Le management

  1. La construction d’un référentiel
  2. Les réalités de l’emploi des ingénieurs informaticien
    1. Sur Worldline
      1. L’organisation
      2. Le management
    2. Sur le métier
    3. Sur la carrière
    4. Sur la rémunération
  3. Les motivations préservées

Le management est au cœur des rouages de l’organisation de l’entreprise. A travers quatre composantes nous essayerons de montrer comment il vient lui aussi heurter les attentes des ingénieurs. D’une critique de ses moyens insuffisants, nous essayerons ensuite de comprendre comment son fonctionnement passe par un pouvoir discrétionnaire avant de disséquer les dispositifs dont il use pour contrôler les ingénieurs informaticiens jusqu’à percevoir la violence que les salariés peuvent subir.

Le manque de moyens du management

En premier lieu, les ingénieurs informaticiens se demandent « en termes de management, comment on peut avoir quelque chose qui fonctionne si on ne [se] donne pas les moyens ? »[1] Du matériel[2] et des hommes pour commencer comme un préalable indispensable : « une des composantes qui m’a fait du tort c’est le manque de ressources »[3], « quand une équipe il y a cinq, six personnes, si tu as un moteur ça va, quand tu es une équipe où tu es 20 ou 30 il ne faut pas un moteur, il en faut quatre ou cinq ou six sinon tu n’arrives pas à conduire tout le monde. C’était ça, si tu veux, certains moteurs sont partis tu vois, et derrière tu te retrouves avec plein de gens »[4].

De la possibilité d’être suffisamment nombreux pour mener un travail à bien à celle de dire merci, des moyens de base semblent un peu bloqués : « dans le management tu as des droits, tu as des gens dans ton équipe à qui tu peux faire plaisir, ceux qui le méritent, des fois ils méritent d’avoir des choses mais tu ne peux pas leur donner […] La seule reconnaissance que tu peux donner c’est merci, et des fois cela ne suffit pas. Des fois tu manques de moyens pour … et cela ce n’est pas facile. C’est source d’insatisfactions »[5].

Les managers manqueraient « de leviers effectivement pour motiver [les] équipes »[6] et parfois ils manquent également d’expérience : « j’ai vu différents managers, différents types de management, j’ai vu des managers qui n’auraient jamais dû être managers »[7], « Je suis totalement choqué de voir des mecs qui ont un an et demi d’expérience et qui deviennent responsables d’équipe. Pour moi il faut… je ne sais pas c’est peut-être parce que je suis vieux que je dis ça, jamais je me serais vu diriger une équipe avant d’avoir atteint 30 ans, je ne sais pas. Parce que je trouve que humainement tu ne sais pas quoi, il y a plein de choses que tu ne sais pas encore, que tu n’as pas vécu et que tu ne peux pas comprendre. J’ai vu beaucoup de gens se faire griller comme ça »[8].

A travers le management l’organisation a l’air d’aller trop vite, les ingénieurs manquent de temps « quand tu es dans l’action, tu es même plus dans la réaction que dans l’action, tu n’as pas l’occasion d’avoir cette prise de recul, de pouvoir analyser cela, et puis tout s’enchaîne, quand un projet est fini, tu en as bien bavé, tu passes au suivant, il y a toujours quelque chose qui arrive derrière. Il n’y a pas forcément… il y a forcément des moments de creux, quand il y a des moments de creux tu te reposes parce que tu t’es cramé pendant un moment de rush. Le fait d’avoir ce rythme un peu en dents de scie ne t’aide pas forcément à prendre du recul »[9].

L’histoire bégayerait jusqu’à en perdre la mémoire selon les personnes interrogées: « souvent cela m’arrive d’avoir un flash-back et de me dire cela je l’ai déjà vécu, cette situation. Cela s’est déjà passé, cela me rappelle quand nous l’avons fait sur d’autres projets, cela me remémore les projets, les problèmes que nous avons eu, ce qu’il fallait faire et ce qu’il ne fallait pas faire, parce que le client, c’est compliqué aussi son besoin, un jour il veut ça puis il veut autre chose, et tout de suite cela me parle tac tac et moi tout de suite j’essaye de retranscrire mon expérience aux gens qui sont autour de moi et ils ne l’entendent pas mon retour d’expérience si tu veux. Ils restent comme ça »[10].

