et après cette réunion qui dégénère un petit peu, là quand tu dis que suite à ça tu te sens très mal, cela signifie que tes crises d’angoisse elles deviennent plus fréquentes ? C’est ça que tu veux dire ?

Dépression, stress et insomnie

Grégory : non. Cette phobie sociale, c’est un truc que j’arrive à garder à peu près sous contrôle. Après cette réunion, j’ai des épisodes dépressifs. Je vois tout en noir. Et je n’arrive pas à éprouver de joie. Tout simplement.

Equipe CFTC : dans ton analyse sur pourquoi tu en viens à voir la vie en noir, tu as l’impression que c’est le boulot qui participe à ça ? Que tu pointes du doigt ?

Grégory : Pas complètement, l’état du monde participe aussi à ma déprime, c’est assez évident. Mais suite à cette réunion, le stress se manifeste de manière beaucoup plus forte. J’ai des insomnies, des problèmes inflammatoires au niveau de la digestion, des angoisses nocturnes avec des douleurs ou des sensations d’étaux dans la poitrine, l’impression d’un problème cardiaque. Bien sûr, j’ai consulté mon médecin, j’ai fait des analyses qui ont montré que le stress était à l’origine de mes problèmes. Mon médecin m’a proposé des arrêts maladie que j’ai refusés car j’avais l’impression que ce n’était pas la solution pour moi. Pour aller mieux, j’avais besoin d’un nouvel horizon, d’autres objectifs dans la vie.

Difficulté de l’aide du management

Equipe CFTC : est-ce que pendant cette période qui ne devait pas être facile au quotidien, tu avais du mal à travailler, tu voyais la vie en noir, est-ce que tu en as parlé avec ton manager, des collègues, est-ce que tu as eu une aide ? Ou est-ce que tu étais tout seul avec ça ?

Grégory : J’en ai parlé un peu à ma hiérarchie notamment quand j’ai fait le bilan du projet. Je parlais à mon chef des moments où je n’arrivais pas à avancer sur mes sujets parce que je n’avais pas le moral. Son écoute a toujours été positive et bienveillante. Mais il ne m’a pas incité à en discuter avec la médecine du travail ou les RH. Je pense que les managers sont assez démunis, ils ne savent pas comment réagir à ça. Par le passé, j’avais déjà discuté avec lui de mon problème de phobie sociale. J’avais aussi expliqué à plusieurs reprises par le passé que je réfléchissais à une reconversion.

Equipe CFTC : par rapport à tout ça, tu n’as jamais eu des propositions, même RH, pour te dire peut-être on va te trouver une autre place au sein de l’organisation qui conviendra mieux à tes besoins ?

Grégory : Non. Je n’ai jamais fait de démarche vis-à-vis des RH. Mon chef m’a bien sûr parlé de possibilités de changement internes, mais comme je souhaitais quitter l’informatique, je n’ai jamais été motivé par un changement interne.

Les suites du burnout

Equipe CFTC : merci. Je comprends mieux. On arrive maintenant à l’après « burnout ». Tu commences à réfléchir à une rupture conventionnelle.

Sur la possibilité d’une rupture conventionnelle

Grégory : Je me suis dit finalement que la rupture conventionnelle était une bonne manière de m’en sortir. Cela me permettait de faire une pause pour soigner le mental et le physique en parallèle et repartir sur quelque chose de positif. Dès que l’idée a germé, elle s’est imposée. J’ai tout de suite écrit un mail à mon chef en expliquant que j’allais faire une demande de rupture conventionnelle. On a discuté de ça par téléphone. Je voulais que mon chef comprenne que j’allais cesser de m’investir dans mon poste à court terme. Après discussion avec lui, j’ai contacté une RH et je lui ai remis ma demande de rupture conventionnelle par mail, en demandant qu’un retour me soit fait dans les 3 mois. J’avais indiqué à mon chef que j’étais d’accord pour continuer de travailler pour le client en juin et juillet mais qu’il valait mieux ne plus compter sur moi à mon retour de congés du mois d’août. Ce n’était pas pour le menacer mais pour qu’il puisse prendre ses dispositions et ne soit pas trop impacté par mon choix.

Je savais bien que les ruptures conventionnelles n’étaient pas monnaie courante, mais je pensais que j’allais être soutenu dans ma demande par ma hiérarchie vu nos bonnes relations. Je me disais que la situation jouait plutôt en ma faveur avec la covid et l’intégration d’Ingenico. J’ai pensé que je n’avais pas besoin de faire appel aux DP et que je pourrais dialoguer en direct avec ma hiérarchie.

Equipe CFTC : Une écoute et un accompagnement humain.

