Astreinte, escalade, heure supplémentaire, état des lieux

In Actualités sociales, Nos droits

La CFTC a profité de sa présence sur plusieurs sites de Worldline pour dresser un état des lieux des astreintes, escalades, interventions et heures supplémentaires chez Worldline.

Nous avons rencontré des salariés sur les sites de Blois, Tours et Rennes et nous devrions prochainement nous rendre à Paris et à Lyon. Nous souhaiterions tout d’abord remercier ces salariés pour la qualité de leurs accueils, leurs confiances et la qualité des informations qu’ils nous ont données. Merci à tous !

Qu’en est-il alors de ces modalités de travail exceptionnelles sur nos différents sites et dans nos différentes équipes ? Comment ces périodes de travail sont-elles gérées ? A quelles compensations donnent elles droit ?

Notre constat est accablant : les inégalités de traitement entre les salariés sont considérables. Sur le même site et dans la même GBL, on pourra aussi bien rencontrer des équipes respectant scrupuleusement nos accords d’entreprise alors que pour d’autres ces périodes de travail ne donneront tout simplement rien.

Rentrons dans les détails …

Sur les astreintes

Pour rappel une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation d’être disponible afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, ceci dans une contrainte de délai fixé par l’entreprise.

Pour la très grande majorité des équipes que nous avons rencontrées, les vraies astreintes n’existent pas. La solution bricolée par la direction est souvent la mise en place d’escalade moins onéreuse mais illégale.

Il y a néanmoins quelques exceptions à cette règle :

Certains projets critiques ne peuvent pas accepter un support d’exploitation fonctionnant au bon vouloir des salariés : Je réponds à mon téléphone si je suis disponible mais je n’ai pas l’obligation de prendre l’appel. Ca marchouille pour des solutions mais pour d’autres cela est inacceptable. Le projet radar sur le site de Rennes est un cas emblématique qui est le meilleur modèle à suivre pour tous les autres (Nous aurions pu également évoquer les astreintes TO mises en place récemment).

  • Les astreintes ne sont pas obligatoires, seuls les salariés voulant participer au programme d’astreinte y participent
  • Les astreintes couvrent l’ensemble des périodes HNO/JNO
  • Pour chaque salarié participant au programme, les périodes d’astreintes sont limitées à 1 semaine d’astreinte par trimestre
  • Une astreinte se traduit obligatoirement par une déclaration SAXO sur toute la période d’astreinte. Cette période donne lieu au versement d’une indemnité horaire égale à 30% du salaire horaire de base ou à une récupération de 30% du temps d’astreinte.
  • Si une intervention a lieu durant l’astreinte, elle l’interrompt et entrainera à son tour une déclaration SAXO. Les heures ainsi effectuées sont payées conformément à nos accords (Heures supplémentaires et/ou travail de nuit le cas échéant, ce qui entraine des majorations de 25% ou 50%)
  • Le repos quotidien de 11 heures consécutives est plus ou moins bien respecté. L’intervention durant une période d’astreinte entraine un décalage du début de la journée de travail suivant le moment de l’intervention. Ce point pourtant critique pour la santé des salariés reste méconnu et semble pris en compte de manière assez aléatoire.

Pour d’autres projets, c’est souvent les ratés des escalades et le refus des équipes d’accepter les escalades « bénévoles » qui ont contraint le management à la mise en place de véritables astreintes. Elles sont rarement permanentes et sont utilisées ponctuellement à des moments clés de la vie d’un projet : Lors de la livraison en production d’un lot fonctionnel important, lorsqu’une augmentation de la charge de l’application est prévisible comme par exemple au moment des soldes pour les retailers, etc.

Sur les escalades

L’escalade n’a aucune définition légale. Elle est par nature illégale. Les escalades sont une solution bricolée par la Direction de Worldline à moindre frais que la mise en place de période d’astreinte. Elles permettent d’améliorer notre réactivité lors de l’apparition d’un problème en production, minimisant alors bien souvent la durée des incidents et la grogne des clients. Elles jouent un rôle clé dans la vie de nombreux projets et pourtant entrainent rarement des compensations à la hauteur de l’investissement des salariés.