[1] Voir les entretiens

Arbitraire et justice

Le second point d’achoppement sur lequel trébuchent les managers serait un problème d’équité et de justice. « Il n’y a pas d’impartialité, tu ne peux pas dire une personne est bonne ou n’est pas bonne, il y a des personnes très fortes qui sont reconnues, tant mieux, des personnes très fortes qui ne sont pas reconnues, des personnes qui sont nulles et qui sont reconnues, et des personnes qui sont nulles et qui ne sont pas reconnues. Donc tous les cas de figure. Après heureusement que les personnes les plus reconnus sont les personnes les plus fortes. Heureusement mais ce n’est pas toujours le cas. Cela n’a pas toujours été le cas. C’est plus que 50 %. Allez 55 % »[1]. Cette situation semble pouvoir s’expliquer pour différentes raisons.

Premièrement les managers ne parviennent pas « à détecter non pas l’implication des personnes sur des projets, il y a des personnes qui font des longues horaires, mais la qualité du travail réalisé sur un projet »[2]. Cela implique que « les équipes qui réussissent leurs projets sont moins récompensées que les équipes qui ne réussissent pas leurs projets. C’est-à-dire que lorsque tu as un projet qui va mal, tu vas faire plein d’heures, et en fait on va te payer pour ton échec. Et quand ton projet est bien géré, des fois tu as de la chance tu tombes sur des projets facile et tout, OK, et il y a aussi des fois c’est parce que les gens font bien ce qu’il fallait et qu’il y a des bons éléments dans l’équipe qui sont moteurs qui font avancer les choses. Et ces gens-là on va considérer que ça va c’est facile. Et voilà. Je trouve que la motivation des meilleurs éléments peut pâtir de ce type de classification »[3].

Deuxièmement les ingénieurs informaticiens réalisent que la méritocratie à la manière scolaire n’existe plus dans une entreprise : Partir « du principe que si je fais bien mon boulot les gens vont le voir »[4] ne mène pas forcément très loin : « force est de constater que cela ne marche pas »[5]. Il y a un « je ne sais quoi » à ajouter « parce que quand tu es à l’école et que tu travailles bien et bien en fait c’est les notes, et les notes elles se voient. Alors que dans une boîte il n’y a pas cette notion d’évaluation directe, tout est tacite. C’est plus la manière dont tu vas présenter le truc sur lequel le mec va se faire un jugement, parce qu’il n’a pas le temps de regarder ce que tu as fait en détail. C’est vraiment plus la manière de présenter le truc, moi j’étais un peu idéaliste »[6].

Donc « Tu ne peux pas te contenter de bien faire ton travail. Il faut aussi que tu sois visible […] donc en plus de travailler, tu dois travailler à ta visibilité »[7]. L’injonction à se faire voir se retrouve fréquemment[8] : « tu as fait du bon travail mais les gens qui te connaissent c’est les trois qui étaient avec toi dans le projet, et donc les six autres chefs du pôle, du département ne te connaissent pas, les autres experts ne te connaissent pas donc cela ne suffit pas, il faut augmenter ton influence »[9] qui vient souvent bousculer les manières d’être des ingénieurs : «Ne pas me mettre en avant c’est parce que ce n’est pas dans mes convictions, ne pas se vendre au diable, j’estime que si tu te vends tu as un manque à cacher quelque chose comme ça. Ce n’est pas vrai dans la réalité mais cela fait partie de ma manière de penser à la base, c’est psychologique »[10].

On se demande si cette visibilité escomptée n’est pas au contraire la meilleure justification de l’arbitraire : « Ça paraît bizarre mais parfois il y a des personnes on va avoir l’impression qu’elles ont fait des montages parce qu’elles ont bien communiqué sur ce qu’elles ont fait, elles vont être vraiment fortes à ce niveau, c’est une qualité, ça fait partie du métier d’ingénieur, il y en a qui sont très bons pour cela, mais du coup parfois on a l’impression que « Ouah ! » la personne est visible, elle fait du bon boulot, puis derrière c’est creux. Alors qu’il va y avoir d’autres personnes qui peut-être au niveau communication elles ne sont pas forcément bonnes, elles ne vont pas forcément communiquer sur leur travail mais que derrière ce qu’elles font c’est important. Il  y a un équilibre à trouver »[11] .

