A l’affect et à la tristesse inévitable face à l’irruption insupportable de la mort, au « viva la muerte » des fascistes renouvelés[1], aux risques de s’y perdre et de tout mélanger, à cette peur qui nous tient, l’urgence est à la vie ! Vivre intensément, à chaque instant, ne pas en perdre une miette, pour des vies « puissantes » qui attestent de notre « vitalité » et de notre humanité réaffirmée.
Qu’est-ce que cela pourrait bien signifier de vouloir vivre « plus » ici et maintenant dans notre entreprise Worldline ? Est-ce que cette question a un sens ? Est-ce possible que nos collaborations soient plus propices à l’affirmation répétée, constante d’une éthique solidaire, tolérante et humaine ? Pourrions-nous faire de ce temps commun un petit bol d’air où l’on viendrait puiser l’assurance d’une vie commune possible ? Comment faire de nos coopérations nos meilleures armes pour réussir à vivre dans un monde de plus en plus étrange ?
Progressons à petit pas si vous le voulez bien, à tâtons. Essayons pour voir, on ne risque pas grand-chose. Commençons par nous rappeler que « la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort »[2]. Cette belle définition semble nous dire que l’on ne meurt pas seulement en rendant son dernier souffle. La mort n’est pas une limite, elle est au contraire « disséminée et multipliée dans la vie », elle est « partielle, parcellaire et multiple ». « On meurt » un peu tout le temps … à coup de renoncements et de petites lâchetés.
Vivre plus consisterait alors à décupler son opposition à toutes ces petites morts. Résister coûte que coûte, ne rien lâcher, ne rien céder pour préserver la richesse d’émerveillement de nos vies. Notre questionnement pourrait donc se formuler de la manière suivante : existe-t-il une caractéristique « vitale » de nos vies sur laquelle nous cédons chez Worldline ?
Notre réponse est la suivante : au sein de Worldline nous abandonnons régulièrement la dimension collective de nos vies. C’est notre petite mort qui nous guette et nous ronge. Il y a évidemment un collectif de travail, on s’entraide, mais nos individualismes exacerbés par l’organisation de notre travail viennent miner la possibilité d’un véritable devenir collectif.
Face à une difficulté, face à un ras-le-bol, combien sommes-nous à fuir vers des îlots protégés des coups bas, tout en sachant que la place laissée vacante affectera un autre collègue ?
Soyons plus concret avec quelques exemples : voyez la tendance actuelle suivie par de nombreux ingénieurs qui préfèrent s’orienter vers des missions transverses après quelques années dans l’entreprise. Leur constat lucide sur la dégradation des conditions de travail des équipes en lien direct avec les clients les poussent à trouver refuge dans celles où les contraintes court-termistes sont moins présentes. Leurs solutions les épargnent mais elles laissent perdurer une situation qui organise la dépréciation des métiers de beaucoup d’autres. Rappelez-vous également de l’injonction de la direction à la visibilité qui nous pousse à se faire voir et à gesticuler, mais rentrer dans la lumière c’est souvent aussi faire de l’ombre à beaucoup d’autres, pourtant très compétents. Et que dire de cette prime qu’on obtient en ne faisant rien ou si peu au vu des efforts et de l’aide d’un collègue qui lui n’aura rien ?
Etc. Etc. …. Nous avons tous un exemple qui atteste de cet abandon.
On fuit seul la machine Worldline qui nous heurte, mais ne devrions-nous pas plutôt la « faire fuir ensemble comme on crève un tuyau ou un abcès »[3] là où elle nous blesse … N’est-il pas possible de penser en commun notre vie commune afin d’inventer des solutions nous protégeant tous ?
Nous sommes convaincus de la possibilité de préserver cette dimension collective de nos vies, qui est aussi la meilleure manière de vivre « plus » au sein de Worldline. Le chemin le plus facile pour y parvenir passe aujourd’hui par une réappropriation massive des instances de représentation du personnel et des organisations syndicales. C’est à travers les moyens du syndicalisme et ceux des instances que nous parviendrons à trouver une forme d’organisation conciliant la consolidation d’un collectif, la production de subjectivité nouvelle et la préservation des singularités de chacun.
Il est urgent de s’intéresser à la vie des instances de représentation du personnel,
Il est urgent de se rapprocher d’une organisation syndicale,
Il est urgent de s’impliquer dans la vie de notre entreprise
La CFTC, la vie à défendre
Jean-François Rodriguez, Florent Jonery, Christian Palcowski et toute l’équipe CFTC
Commentaires et réaction sur le site de la CFTC
6 commentsOn État d’urgence
“Soyons plus concret avec quelques exemples : voyez la tendance actuelle suivie par de nombreux ingénieurs qui préfèrent s’orienter vers des missions transverses après quelques années dans l’entreprise. Leur constat lucide sur la dégradation des conditions de travail des équipes en lien direct avec les clients les poussent à trouver refuge dans celles où les contraintes court-termistes sont moins présentes. Leurs solutions les épargnent mais elles laissent perdurer une situation qui organise la dépréciation des métiers de beaucoup d’autres.”
Est ce vraiment un choix des collaborateurs ?
Bonjour Eric,
Différents éléments de réponses nous ont été donnés par une étude que j’ai réalisé en partenariat avec l’université de Lyon 2 dans le cadre d’un mémoire de recherche de master 2.
Et en effet, il ressort bien que de nombreux salariés tentent de se déplacer dans l’entreprise (souvent vers des missions transverses) jusqu’à retrouver des conditions de travail suffisantes pour réaliser un travail de qualité.
Je te fais suivre tout ça si tu es intéressé.
Amicalement
Pour ajouter une précision suite à notre échange: en effet tu as raison également, certains déplacements au sein de l’organisation sont contraints, les salariés n’ayant pas leur mot à dire. Merci pour cette précision.
La CFTC en col Mao?
Qui de plus pertinent, en effet, pour nous instruire du “fascisme”, que l’homme qui en pinçait pour la “mise à l’ordre du jour de la terreur”, pour peu que celle-ci soit assurée par ses amis Pol Pot et les khmers rouges?
Bonjour Jean-Pierre,
Ne t’inquiète pas, nous faisions référence à l’analyse de Badiou qui nous semblait intéressante et pertinente. Mais je dois t’avouer que nous connaissons très peu ses autres écrits.
Dans tous les cas, la référence à Badiou est un point de détail par rapport à la question que soulève notre communication. N’hésite pas à me contacter si tu souhaites que nous en parlions plus en détail.
Amicalement
Un “point de détail” à 2 millions de morts, ça fait plutôt une grosse tâche sur la biographie de ce monsieur.
Pas franchement “la Vie à Défendre”, en tout cas…
PS Deleuze, que vous citez aussi, était classé par Badiou parmi les “idéologues préfascistes”, conformément à sa tendance à voir des fachos chez quiconque était en désaccord avec ses douces idées.
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