Pourquoi le projet de loi El Khomri n’est pas acceptable?

In Actualités sociales

Nous vous proposons une analyse du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, plus communément appelé loi El Khomry.

Cette présentation s’articulera autour de 3 volets:

  • Durée du travail, répartition et aménagement des horaires
  • Dialogue social, représentativité et accord d’entreprise
  • La rupture du contrat de travail, le licenciement

Durée du travail, répartition et aménagement des horaires

Astreintes

  • La définition du temps d’astreinte ne change pas avec ce projet de loi.
    Le Code du travail prévoit déjà que la période d’astreinte n’est pas du temps de travail effectif et est décompté du temps de repos.
  • Ce qui est nouveau, ce sont les modalités de mise en œuvre des astreintes.
    Jusqu’à présent lorsque l’astreinte était mise en place par décision unilatérale de l’employeur et non par accord d’entreprise, le salarié pouvait refuser d’effectuer ces astreintes qui constituaient une modification de son contrat de travail. Désormais, ces astreintes s’imposent au salarié qui ne peut refuser de les effectuer. De plus, le délai de prévenance de 15 jours n’est plus garanti.
  • En cas d’intervention durant les 11 heures de repos quotidien le salarié avait droit à un nouveau repos de 11 heures consécutif. Désormais il n’aura droit qu’à un repos complémentaire de la durée de l’intervention.

Durée maximale quotidienne du travail

  • Elle est normalement de 10 heures, mais peut être portée à 12 heures par voie d’accord.
    À défaut d’accord, l’employeur pourra demander l’autorisation d’augmenter la durée du travail à 12 heures par jour sans limitation dans le temps, en motivant sa demande par une activité accrue ou des motifs liés à l’organisation de l’entreprise alors qu’auparavant il fallait justifier de contraintes économiques sur une durée déterminée.

Durée hebdomadaire maximale du travail

  • Le maximum est toujours à 48 heures par semaine.
    Il est possible, comme c’était déjà le cas de demander l’autorisation administrative de porter cette durée à 60 heures en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci.
  • Ce qui change, c’est que la demande n’a plus à être accompagnée de l’avis préalable du CE ou des DP. 

Durée hebdomadaire maximale moyenne du travail

  • La durée hebdomadaire moyenne passe de 44 heures sur 12 semaines à 44 heures sur 16 semaines. Il sera possible soit par accord soit par autorisation administrative de porter cette durée à 46 heures sur 16 semaines. 

Majoration des heures supplémentaires

  • Il suffira d’un accord d’entreprise et non plus d’un accord de branche pour fixer la majoration des heures supplémentaires à 10% au lieu de 25%. L’accord de branche ne permet plus de garantir plus la majoration de 25%. 

Aménagement du temps de travail

  • Il sera possible par accord d’entreprise de décompter les heures supplémentaires à l’issue d’une période de référence de 3 ans  et non plus de 1 an : le salarié fait donc crédit de ses heures supplémentaires et de ses majorations à son employeur pendant 3 ans !
  • À défaut d’accord, l’employeur peut décider de décompter les heures supplémentaires sur une période de 4 mois et non plus 1 mois.

Forfait Jour

  • L’employeur n’est a priori plus responsable des dépassements du temps de travail des forfaits jours s’il a fixé des échéances et une charge de travail compatible avec les repos quotidiens hebdomadaires et les congés du salarié.
  • Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur pourra faire signer une convention de forfait jour à un salarié sans accord d’entreprise.
  • La durée annuelle peut aller jusqu’à 235 jours.
  • 365 jours – 104 jours de repos hebdomadaire – 11 jours fériés = 250 jours (il reste 15 jours de congés ou 3 semaines)
  • Le salarié pourra, à sa demande et avec l’accord de l’employeur, fractionner son repos quotidien ou hebdomadaire dès lors qu’il choisit de travailler en dehors de son lieu de travail au moyen d’outils numériques.

Augmentation de la durée du travail des apprentis mineurs

  • À titre exceptionnel, ou lorsque des raisons objectives le justifient, dans certains secteurs, les apprentis de moins de 18 ans pourront effectuer une durée du travail quotidienne portée à 10 heures au lieu de 8 heures.
  • Leur durée hebdomadaire de travail pourra également être portée à 40 heures au lieu de 35 heures.

Congés pour évènements familiaux

  • Il sera possible par accord de déroger à la durée des congés pour évènements familiaux et de réduire ainsi la durée. Donc par exemple, le salarié aura moins de 4 jours pour un mariage ou un Pacs et moins de 2 jours pour le décès d’un enfant.

Dialogue social, représentativité et accord d’entreprise

Nouvelle règle de validité d’un accord

  • Un accord d’entreprise est valablement signé par  une ou des organisations représentatives ayant recueilli non plus 30%, mais 50% des suffrages  exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives lors des dernières élections. Si cette condition n’est pas remplie et que l’accord a été signé par des organisations syndicales représentant au moins 30% des suffrages, ces OS pourront demander la validation de cet accord par référendum.
  • L’employeur peut organiser un vote électronique validant l’accord avec une majorité de votants sans quorum.
  • Le droit d’opposition des syndicats majoritaires est supprimé! 