Les ingénieurs semblent ne pas savoir comment faire mais tout laisse à penser qu’il faudra finalement y « jouer » au jeu de la communication : « malgré le fait que j’ai essayé vraiment de ne pas y jouer, je suis arrivé à l’évidence que de toute façon cette communication elle était là et que soit en gros tu la subis soit tu l’utilises. Et donc tu ne peux pas faire sans, tu ne peux pas la mettre de côté, ce n’est pas possible »[12].

De la communication nous passons à l’image du salarié qui est un autre élément clé de la relation entre l’ingénieur et sa direction. Là aussi les ingénieurs apparaissent comme pouvant rapidement se faire prendre par l’arbitraire car une image repose souvent sur des détails, des épiphénomènes qui reflètent rarement le travail réel : « Les managers se réunissent, autour d’une table. Ils font des people review […] donc les gens discutent, la moitié il y a une ou deux personnes qui le connaissent, car c’est dans une équipe, les gens se posent des questions, après ils entendent lui c’est un haut potentiel, ils ne le connaissent pas, ils ont une idée, lui c’est un haut potentiel, mais en fait ils ne le connaissent pas. Ensuite ils ont l’occasion de travailler avec lui c’est bien ou pas, pour se faire une idée mais souvent c’est ça, il y a une image sur les gens. Lui c’est un haut potentiel, lui il est nul, on ne peut pas avoir confiance, un bas potentiel »[13].

Les rumeurs, les bruits et préjugés circuleraient comme les vérités dans l’entreprise : « le problème c’est que si […] une personne le dit [que la salarié a un défaut] l’autre dit oui c’est vrai, je l’ai déjà entendu de quelqu’un, et du coup tu vois ils ne cherchent pas tu vois ? Ils ne cherchent pas à comprendre. Ils se basent sur ce que machin a dit en telle année et c’est parti quoi. C’est ce qu’ils appellent, moi Claude me l’a dit clairement : «  moi je suis désolé tu as des casseroles et cela ne se change pas » »[14]. Des casseroles que les ingénieurs pourraient trainer des années car « c’est très compliqué dans une entreprise quand on s’est fait une réputation, une image, etc. de la changer, on la garde à vie. On traine des casseroles, j’étais grillée. Pour changer l’image que l’on avait de moi, c’était compliqué, très compliqué »[15].

Analyse

Il est intéressant d’analyser la manière avec laquelle les salariés interrogés s’adaptent à cette réalité de l’organisation. Ils partagent une même compréhension du fonctionnement du management qu’ils jugent majoritairement négativement. Les outils des managers laissent la possibilité à l’arbitraire de s’infiltrer dans leurs choix. Et pourtant à nouveau ils ne semblent pas réussir à dérouler leurs critiques jusqu’à ces dernières conséquences : s’opposer à l’arbitraire et penser un système d’évaluation égalitaire.

Au contraire, face à leurs difficultés ils s’approprient les solutions de la direction. Ils acceptent par exemple le jeu de la visibilité qui semble pourtant la meilleure manière de perpétuer un système qu’ils accusent. Cette lutte pour la visibilité viendra probablement un peu plus attiser les concurrences entre les ingénieurs. Elle pourrait finalement renforcer l’emprise de l’organisation et leurs difficultés. D’autres préfèrent alors baisser les bras en justifiant leur choix par une incompatibilité « psychologique ».

Mais là encore d’une analyse et d’une compréhension des méfaits de l’organisation, les ingénieurs optent pour une solution qui n’a aucune conséquence. Les outils arbitraires se perpétuent comme si de rien n’était. Cette justification psychologique traduit une incapacité des ingénieurs à dépasser un cadre fixé par l’organisation. Ils naturalisent leurs choix afin de mieux masquer leurs faiblesses. L’image cognitive des ingénieurs encadrant leurs perceptions de la réalité professionnelle semble les priver de la possibilité d’une critique qui imposerait un soubassement égalitaire au monde du travail. Inégalité et concurrence sont là de droit et on ne pourrait pas les repousser.