Nous n’avons rencontré aucune équipe où il était obligatoire de participer aux escalades, les managers ne forcent personne à communiquer leur numéro de téléphone personnel. Néanmoins des pressions s’exercent, du manager mais aussi par solidarité avec les autres membres de l’équipe, rendant une non-participation parfois délicate. D’autres part, notons que la communication de son numéro de téléphone personnel ne signifie pas que le salarié ait l’obligation de répondre à l’appel des services d’exploitation. Il répond s’il le souhaite.

Jusqu’à là la situation est assez similaire pour l’ensemble des équipes rencontrées. Pour la suite, plusieurs cas de figure se dégagent des entretiens que nous avons menés sur les différents sites :

Sur la fréquence

La fréquence des escalades est très variée selon les équipes et les périodes. Pour certains, le téléphone sonne quelques fois dans l’année, alors que d’autres seront dérangés à plusieurs reprises dans la même semaine. Cette diversité dépend du type d’équipe dans laquelle on travaille, une personne dans une équipe RUN sera plus sollicitée qu’une autre travaillant sur du BUILD. D’une manière plus générale, toutes les étapes de la vie d’un projet peuvent avoir des répercussions sur la fréquence des escalades : une solution mal vendue, des périodes de développement trop courtes, etc. auront évidement une incidence directe sur la sollicitation des équipes par les services d’exploitation. On se rappelle par exemple des équipes SCC travaillant sur l’offre contact qui détiennent peut être la palme du nombre d’incidents gérés lors d’escalade.

Un autre élément important contribuant à limiter ou au contraire à augmenter le nombre d’appel est le niveau d’escalade sur lequel on est positionné. Par exemple, sur les sites de Blois et Tours, un grand nombre de manager de proximité se positionnent en première ligne d’escalade, c’est donc eux qui seront dérangés par les services d’exploitation. Selon la gravité de l’incident, ils décideront soit d’appeler un membre de leur équipe soit d’attendre le lendemain pour la résolution du problème. Cette situation protège évidement les développeurs, mais place les managers de proximité dans des situations très délicates. Inversement, sur le site de Lyon par exemple, les développeurs sont généralement les premiers à être contactés par les services d’exploitation.

Sur les compensations

La diversité des compensations nous laisse pantois et appelle une réponse immédiate de la direction.

Pour certaines équipes, une intervention lors d’une escalade n’entrainera aucune déclaration SAXO.  Le travail réalisé est complétement invisibilisé et donne droit au mieux à quelques aménagements horaires les jours suivants l’escalade. Cette situation est inadmissible.

Pour les autres, ce n’est pas encore gagné et subsiste de très fortes disparités dans les modalités de compensations des escalades. Pour certains, la déclaration SAXO n’est pas obligatoire et dépend de la durée de l’intervention.

Si cette dernière est inférieure à 1 heure, on se retrouve dans le cas précédent, au mieux le salarié décale et réduit légèrement sa journée suivante de travail, au pire son intervention lui apportera rien du tout, son manager n’étant pas même informé dans certains cas.

Si l’intervention excède une heure de travail, le salarié peut faire une déclaration SAXO. Là encore plusieurs cas de figure : Pour certains, on déclarera uniquement la période d’intervention, alors que d’autres auront une compensation équivalente à des salariés en astreinte : une ligne SAXO pour toutes la période HNO à laquelle s’ajoute une ligne spécifique pour la période d’intervention.

Sur le respect de repos quotidien

Pour rappel, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives. En cas d’intervention suite à une escalade, « le repos intégral doit être donné à compter de la fin de l’intervention sauf si le salarié a déjà bénéficié entièrement, avant le début de son intervention, de la durée minimale de repos continue prévue par le code du travail ». Autrement dit, si une intervention dans le cadre d’une escalade débute à 2h du matin et se termine à 3h, le salarié ne devrait pas pouvoir venir travailler avant 14h.

Cette obligation légale qui vise à préserver la santé des salariés est très rarement respectée.

Les solutions mises en place sont variées mêlant les éléments suivants :

  • Possibilité pour le salarié de décaler son arrivée sur son site de travail le jour suivant l’escalade
  • Possibilité de faire du télétravail
  • Possibilité d’enchainer sa journée de travail immédiatement après la fin de l’intervention en escalade.
  • L’intervention en escalade se traduit par aucun repos supplémentaire

Sur les interventions planifiées

Pour rappel tout travail réalisé entre 22 heures et 7 heures du matin est considéré comme travail de nuit. La majoration applicable en cas de travail de nuit de manière habituel ou de manière exceptionnelle est de 50% du taux horaire.