Règles de hiérarchie entre les accords

  • Toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise pourront être menées au niveau du groupe. Un accord de groupe pourra prévoir qu’il se substitue à tout accord d’entreprise ayant le même objet conclu antérieurement ou postérieurement.
  • La même règle s’applique pour les accords d’entreprise qui peuvent prévaloir sur les accords d’établissement.
  • La liberté est donnée à l’employeur de choisir le niveau de négociation qui lui est le plus favorable.

Les accords d’entreprise tombent au bout de 5 ans !

  • Les accords d’entreprise sont par défaut d’une durée limitée à 5 ans et en arrivant à expiration l’accord cesse de produire leurs effets.
  • Suppression du principe du maintien des avantages acquis lorsqu’un accord qui a été dénoncé n’aura pas été remplacé par un accord de substitution, les avantages individuels acquis précédemment ne seront plus applicables.
  • Seule sera maintenue la rémunération perçue lors des 12 derniers mois.

Hiérarchie des normes

  • Jusqu’à présent, la hiérarchie des normes sociales était la suivante :
    le Code du travail prime sur l’accord de branche, qui prime sur l’accord d’entreprise sauf si l’accord de branche ou d’entreprise est plus favorable.
  • La loi Fillon de 2008 a néanmoins prévu que les accords sur le temps de travail peuvent être moins favorables.
  • Le projet de loi inverse la hiérarchie des normes. C’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de branche même s’il est moins favorable!

La rupture du contrat de travail, le licenciement

Accord de maintien dans l’emploi offensif

  • Il sera possible de signer des accords d’entreprise ayant pour but de préserver ou développer l’emploi. Ce type d’accord n’est plus réservé aux seules entreprises en difficultés. Il pourra prévoir d’imposer aux salariés la baisse des garanties prévues à leur contrat de travail (temps de travail, rémunération, clauses de mobilité…).
  • Si un salarié refuse la modification de son contrat suite à cet accord, il pourra être licencié pour motif personnel et non pas économique.Son licenciement reposera sur une cause réelle et sérieuse: il ne pourra pas contester la validité de son licenciement devant le conseil de Prud’hommes. 

Barème d’indemnités prud’homales

  • En cas de licenciement abusif, le juge ne pourra octroyer des dommages et intérêts supérieurs aux plafonds suivants :
    • – de 2 ans d’ancienneté, 3 mois de salaire
    • de 2 à – de 5 ans d’ancienneté, 6 mois de salaire
    • de 5 à – de 10 ans d’ancienneté, 9 mois de salaire
    • de 10 ans à – de 20 ans d’ancienneté, 12 mois de salaire
    • > 20 ans et plus d’ancienneté, 15 mois de salaire
  • Le juge peut décider d’octroyer une indemnité d’un montant supérieur en cas de faute de l’employeur d’une particulière gravité (harcèlement moral ou sexuel, discrimination…)
  • Les indemnités prévues pour violation de priorité de réembauchage en cas de licenciement économique sont également incluses dans le barème.

Facilitation des licenciements économique

  • La matérialité de la suppression de l’emploi s’appréciera au niveau de l’entreprise et non plus du groupe. Il sera donc possible de supprimer des postes dans une filiale et d’en créer dans une autre filiale en France ou à l’étranger. La délocalisation sera légalisée.
  • La définition des difficultés économiques pourra s’apprécier au niveau de l’entreprise ou au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elles appartiennent.
  • Caractérisent des difficultés économiques :
    • une baisse de commandes ou de chiffre d’affaire sur 4 trimestres consécutifs (2 trimestres en cas d’accord).
    • des pertes d’exploitation sur un semestre (un trimestre en cas d’accord)
    • une importante dégradation de la trésorerie
  • Un simple jeu d’écriture comptable pourra justifier de difficultés économiques 

Les licenciements économiques avant cession d’une entité.

  • Dans le cadre d’un PSE, s’il est prévu pour éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements de transférer une ou plusieurs entités économiques, alors l’article L1224-1 ne s’applique que pour les emplois qui n’ont pas été supprimés.

Divers

  • Suppression du principe de la visite médicale d’embauche.
  • Le médecin du travail doit d’abord consulter l’employeur avant de rendre un avis d’inaptitude.
  • Modification de la procédure de contestation d’avis d’inaptitude qui relève désormais du conseil de Prud’hommes qui doit désigner un expert à la charge du salarié.
  • Une seule proposition de reclassement suffit à l’employeur.

Pour toutes questions, vous pouvez évidement contacter un membre de l’équipe CFTC.

Amicalement
Florent Jonery, Christian Palcowski, Jean-François Rodriguez et toute l’équipe de la CFTC

ps: Nous remercions la CFTC de l’Isère, Force Ouvrière et Maitre Germain-Phion avocate au barreau de Grenoble pour le travail de synthèse et d’analyse qu’ils ont réalisé.

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