Grégory : oui. J’ai eu un entretien avec la RH qui a voulu comprendre pourquoi j’en étais arrivé là, et être sûr que je voulais vraiment quitter l’entreprise. Elle m’a dit qu’il y avait pas mal de choses qui étaient possibles dans l’entreprise pour faire le point. Je lui ai dit que j’avais bien réfléchi et que ma volonté de quitter l’entreprise était déjà ancienne et que j’étais arrivé à un point de non-retour. J’ai expliqué aussi mes problèmes de santé et la réponse de la RH m’a choqué. Elle m’a  averti qu’il ne fallait pas que je prenne d’arrêt maladie sinon ma rupture conventionnelle n’avait aucune chance d’être acceptée. J’ai vraiment pris ça comme une menace et cela m’a déçu de la part de la RH avec qui j’avais une très bonne relation jusque-là.

Refus de la rupture conventionnelle

Ensuite et bien j’ai continué à travailler au mois de juin, à peu près normalement en fait. On repartait sur un nouveau projet, forcément je n’étais pas identifié comme le chef du projet mais je participais aux analyses des spécifications du client. J’ai pu travailler sans être en relation forte avec le client, sans avoir à subir sa colère, sa pression, ses humeurs, donc je travaillais assez sereinement. Par contre, j’avais un souci vis à vis de l’équipe qui n’était pas au courant de ma démarche. J’aurais aimé leur expliquer, mais j’avais peur que cela nuise à ma demande de rupture conventionnelle. J’en ai parlé à mon chef qui m’a dit qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que je leur dise tout. J’ai préféré recontacter la RH pour avoir son avis sur la question. C’était en juin, moins d’un mois après ma demande, la RH m’a dit qu’elle comptait justement me contacter car elle avait une réponse à me donner. Elle m’a dit : «  Ta hiérarchie ne souhaite pas que tu quittes l’effectif parce que tu es précieux. Ton départ n’est pas souhaité donc elle ne comprend pas pourquoi elle devrait te payer des indemnités suite à ce départ. ». Je ne m’attendais pas du tout à recevoir une réponse si brutalement, sans aucun dialogue avec ma hiérarchie donc je me suis effondré au téléphone, J’ai bredouillé quelques mots, mais j’ai été incapable de poursuivre la conversation. Suite à cela, je me suis dit que j’avais besoin d’expliquer dans le détail à ma hiérarchie pourquoi j’en étais arrivé à cette décision et pourquoi je pensais que la rupture conventionnelle était légitime dans mon cas. Je leur ai fait un long mail avec des arguments sur la qualité reconnue de mon travail lors de tous les entretiens annuels, sur mes difficultés qui remontaient à loin et malgré lesquelles j’avais toujours fait de gros efforts. J’ai également pointé du doigt mon niveau de salaire qui ne reflétait pas mon expérience. J’attendais un retour motivé et par écrit de leur part.

Equipe CFTC : d’accord.

Grégory : Mon n+2 accepte le principe, mon chef et mon n+3 sont en congés. Je continue donc de travailler tout le mois de juillet, je rends notamment service à mon n+2 en faisant de nombreux chiffrages pour que le futur projet puisse avancer. En août, j’ai un mois de congés et j’ai un entretien avec mon n+3 début septembre, à mon retour de congés. A vrai dire, cet entretien ne sert pas à grand-chose. Le manager me dit que je suis apprécié, humainement et dans le travail, il y a vraiment aucun souci avec moi au niveau du département et de l’entreprise en général, mais mon départ laisse mon équipe dans une situation encore plus compliquée qu’elle ne l’était, et l’entreprise n’y gagne rien, dans ces conditions, il ne voit aucune raison à m’accorder la rupture.

Equipe CFTC : ce discours m’aurait très énervé.

Sur l’abandon de poste

Grégory : Cela m’a complètement énervé. On n’a pas du tout parlé des efforts que j’ai faits malgré mes difficultés. Quand j’essaie de parler de mon salaire, le manager me dit juste qu’il est en ligne avec celui de mes collègues d’expérience similaire. Pourtant, dans mon long courriel, je montre bien qu’en 20 ans, je suis toujours resté à la même « distance » du plafond de la sécu (PMSS) qui était le salaire minimum lors de mon embauche. Malgré tout, la discussion reste cordiale. Je m’étais préparé à ce refus et je veux surtout trouver une solution pour quitter l’entreprise de manière sécurisée. Il n’est pas question pour moi de démissionner ni d’entrer en conflit avec l’entreprise. J’évoque donc tout de suite l’abandon de poste auquel j’avais déjà réfléchi comme issue possible. Je demande clairement si l’entreprise me fera des problèmes si je fais un abandon de poste. Mon n+3 me dit que si je souhaite cette solution, c’est ok pour lui. Il me dit qu’il ne connaît pas vraiment cette procédure ni si elle donne droit au chômage. C’est faux car dans le passé, plusieurs collègues dont il était manager ont eu recours à un abandon de poste pour sécuriser la création de leur propre société. Je pense qu’il fait attention à ses mots pour montrer que je suis à l’origine de cette décision et pas l’entreprise. Même si je n’apprécie pas la méthode, je ne suis pas allé au clash, c’est quelqu’un par ailleurs avec qui je n’ai jamais eu de problème, qui s’est toujours bien comporté avec ses équipes, donc bon, il sert les intérêts de son entreprise, de son département, c’est son rôle quelque part. Je lui demande si je peux solder le reste de mes congés car je ne sais pas à ce moment-là si je peux les perdre en abandonnant mon poste. Il accepte. Donc je pose tous mes congés et je ne reprends pas mon poste à la mi-octobre. Ensuite, c’est allé assez vite, j’ai reçu ma lettre de licenciement à la mi-novembre, après plusieurs courriers de relance pour mon absence.