[*] Voir les entretiens

[8] Ce point est développé plus en détail ultérieurement

Le contrôle

Un nouveau point de friction entre manager et ingénieur naîtrait de l’autorité des premiers sur les seconds à travers l’existence de formes de contrôles et l’imposition de directives. Contrôle de l’information « lorsque l’on nous demande de réfléchir sur un problème, on va effectivement vachement réfléchir, on ne nous a pas donné les contraintes [Financières, économiques, clients], les contraintes elles sont obscures même pour la personne qui me demande de réfléchir, on fait l’étude, on passe du temps dessus, on rend le truc, on ne sait pas ce qui se passe ensuite »[1].

A la manière d’un ingénieur qui prendrait sa place sur une chaîne : « tu arrives sur ta tâche de développement, tu as le cahier des charges, la spécification, et voilà tu fais ton truc. Tu ne sais pas si, est-ce que c’est le chef de projet qui a décidé comme cela, est ce qu’il en a parlé avec le client avant, est-ce qu’ils se sont mis d’accord, tu es plus dans le rôle de l’exécutant. L’exécutant pur et simple »[2]. L’ingénieur semble perplexe face à cette mise en silence d’un contexte pourtant nécessaire à la bonne compréhension de l’objectif et à la réalisation d’un travail serein.

En effet « si vous nous demandez de faire un effort au moins dites-le nous de faire un effort mais ne nous le cachez pas, parce que là vous nous le cachez. Là tu casses les chiffrages, l’autre il casse les chiffrages en deux, tu dis ça au chef de projet qui nous redonne ça, mais personne ne dit que les chiffrages ont été cassés en deux et tout le monde est là à ronchonner et à faire des trucs à l’arrache, à faire des trucs de merde […] Parce que moi tu me dis OK les gars on a vendu deux fois moins, ce n’est pas grave si vous faites de la merde, au moins les gens ne se sentent pas responsables de faire de la merde, on leur a demandé de coder deux fois plus vite »[3].

Le manque de transparence isolerait le salarié qui se retrouverait seul face au chiffrage d’une certaine manière : « moi [l’architecte] je n’ai jamais dit qu’il fallait deux jours pour faire ça, j’avais dit par exemple quatre jours. Maintenant c’est tombé sur le chef du projet qui dit ça à son développeur, et lui sur son bureau c’est tombé deux jours. Et forcément le développeur il ne comprend pas, deux ce n’est pas possible »[4]. « Le manque de communication des fois est peut-être volontaire » se demande Mathieu.

A cette mise sous tension en silence, le contrôle de l’information pourrait également servir à « protéger » les ingénieurs afin d’éviter qu’ils « s’égarent ». Par exemple « un manager va être exposé, je ne sais pas par une conférence, pas un autre manager, ou par une discussion de comptoir, à une nouvelle manière de faire, quelque chose, une nouvelle brique technique, un nouveau procédé, pour améliorer le truc, qui est nouveau, qui est bien, et bien je n’ai pas le sentiment que le manager va le partager avec son équipe, j’ai le sentiment qu’il se garde lui-même la responsabilité de ces choses-là, il ne va pas travailler en groupe, il va vraiment être en mode équipe manager, il va filtrer cette information […] cette volonté de contrôle du management sur les possibilités que les gens pourraient avoir de faire des choses pour pas que même des fois ils aient l’idée de le faire de peur qu’ils s’égarent, qu’ils ne soient pas concentrés sur les tâches qu’ils ont à fournir. On le sent cette volonté de contrôle de par la communication, de par la régulation des mails, moi je trouve cela particulièrement malsain »[5].

Et s’il est trop tard car l’ingénieur s’est déjà engouffré sur le mauvais chemin alors les managers placeront « des barrières à un moment qui vont faire [qu’il] ne pourra pas aller poursuivre, implémenter la vraie solution »[6]. La direction retiendrait l’information qu’elle ne veut pas divulguer et sauvegarderait toutes celles dont elle pourrait user : « Tout doit être tracé […] les trucs individuels, les entretiens aussi, avant tu les imprimais, c’était sur le papier, c’était entre le collaborateur et toi, à la limite tu pouvais le filer à la DRH, maintenant tout est tracé sur les outils, et à un moment donné, on nous demandait de remplir nos compétences dans un outil sur les carrières, après il sortait en gros, je pense qu’ils font des statistiques avec cela, lui on le va le dégager, tu as l’impression d’être tracé et être plus, tu es moins humain dans la société, tu es plus, voilà il faut être efficace, tu es une ressource, on est tous des ressources depuis le début, au début lorsque j’ai appris le mot ressource, dans toutes les boîtes je pense que nous sommes des ressources, mais le mot ressource moi il m’a vraiment choqué au départ, tu es une ressource, je suis quoi ? »[7].