La situation est proche de celle des escalades. Certains d’entre nous peuvent encore aujourd’hui venir travailler en pleine nuit dans le cadre d’une intervention planifiée sans pouvoir créer de déclaration SAXO. Travail dissimulé qui est finalement une forme de travail au noire organisé par la direction.

La tendance semble néanmoins s’améliorer, le recours à SAXO est systématique pour de plus en plus d’équipe, les solutions bricolées selon l’arbitraire des managers sont moins nombreuses qu’auparavant. Des problèmes demeurent néanmoins comme nous l’évoquions précédemment : respect du repos quotidien, dépassement du nombre maximal d’heure supplémentaire sur une semaine, etc.

Sur les heures supplémentaires

Pour rappel, les heures supplémentaires se calculent par semaine civile. Les 8 premières heures réalisées au-delà de la durée hebdomadaire appliquée (35h ou 37h pour la majorité d’entre nous) sont indemnisées à 125%. Au-delà de la 8ème heure supplémentaire, elles sont indemnisées à 150%.

Grosso modo les heures supplémentaires réalisées dans le cadre « normal » de notre travail ne donnent droit à rien du tout pour pratiquement l’ensemble d’entre nous. Réaliser une semaine de 45 heures sans jamais pouvoir déclarer la moindre heure supplémentaire semble aller de soi pour la Direction. Pour les salariés cela représente un manque à gagner important et introduit plusieurs risques sur leurs santés. Cette situation est également inacceptable.

En conclusion

Cet état des lieux dressé rapidement suite à nos enquêtes révèle des situations intolérables : Nos accords d’entreprises ne sont pas respectés, du travail est dissimulé, le repos des salariés est bafoué.

Ensemble nous devons continuer à s’opposer à des pratiques illégales.

Ensemble nous devons imposer à la Direction l’application de nos accords d’entreprises et de la loi.

A vos côtés, la CFTC continuera à vous aider.

Besoin d’aide ? Des questions ? N’hésitez pas à nous contacter.

Toute l’équipe CFTC

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2 commentsOn Astreinte, escalade, heure supplémentaire, état des lieux

  • Qu’est-ce qui fait qu’une équipe/département décide de passer systématiquement par saxo alors qu’une autre aura recours au mieux à de la bidouille ou a de la dissimulation ?

    J’ai vraiment l’impression que la gestion des compensations est laissé à l’appréciation des managers de proximité et que chacun fait à sa sauce… et que les RH ne font rien pour faire respecter la loi.

    Dans mon département mon équipe a recours systématiquement à saxo alors qu’une autre équipe sur un projet différent est en mode bidouille. Pourquoi ?!?!

    • Bonjour Seclinois,

      Plusieurs éléments de réponse à ta question:
      – Premièrement, je pense que l’historique du département, du pôle, etc. contribue beaucoup au respect de nos accords d’entreprises. Il arrive toujours un moment où un département usant avec excès des escalades / interventions de nuit sans réel contrepartie pour les salariés se fasse taper sur les doigts. S’en suit alors une application strict de nos accords, le management ne souhaitant pas se faire prendre par la police à plusieurs reprises.

      Ce fut par exemple le cas de équipes SCC: le ras le bol était tel que plusieurs membres de l’équipe échangèrent avec les DP de Lyon sur la situation. Immédiatement, l’équipe RH fut alertée, le management “sermonné” et les accords appliqués.

      – Ensuite, tout dépend si l’on peut dire du “rapport de force” au sein des équipes. Un équipe composée exclusivement de salariés juniors, cherchant leurs marques et voulant faire leurs preuves auront souvent beaucoup plus de mal à refuser le jeu illégal proposé par le management.

      – Finalement, et depuis toujours nous remarquons que la sensibilité du management à ces différents aspects (Traiter avec respect les collaborateurs, se soucier de leurs santés, etc) varie énormément selon les hommes. La direction générale d’une GBL par son implication, par la sensibilisation des managers, etc. peut contribuer à instaurer des très bonnes pratiques dans ses équipes. Inversement, une direction générale qui elle même montre peut d’intérêt à ces problématique confortera les différents échelons de management que le non respect du droit n’est pas si important.

      Hésite pas à nous contacter si tu souhaites échanger plus longuement sur le sujet.

      Très bonne journée

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