La lettre de licenciement contient une convocation à un entretien RH. Je décide d’y aller, essentiellement pour rendre mon badge et mon pc. La RH a d’ailleurs été étonné de ma présence et m’a dit qu’en général, les gens ne venaient pas. Finalement, je ne regrette pas d’y être allé car cela m’a ouvert les yeux sur les méthodes de l’entreprise. Premièrement, la RH me dit tout de suite que l’abandon de poste est une bonne solution dans mon cas. Ça sécurise mon départ de l’entreprise. Elle dit d’ailleurs que c’est une solution qu’elle propose aux gens dans ma situation « pour les aider ». Je trouve son discours sidérant. Je lui dis que j’ai été contraint d’en arriver là et que j’aurais préféré une rupture conventionnelle vu mes états de service. Là, elle me dit « je suis tout à fait d’accord avec toi, c’est totalement absurde mais la loi est mal faite pour les entreprises. »

Equipe CFTC : qu’est-ce que cela veut dire ?

Grégory : Je lui ai demandé des explications car c’était incompréhensible pour moi aussi. Elle m’a dit que pour faire une rupture conventionnelle, l’entreprise doit prouver qu’elle veut se séparer du collaborateur. Donc il faut constituer un dossier, cela prend du temps, cela ne se fait pas pour des collaborateurs pour lesquels tout va bien. Je lui dis que ma situation n’a rien à voir, c’est moi qui demande la rupture, l’entreprise peut l’accepter même si elle n’a pas de grief envers moi. La RH me dit que c’est plus compliqué que ça mais ne me donnera pas d’autre explication. Elle enchaîne très vite sur des discussions légères. Je n’insiste pas, je rends mon matériel, fin de l’histoire.

Conseils pour éviter le burnout

Equipe CFTC : c’est très riche. Il y a beaucoup de choses Grégory dans ton témoignage. Merci beaucoup. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose ? Ton histoire est très singulière, tu as essayé de faire face à cette situation en décidant de partir. Souvent je termine l’entretien avec la question suivante : quels conseils tu donnerais aux salariés de Worldline pour éviter de tomber dans la problématique que tu as connue ?

Grégory : Je pense qu’il faut bien comprendre le monde de l’entreprise et essayer de prendre la distance nécessaire pour se protéger. En tant que salariés, nous sommes juste une ressource mais de nombreux discours nous font croire que l’entreprise, c’est nous. Ce mensonge est martelé lors des réunions générales ou dans de nombreuses communications internes. Même le questionnaire « Well being at work » nous demande de donner notre avis sur les collègues comme s’ils étaient l’entreprise. Sont-ils sympathiques ? Avons-nous les mêmes valeurs ? De même, les réunions de département essaient de renforcer notre sentiment d’appartenir à un collectif. On y met de l’affectif et on joue le jeu assez naïvement en oubliant que le but derrière tout ça, c’est d’en obtenir le plus possible de notre part. Nous acceptons beaucoup plus de sacrifices par sympathie pour nos collègues. Quand la charge de travail est trop importante dans une équipe, chacun fait un effort pour ne pas nuire aux autres. Et finalement, ces efforts deviennent la norme et augmentent d’année en année. A l’opposé, l’entreprise utilise notre individualisme sur des sujets comme la rémunération. Et là aussi, ça marche très bien. Par exemple, la plupart de mes collègues étaient favorables aux  augmentations individuelles plutôt qu’aux augmentations générales. En réalité, il faudrait également agir collectivement pour avoir du poids et obtenir plus de l’entreprise.

Equipe CFTC : c’est très intéressant Grégory. Je te rejoins sur toute ton analyse. C’était riche, je te remercie énormément. Tu m’as dit plein de choses  intéressantes. Donc merci pour tout le temps que tu m’as consacré.

Grégory : Je t’en prie, ça m’a fait plaisir car j’apprécie beaucoup le travail de la CFTC chez Worldline. Au niveau de l’état d’esprit, de la qualité de vos analyses et des sujets que vous abordez, vous faîtes un très chouette travail.

Equipe CFTC : merci, c’est gentil Grégory.

Fin de l’entretien

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