[1] Voir les entretiens

La violence

Finalement, l’organisation par son management peut être perçue comme une atteinte au corps et à l’esprit des ingénieurs par des mises en situations éprouvantes proche d’une certaine violence.

« Je pensais vraiment que l’on était dans le monde des bisounours et le choc a été d’autant plus violent »[1]. Violence qui apparait dès lors que les ingénieurs prennent conscience qu’ils « restent une pièce. Tu restes une pièce dans une entreprise et voilà. Tu es aussi jetable qu’un ouvrier ou n’importe quoi. Tu es un pion dans une entreprise. On a besoin de toi on utilise, on n’a pas besoin de toi on te vire, on te placardise »[2].

Cela semble être assez brutale pour certains : « ils m’avaient clairement fait comprendre que si je ne me reprenais pas, à un moment il faudrait peut-être penser à aller voir dans une autre boîte parce que en fait je n’avais rien à foutre ici. Donc voilà. Ils avaient été assez cash pour que je comprenne aussi. Mais donc du coup à partir de là, cela m’avait vachement mit la pression, cela m’a aussi vachement mis un coup sur la conscience […] je ne pouvais pas demander de l’aide [au manager] parce que c’était à lui que j’en voulais. C’était lui qui me défonçait »[3].

La violence semble prendre des formes variées pour d’autres : « un petit bureau, des petits machins, j’étais un peu dans le placard »[4] ou bien lorsqu’il « faut lâcher des personnes parce que je n’ai plus de budget »[5], on demande à l’équipe « qui voudrait faire autre chose ? Personne ne lève la main la plupart du temps, tu es obligé de désigner quelqu’un, qui ne va pas avoir envie d’y aller, ce n’est pas plaisant pour la personne »[6].

Ça continue par des petits coups ou des plus gros qui s’accumulent jusqu’à ce que « cela [devienne] dur, cela devient dur physiquement et mentalement […] à un moment tu commences à avoir des petites, des petites chutes physiques, ça commence à physiquement, tu commences à sentir que tu commences à être un peu plus malade, à avoir plus de mal de crâne, à rentrer crever, tu le sens, tu sens que le boulot cela a un impact sur ta vie privée »[7], « je souffrais, j’en ai même pleuré à plusieurs reprises. Jamais devant les personnes, je rentrais en larme tellement je trouvais ça … Il y a eu des périodes qui étaient très noires, sincèrement […] J’ai eu l’impression qu’au fur et à mesure des années on m’a dégradé. Ce n’est peut-être pas le bon mot, dans le sens où on a voulu me faire croire que je n’étais pas doué. On m’a dévalorisé »[8], « ils vont finir par me faire croire que je suis une merde tu vois »[9].

Nous comprenons à travers leurs propos que des ingénieurs informaticiens parviennent à ne pas être touchés : «  on voit ce qui se passe à côté, sur des collègues, des mecs qui bossent comme des fous, qui partent en limite de dépression, c’est un peu compliqué » pour « certaines personnes, l’organisation par rapport à ce qu’ils ont envie de faire dans leur travail, peut les mettre dans des situations de mal-être »[10].

Par exemple ce manager de proximité qui doit relayer des consignes dans lesquelles il ne croit pas : « cela m’affecte réellement […] quand je vois des collaborateurs […] qui veulent faire autre chose, qui trouvent autre chose, qui ont tout pour faire autre chose et qu’on les retient entre guillemets de force pour la réalité de terrain ou des choses comme cela. C’est le seul genre, c’est vraiment ces moment-là que je vis mal parce que je suis en train de dire à un mec pour lequel je crois réellement qu’il sera mieux dans ce qu’il a projeté, de rester et d’essayer de le convaincre de rester parce que on a encore besoin de lui. Donc cela ne va pas marcher. Et ça je n’ai jamais réussi à le faire correctement, il le sent très bien que mon discours il n’est pas carré »[11].

[1] Voir les entretiens

La construction d’un référentiel

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Les réalités de l’emploi

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Les motivations préservées

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